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La Massette



Étymologie :


Étymol. et Hist. 1778 bot. (Lamarck, Flore fr., t. 2, p.168). Dér. de masse2*; suff. -ette (-et*).


Lire aussi la définition pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Typha latifolia - Canne-de-jonc - Chandelle - Chandelle d'eau - Herbe à rubans - Lambôurdeau - Masse à bedeau - Masse d'eau - Massette à larges feuilles - Queue de renard - Quenouille - Rauche - Roseau à massette - Roseau de la Passion - Roseau des étangs -

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Botanique :


Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description du Grand Roseau et de la Massette à larges feuilles :


Description botanique : Le roseau est une plante vivace qui peut mesurer de 2 à 5 m de haut, qui est glabrescente, à souche rampante tubéreuse. Ses tiges sont ligneuses, très épaisses, plus grosses qu’un doigt, mais elles ne sont pas fragiles. Les feuilles sont très grandes et larges, de 2 à 5 cm, lisses sur les bords. Le roseau est doté d’une panicule longue de 40 à 60 cm, fusiforme, de couleur vert blanchâtre ou violacé. Les épillets sont longs d’environ 1,5 cm, à 3-4 fleurs. Il fleurit entre septembre et octobre (Pignatti, 1982, III : 578).

[...]

Nom scientifique : La source du nom lat. TYPHA est indiquée généralement en gr. tÚfh « massette » en raison de la forme des inflorescences en gros épis cylindriques (André, 2010 : 267 ; DELG : 1147) ; le spécificateur lat. LĀTIFOLIUS, -A, -UM se réfère en revanche aux dimensions des feuilles « larges et allongées » qui caractérisent cette espèce (OLD : 1006).


Description botanique : La massette est une plante à rhizome et elle pousse dans les milieux humides. Elle se caractérise par la forme typique de son inflorescence à quenouille qui se développe au bout d’une longue tige. Les feuilles sont plates, légèrement triangulaires et poussent à partir de la base de la plante jusqu’au sommet, en formant une gaine qui entoure la tige. La période de la floraison va de juillet à septembre (Pignatti, 1982, III : 633).

[...]

 Analyse lexico-sémantique des désignations [de la massette] :

1- Le premier groupe de dénominations, notamment [vˈuð], [vˈuːð], [vˈuð] vudhë, [vˈuʁ] vullë et [vˈuj] vuj sont des continuateurs du lat. BUDA, -AE « ulve, herbe des marais » (DELL : 77) ; les reflets de ce phytonyme latin se trouvent aussi dans les dialectes romans du sud de l’Italie et ils désignent la massette et d’autres plantes aquatiques ressemblant à cette espèce [...]. . Il existe une opinion très répandue concernant le fait que le nom de la massette soit entré dans le domaine roman à travers le contact avec les populations arabes d’Afrique du nord ; en effet le lat. BUDA est considéré comme un mot latin-africain de l’époque impériale, probablement d’origine berbère et qui est aussi présent en ar. būṭa, mais en Sicile ce mot pourrait représenter aussi bien une voix du patrimoine latin qu’un arabisme (DEDI : 71). Un regard attentif au lexique kabyle a mis en évidence une correspondance significative avec le mot kby. tabuda « massette » (Dallet, 1982 : 9) qui peut être reconduit à la racine chamito-sémitique *bud- « pieu, hampe » (HS : 80) et qui se réfère, selon toute probabilité, à la forme de la tige dressée comme un pieu de cette espèce botanique. Ces désignations arbëreshe ne trouvant aucune correspondance sur le territoire balkanique, les Arbëreshë ont probablement emprunté leurs dénominations de la plante aux dialectes romans environnants.


2- [ɣˈɔlje] et [pajaɣˈɔj] constituent le deuxième groupe de désignations de la massette et ce sont des emprunts aux dialectes romans environnants, notamment à l’abr. gliógliə « ivraie » (DAM, II : 885) et au pou. paglia goglia « massette » (Penzig, 1924 : 506). Ce dernier phytonyme est un syntagme composé du mot goglia « ivraie », tout comme le mot abruzzais, et paglia « paille » se référant probablement aux longues feuilles minces de la massette qui renvoient à des bottes de paille.


3- [fɫˈaɡa maʃkuɫˈɔre] est un syntagme composé du nom arb. fllaga qui désigne aussi l’espèce Cladium mariscus (L.) Pohl correspondant à la « marisque », une espèce botanique de la famille des Cypéracées. L’adjectif arb. mashkullore « masculine » a la fonction de spécificateur et sert à mettre en évidence le fait qu’il s’agit d’une plante différente de la marisque, bien qu’il y ait des similitudes entre les deux espèces, généralement, morphologiques. En effet, ces deux espèces sont caractérisées par une tige longue et dressée, à l’extrémité de laquelle se développe une inflorescence en épi. En revanche, la différence la plus remarquable entre ces deux espèces est représentée par le fait que la massette semble être plus robuste que la marisque et cette particularité morphologique est exprimée par le spécificateur mashkullore ; le critère distinctif « robuste ~ fragile » sur lequel peut se baser la distinction entre plantes « masculines » et plantes « féminines » a été identifié par Anthony et al. (2002) en traitant du sexe des plantes dans les Yoruba d’Afrique et du Brésil.

Une fois motivé le spécificateur de cette dénomination, il reste à tracer les coordonnées motivationnelles du nom arb. fllaga. Cette forme lexicale ne trouve pas de véritables correspondances dans les dialectes albanais des Balkans, mais il est possible de la rapprocher d’autres mots formellement proches d’elle, bien qu’il ne s’agisse pas de phytonymes. En partant de la base lexicale f- + -ll- + -V- (+ -C-) on identifie en albanais les mots suivants: flak « jeter, lancer » ; flakë « flamme » ; flas « parler » ; fle « dormir » ; fletë « feuille, aile » ; flok «cheveu»; flug « impétuosité, violence » ; flutur « papillon » ; fllad « brise » ; fllugë « vésicule » (FGjSh, 2006). Tous ces mots renvoient à l’idée de « mouvement » d’un objet dans l’aire, ou à un déplacement de l’aire même, comme dans le cas des verbes flas « parler » et fle « dormir ». Selon de nombreuses études portant sur l’évocation de l’image d’un mouvement que quelques consonnes ou groupe de consonnes produisent, l’association FL traduit un mouvement lent, fluide ou l’idée de flotter ou de voler (Contini, 2009 ; Jespersen, 1922) ; on pourrait donc imaginer que ce protolexème d’origine phonosymbolique motive les dénominations arbëreshe de la massette et de la marisque en tant que plantes qui bougent sous l’effet du vent en raison de leurs tiges flexibles. La flexibilité des tiges est le trait qui motive aussi les désignations du roseau, de la massette et du jonc dans l’Arc Alpin où Signorini a retracé les dénominations suivantes : fla, flo et flan pour le roseau ; fla pour la massette et le jonc ; tous ces noms sont considérés comme des aboutissements du lat. FLACCUS « mou » (Signorini, 2005 : 252).

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de différentes roseaux :


Typha latifolia : Propriétés Physiques et Chimiques. La racine de massette contient, d'après Raspail, une substance féculente ; cette fécule a été retrouvée par Lecocq ; elle forme le huitième du poids de la racine. Celle-ci est comestible ainsi que les jeunes pousses. Le calice des fleurs femelles est remplacé par une houppe de poils qui se détache après la floraison et qu'on appelle duvet de typha. Cette plante fournit un pollen très abondant et fort semblable à la poudre de lycopode


Usages médicaux. On a attribué à cette racine des propriétés astringentes qui l'ont fait prescrire dans les hémorrhagies utérines, la dysenterie chronique, la leucorrhée et la blennorragie ; cette action repose sur des faits qui ont besoin d'être contrôlés. Le duvet est employé comme succédané du coton et appliqué sur les engelures crevassées et sur les brûlures (Durant). Le pollen remplace quelquefois la poudre de lycopode (De Candolle).


L'autre espèce indigène, la massette à feuilles étroites (Typha angustifolia, L.) possède les mêmes propriétés et est employée aux mêmes usages.

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Usages traditionnels :


Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes :


Propriétés et utilisation : Dans les communautés arbëreshe, les feuilles de la massette était employées pour le cannage des chaises et pour empailler les grosses bouteilles de vin.

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Symbolisme :



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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Roseau à massue - Musique.

La nymphe Syrinx s'amusait à cueillir des fleurs sur les bords du fleuve Ladon. Tout entière à cette agréable occupation, elle n'avait pas pris garde à la venue du dieu Pan. En l'apercevant elle se mit à fuir, mais le dieu courait mieux qu'elle, et Syrinx allait tomber au pouvoir du satire quand elle implora les nayades ses sœurs, qui la changèrent en roseau. Le dieu, déçu de son espérance, coupa plusieurs de ces roseaux d'inégales grandeurs et en fit l'instrument de musique connu sous le nom de flûte de Pan.


Pour fuir le dieu des bois, plongée au fond des eaux

Syrinx fut transformée en d’utiles roseaux. GRESSET.


D'où nait cette rigueur extrême ?

Pourquoi refusez-vous d'écouter mes serments ?

Je suis laid ; mais, hélas! est-on laid quand on aime ?

La beauté véritable est dans les sentiments. DEMOUSTIER.

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Massette à larges feuilles (Typha latifolia) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Planète : Mars

Élément : Feu

Pouvoirs : Désir sexuel


Une femme songe à avoir la plus belle toilette. Elle dit à son mari : « Vends ton cheval et ta vache, et achète-moi un vêtement comme en portent les dames de Saint-Pétersbourg. »

Le malheureux, bien malgré lui, vend ses bêtes pour faire plaisir à sa femme qu'il n'a pas envie de voir bouder, car elle sait très bien le punir en étant maussade, acariâtre. Elle met le beau sarafane (sorte de tunique), prend un grand roseau et en fabrique un pipeau. Pendant tout l'été, elle amuse sa chèvre et la fait danser au son du pipeau. L'hiver arrive ; le mari manque de bois. « Que devons-nous faire, mon amie ? » demande-t-il. « Tu as joué du pipeau tout l'été, je n'ai pas de bois pour l'hiver. Ote ton kaftan de tous les jours, ma mie, mets ton beau sarafane dont tu es si fière et, pour rattraper le temps perdu par ta faute, je t'attellerai au traîneau. Tu vas me servir de cheval pour rentrer ma provision de bois. »

Il va couper un roseau encore plus grand et plus fort que celui qu'elle avait pris pour s'en faire un pipeau, et il en fabrique un fouet. Il attelle sa femme, il la fait marcher avec le fouet : « Allons ! Pressons ! Il fait froid dehors. Je n'ai pas envie de me geler jusqu'à la nuit... Dépêchons ! Traîne-moi bien vite. Ah ! je suis moins bête, maintenant. »

La femme pousse des cris désespérés. « Reprends ton sarafane et délivre-moi, par pitié ! Revends ce costume. Rachète un cheval et une vache mais, pour l'amour du Christ, ne m'attelle plus ! »


Utilisation rituelle : Le dieu mexicain qui fait pousser les joncs et les roseaux s'appelait Napatecutli ; on lui sacrifiait des victimes humaines. Les futurs sacrifiés, vêtus à l'instar du dieu, allaient parmi la foule, un roseau-quenouille à la main. La Massette se comportait comme la baguette des sourciers, révélant immanquablement les femmes adultères.


Utilisation magique : La « quenoulle » - ou « manchon » - du grand roseau Massette est constitué de deux épis superposés, cylindriques, d'une belle teinte marron velouté. Le manchon inférieur, plus renflé, plus lisse, est femelle. Le manchon supérieur, effilé, velu, le prolonge et semble se dresser agressivement : il est mâle.

Les femmes frigides, et malheureuses de l'être, doivent boire beaucoup d'infusions faites uniquement avec la quenouille femelle du roseau.

Les femmes hypersexuées, et à qui leur tempérament pose certains problèmes dans la vie de tous les jours, doivent boire beaucoup d'infusions faites uniquement avec le « pénis mâle » qui se dresse au-dessus du manchon.

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Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe du Grand Roseau :


1- Les noms arbëreshë du roseau sont tous rapportables à une même base lexicale qui est aussi présente dans l’alb. /kˈaɫəm/ kallëm : kall-Vm- ou, avec métathèse, kam-Vll-.

Les formes lexicales arbëreshe collectées pour désigner ce végétal résultent être totalement opaques pour les locuteurs. [...] Afin de tracer un parcours de reconstruction motivationnelle, il est donc nécessaire d’observer et de mettre en comparaison d’autres formes lexicales qui puissent nous aider à retracer le motif qui a généré cette désignation ou à nous en approcher. L’analyse du signifiant nous conduit à considérer /ka-/ comme la base lexicale de départ : dans tous les dialectes de l’albanais et en albanais standard ka est le nom du bœuf ; notre phytonyme est donc un nom dérivé à partir d’un zoonyme. Dans le champ onomasiologique du « bœuf » se trouvent aussi d’autres noms : /kal/ kal « cheval », alb. /kaɫ/ kall et arb. /kɫas/ këllas « mettre, introduire, enfoncer », /kˈaɫəm/ kallëm « roseau », /kar/ kar « pénis » et un groupe important d’autres dérivés à partir de ceux-ci que nous n’analyserons pas car nous n’avons pas comme but la réalisation d’un glossaire thématique. Parmi les divinités égyptiennes, Hathor est la déesse-bœuf représentée avec la tête humaine d’où sortent deux cornes de bœuf surmontés, au milieu, par le disque du soleil (Černý, 1951 : 29). Le mythe égyptien concernant cette divinité est lié à celui de la destruction de l’humanité à œuvre de Rê, dieu suprême qui voulait punir les hommes parce qu’ils conspiraient contre lui quand il est devenu vieux. Rê connaissait bien les pensées des hommes et ce fut ainsi qu’il décida de réunir tous les dieux pour leur demander conseil sur ce qu’il devait faire avec les hommes. Les dieux lui suggérèrent d’envoyer son œil, c’est-à-dire le soleil, sous forme de la déesse Hathor afin d’éliminer les conspirateurs. Ainsi, une fois arrivée sur la terra, Hathor montra sa puissance aux hommes, mais elle remonta aux cieux avec l’intention de descendre encore une fois sur la terre pour éliminer définitivement l’humanité ; Rê s’opposa à cette intention d’Hathor et l’arrêta en la soûlant. Bien qu’il se sentit encore indigné contre les hommes, Rê se retira au ciel et son mythe le représente sous forme de bœuf (Černý, 1951 : 48). Il existe encore de nos jours, parmi les chasseurs turcs et russo-sibériens, l’interdiction de prononcer le nom des animaux domestiques, notamment de la vache, du cochon, du chat et du dindon (Zelenin, 1988 : 306). Chez les éleveurs de bestiaux de la Sibérie, on a l’habitude de pendre une partie du corps de l’animal abattu pour qu’elle offre de la protection, il s’agit normalement de la partie la plus importante avec laquelle l’âme de l’animal est connectée: les Jakuti pendent à un pieu ou à une branche dans la forêt la tête d’un renne, d’un cheval, d’un taureau; les Chirghisi conservent le crâne du cheval et de la brebis qu’ils ont mangés sur un lieu élevé, tel que le sommet d’un rocher ou d’un pieu (Zelenin, 1988 : 229). Dans les anciennes croyances nordiques, le bœuf est l’une des épiphanies préférées des Fylgien, c’est-à-dire des fantômes ayant la fonction d’un esprit protecteur (Riegler, 1981a : 306). Sur le site préhistorique d’Altamira (Espagne), les peintures rupestres réalisées par les hommes du Paléolithique représentent toute une série d’animaux, parmi eux notamment les chevaux, taureaux, sangliers, cerfs, une licorne et un ours peint dans le corps d’un taureau (Curtis, 2006 : 102) ; tous ces animaux sont les représentations du « surnaturel », de la « puissance divine » et ils remontent, donc, directement au totémisme et à sa conception zoocentrique du monde. En revanche, il ne s’agit pas d’animaux ayant les mêmes caractéristiques morphologiques, mais ce sont tous des animaux puissants, c’est-à-dire doués d’une force physique véritable et démesurée si on la confronte avec celle de l’homme primitif. Cette « puissance, force » caractéristique du bœuf-taureau a déjà émergé dans le conte du mythe d’Hathor, épiphanie cornue du dieu-soleil qui a le pouvoir de détruire ce qu’il illumine et réchauffe ; en revanche, la force dont le bœuf est doué est aussi confirmée par ce que dit Riegler (1981a : 315) à propos du motif du corne qui est considéré comme le « simbolo della forza soprannaturale » [1].

Or, en considérant les noms dans ce champ onomasiologique et qui dérivent formellement de ka « bœuf », le premier dérivé est kal ʻchevalʼ, où le suffixe < -l > est utilisé en albanais pour la formation de noms diminutifs : kal aura, ainsi, la valeur sémantique de « petit bœuf », c’est-à-dire « moins puissant que le bœuf » qui est la puissance véritable et cela peut remonter au fait que, tout en étant l’un des animaux préhistoriques les plus importants avec le bœuf-taureau, le cheval n’est pas doué de l’attribut de « tout puissant » car il est dépourvu de cornes. Le cheval apparaît aussi dans la littérature orale balkanique comme épiphanie des âmes des morts [2]. Cet équidé est considéré un animal magique dans la tradition populaire germanique où il se manifeste sous forme de cheval blanc représentant les princes ensorcelés (Riegler, 1981a : 308) ; c’est aussi l’une des montures surnaturelles incarnant l’âme des hommes (Riegler, 1981a : 312). Dans la perspective chrétienne, le cheval est l’une des épiphanies préférées du diable (Riegler, 1981a : 317), tandis qu’à un stade de représentation plus ancien, le cheval est la manifestation des esprits de la nature, tels que le nuage, l’eau (mer et fleuves), le blé (Riegler, 1981a : 321) et le vent (Riegler, 1981a : 323). Dans le système des croyances populaires nord-européen, le cheval est l’épiphanie du cauchemar qui tourmente surtout les autres chevaux, transforme aussi les hommes en chevaux et, d’après Caprini (1984 : 24), les « monte » jusqu’à les éreinter. Cette auteure souligne, en outre, l’interchangeabilité entre les mots « monter » ou « être monté », liés à l’idée du coït qui est désigné métaphoriquement comme « monter à cheval », tandis que la femme se transforme en jument (Caprini, 1984 : 27) : ce type de nuance sexuelle lié à cet animal se trouve aussi dans les dialectes arbëreshë où une femme séduisante est appelée d’habitude pelë « jument » (Pignoli & Tartaglione, 2007 : 151) et l’acte sexuel se traduit avec le verbe arb. /kɫas/ këllas « mettre, introduire, enfoncer, coïter ».

Les verbes alb. /kaɫ/ kall « mettre, introduire, enfoncer ; enterrer, terroriser » (Leka & Simoni, 1996-1999 : 214) et arb. /kɫas/ këllas « mettre, introduire, enfoncer, coïter » (F : 187 ; Baffa, 2009 : 51) peuvent donc dériver de l’idée de pression, d’étouffement des hommes et des chevaux que le cauchemar produit pendant leur sommeil; mais l’interprétation étymologique de la première partie du mot fr. cauchemar est faite remonter au lat. CALCARE « presser, appuyer » qui a pris aussi en français médiéval la signification de « coïter » (Caprini, 1984 : 31), tout comme pour le verbe arbëresh ci-dessus.

Or, en revenant sur le phytonyme objet de ce paragraphe, le signifiant /kˈaɫm/ kallëm représente sûrement un nom dérivé de kal « petit bœuf » moyennant l’ajout de deux suffixes : /kal- + -l- + -m/ où le premier suffixe /-l-/ sert pour la formation de phytonymes (Xhuvani & Çabej, 1962 : 253) et le deuxième /-m/ forme le pluriel d’un nom, tout comme l’explique l’albanologue Jokl pour le nom alb. djalë « jeune homme, garçon », djelm « jeunes hommes, garçons » (Xhuvani & Çabej, 1962 : 257). Le fait de pousser en cannaies a sûrement induit à considérer le roseau comme « un ensemble de plantes » et à utiliser une forme plurielle pour les désigner. Le nom du roseau est donc motivé par l’image « petits bœufs » lié à la représentation de la puissance et de la force surnaturelles dérivant évidemment de ses propriétés thérapeutiques puissantes et de ses qualités magiques [...]

Le dernier nom qu’on a classé dans le champ onomasiologique se référant au zoonyme ka, est représenté par le nom de l’organe reproductif masculin, arb. et alb. /kar/ kar « pénis » ; Trumper (2003a : 511) avait déjà démontré que la base IE. *kar- « dur », « roche, rocher » a produit toute une série de nombreux dérivés démontrant la diffusion compacte de cette base non seulement dans les Balkans, mais aussi en Europe centrale, septentrionale, sur les côtes de la mer Méditerrané ainsi qu’en Orient. Il est donc clair que l’alb./arb. ka-r peut représenter l’idée de « puissance, force » sous la nuance de la « dureté », cette dernière étant la propriété de ce qui résiste à la pression. En effet, Trumper (2003a) a fait encore remonter à la base IE. *kar- un nombre considérable d’oronymes (notamment les Carpates), de toponymes (la Carnie italienne), de phytonymes (charme), etc. et, dernièrement, le nom de cette partie du corps humain.


Note : 1) Symbole de la force surnaturelle (N.T.)

2) Dans la ballade de Constantin et Garentine, il devient le moyen à travers lequel l’esprit du protagoniste peut réaliser sa promesse : avant d’être tué en guerre, Constantin avait promis à sa mère de conduire chez elle sa fille Garentine en cas de besoin ; toutefois, la mort de Constantin rendit impossible de réaliser cette promesse. Ainsi, la mère restée seule, alla pleurer sur le tombeau de son fils en lui demandant de maintenir sa promesse ; le fils, pour apaiser le désespoir de la mère, ressuscita pour aller chercher sa sœur Garentine. La pierre de son tombeau se transforma en cheval blanc qui l’emmena chez sa sœur (Nanci, 2004 : 64).

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Mythologie :



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