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La Mâchecroûte

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    Anne
  • il y a 3 jours
  • 13 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 21 heures





Définition :


Louis Pierre Gras, auteur d'un Dictionnaire du patois forézien. (Auguste Brun, 1863) nous révèle le sens du mot mâche-croûte :


Caramentran s. m. Fête du Mardi-Gras, carême entrant. Mannequin que l'on brûle ce jour-là. Il y a deux caramentrans : le vieux , qui se célèbre le Mardi-Gras, et le jeune, celui du dimanche des Bures. Le mannequin ou effigie que l'on portait en procession ce jour-là, est le manducus des Latins. Elle avait un masque en façon de teste d'homme avec de grosses et amples maschoires, et de grandes dents qu'elle faisait peter l'une contre l'autre, ouvrant une grande gueule, afin de faire fuir les spectateurs en riant.

Voir Plaute, in Rudente. Voir au mot mache-croûte des détails sur le carementran de Lyon.


Mâche-Croûte s. m. Le mache-croûte est le mannequin de carnaval que l'on promenait jadis . C'est le mardigras actuel que nous avons tous vu jeter au Rhône, et qui était, avec Jean-de-Bavière, le grand épouvantail des enfants . On portait autrefois Mâche- Croûte au bout d'un bâton doré, et Rabelais qui avait habité Lyon, comme l'on sait, en rend compte de la façon suivante :


« C'estoit une effigie monstrueuse, ridicule, hideuse et terrible aulx petits enfants , ayant les œils plus grands que le ventre, et la teste plus grosse que tout le reste du corps, avecques amples, larges et horrificques maschoueres bien endentelées tant au dessus comme au dessoubs : lesquelles avecques l'engin d'une petite chorde cachée dedans le baston doré l'on faisait l'une contre l'aultre terrificquement cliqueter, comme à Metz l'on fait du dragon de sainct Clément. »


[François Rabelais, Quart Livre, chapitre 59]

 

Alice Joisten et Christian Abry, auteurs de "Les croquemitaines en Dauphiné et Savoie : l'enquête Charles Joisten." (In : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°2-4/1998. Les croquemitaines. Faire peur et éduquer. pp. 21-56) agrandissent l'aire d'attestation du monstre :


Quelques animaux imaginaires présentent une consistance particulière, soit pour leur ancienneté attestée, soit pour l'étendue de leur aire de diffusion.


La mâchecroute - En Savoie, la maçhecrao, fait du bruit la nuit et s'apprête à dévorer les enfants qui sortent (73 Beaune, Valmeinier). En Isère, c'est un croquemitaine aquatique. La maçhicruta est une bête qui attire les enfants au fond des puits et des serves ou étangs (38 Four). Autre forme à Four et à Roche, moçhicruta. Ce croquemitaine est donc bien connu dans le Nord-Isère (Talon, 1981, p. 352). Il est célèbre comme mannequin du carnaval de Lyon depuis Rabelais.

[...]

Nous parlerons ici essentiellement du volet enfantin des nominations et narrations de mise en garde utilisées. Celles-ci répondaient à deux soucis essentiels. Le principal était de tenir les enfants éloignés des dangers dont ils se trouvaient environnés, dans une société où il était difficile aux parents d'exercer la surveillance de tous les instants qui s'impose quand l'enfant est petit, et de le protéger autant qu'il le faudrait. A ce souci de protection s'ajoutait - en quelque sorte sur la lancée — celui plus large d'obtenir que l'enfant se comporte bien, qu'il soit obéissant : se laisse coiffer-épouiller, mange sa soupe, ne pleure pas, qu'il rentre à la maison le soir venu, fasse sa prière, et ne mente pas... Le danger le plus présent dans les sociétés rurales est celui de l'eau, avec les rivières, les torrents, les puits et les mares, surtout quand on sait à quel point cet élément attire les enfants Les croquemitaines de loin les plus nombreux sont donc ceux qui les en tiennent écartés. 

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Symbolisme :


Selon Annie Cazenave, autrice d'un article intitulé “Monstres et Merveilles.” (In : Ethnologie Française, vol. 9, no. 3, 1979, pp. 235–56)


L'image totalisante du Dragon résume tous les aspects terrifiants de la nuit, du noir, de l'ombre et de la fatalité aquatique. Il émane d'eaux mortuaires : celui de l'Apocalypse sera jeté dans le puits de l'abîme et lié pour mille ans. C'est l'archétype du destin, lié à l'eau qui coule irrévocablement, à la dissolution finale du corps. Le symbole biblique que retrouvent ici les représentations populaires, les dracs, les « cocodrilles » et « coquatrix » des campagnes, le Mâche-croûte lyonnais, la Coulobre cachée dans la Fontaine de Vaucluse, les gargouilles des cathédrales, la Tarasque provençale, en définitive, que Gervais de Tilbury classe très naturellement dans la « très mauvaise espèce du Léviathan ». Mais ce serpent vorace des gouffres, cet animal infernal qui hante les eaux souterraines a été vaincu par le christianisme. Comme le Christ ressuscité, l'Ange de l'Apocalypse est victorieux ; à leur image, les saints, successeurs des héros, délivrent des monstres. Le dragon est transpercé par saint Michel, ligoté par sainte Marthe, domestiqué par saint Marcel, enchaîné par saint Véran d'une chaîne de fer, et la bête subjuguée est devenue mannequin d'osier à amuser la foule en carnaval.

 

Philippe Reyt, dans un article intitulé "Les Dragons de la crue" (Cahiers de Géographie du Québec, Volume 44, n° 122, septembre 2000, pp. 127-145) explique l'importance du dragon dans l'imaginaire occidental :


AUX ORIGINES DU MYTHE : Il est difficile de dater, même approximativement, l'apparition du mythe du dragon dans l'imaginaire occidental. S'agit-il d'un archétype au sens où Jung l'a lui-même défini, c'est-à-dire remontant aux origines des temps, indifférent à toute notion de frontière, de groupe ou de culture, ou s'agit-il d'un avatar du mythe du serpent, comme nous sommes tentés de le croire? Dans tous les cas, le dragon est déjà présent chez les Anciens sous la forme des « monstres gloutons » dont Plaute et Juvénal se font l'écho, et dont Rabelais s'inspire en 1548 pour dresser, dans le Quart Livre, la description d'un Manduce imaginaire que les Astrolâstres portent en procession (Rabelais, 1994 : 513). La découverte d'une effigie de monstre anthropophage attribuée aux Cavares et imprécisément datée d'entre le premier siècle avant et le sixième siècle après J.-C. atteste la présence du dragon à la veille ou dès le début de l'ère catholique (Musée Calvet d'Avignon). Le lieu même de la découverte, un gué sur la Durance, paraît conforter l'hypothèse d'une convénience, c'est-à-dire d'une assimilation par le voisinage des lieux (Foucault, 1966 :33), entre le dragon et l'eau vive dans la pensée analogique. L'iconographie générale, bien qu'illustrant principalement des scènes hagiographiques ou des processions tardives et certainement altérées, permet d'étayer la théorie de la généralisation du mythe du nord de la France jusqu'à la Méditerranée.

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DES DRAGONS À NOS PORTES : À Lyon, la Machecroûte hante au Moyen-Âge les remous du pont de la Guillotière.

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NAISSANCE DU DRAGON OU LA MÉTAMORPHOSE DU SERPENT : Achéloos et le Serpent Nuage à la Barbe de Pluie.

Le serpent, mythe fondateur et largement associé aux cultes solaires comme le mithraïsme, se métamorphose dans l'imaginaire en empruntant les attributs des autres animaux afin de renforcer sa puissance : symbole de fertilité, il emprunte dans la Gaule romano-celte les vertus et la tête du bélier reproducteur; incarnation présumée des eaux vives, il endosse la puissance du taureau, comme lors du combat mythique qui oppose Héraclès au fleuve Achéloos pour l'amour de Déjanire. Avant cette ultime métamorphose, le fleuve essuie d'ailleurs deux affronts, l'un sous sa forme liquide, l'autre sous la forme d'un serpent. Apparaissant également sous les traits d'un dragon, Achéloos - aujourd'hui Aspropotamos - joue un rôle central dans la mythologie des eaux vives : aîné des trois mille dieux fleuves, son nom devient synonyme de fleuve lui-même dans la zone linguistique grecque, où l'on dénombre cinq autres cours d'eau portant son nom. Pour rejoindre les nuages porteurs de pluie, le serpent endosse les ailes de l'oiseau. Ainsi apparaît le dragon, serpent ailé dont l'image fantastique se développe principalement dans les civilisations agraires, de l'Extrême-Orient au continent américain où le Quetzalcoatl des Toltèques, puis des Aztèques, porte sur son dos le cumulus chargé de pluie, mais qui se retrouve également dans l'image des dragons occidentaux. [...]

Les légendes sont nombreuses dans l'imaginaire occidental qui illustrent la vertu initiatrice de l'eau vive et la tentation d'y accéder, à travers les ablutions sacrées ou le vol rituel du trésor : assiette en or pour les dracs, escarboucle pour les vouivres... Mais contrairement à la réinterprétation catholique qui en fait un acte de bravoure, on ne tue pas impunément le dragon pour s'arroger son trésor. Cadmos tue le dragon gardant la source pour ériger auprès d'elle la ville de Thèbes, mais doit ensuite expier sa faute auprès d'Ares, le dieu de la guerre, en le servant huit années durant.

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Le mimétisme : Serpents et dragons présentent des corrélations manifestes avec la rivière, dans leurs brusques assauts comme dans leurs reptations qui rappellent la sinuosité des méandres. Sur le principe analogique, les rivières habitées par le dragon deviennent dragons elles-mêmes, gigantesques sauriens géographiques qui se dessinent sur la cartographie des lieux. Le Drac, ce torrent du Champsaur qui tire son nom du dragon latin, le draco, s'unit en confluence à l'Isère, elle-même représentée par « une serpente », tandis qu'au Val d'Aoste, l'arrivée des eaux dans le lit d'un torrent est précédée par un serpent (Samivel, 1973 : 201) [...] Dans ce schéma de convénience aquatique, le bestiaire imaginaire de l'eau vive corrobore d'ailleurs une ébauche de typologie hydro-géographique : le drac, génie facétieux aux multiples métamorphoses, est étroitement associé aux cours torrentiels, tandis que la vouivre, serpent ailé muni d'une longue queue ondulante, se rencontre principalement dans les vallées à l'amont des bassins. Dans les zones concernées, on relève globalement autant de dracs et de vouivres que d'entités géographiques élémentaires, définies généralement par un cours d'eau de rang 1 ou 2 selon Strahler et ses bassins versants. Les dragons se rencontrent plutôt à l'aval, là où le cours ralenti par les faibles pentes s'élargit au contact des roches sédimentaires. Ce sont des figures généralement solitaires, habitant au cœur des rivières ou dans les rochers les surplombant, et rayonnant largement. Affublés des couleurs de l'arc en ciel, ils prennent une valeur météorologique : leurs ailes leur permettent, à l'image du Quetzalcoatl, de rejoindre le ciel où se forment à la fois les pluies salvatrices et les orages dévastateurs, et le feu de leur gueule béante ou de leurs yeux, souvent rehaussé par des fusées allumées dans les naseaux de leurs effigies, évoque les éclairs. À travers leur haleine fétide, qui empoisonne ou assèche tout comme celle du dragon de Meung sur Loire, transparaît la métaphore de l'étiage et de l'absence de l'eau. Enfin, ils incarnent encore la crue dans leurs violents coups de queue et le tribut qu'ils prélèvent sur les hommes et le bétail, mangés par le dragon, c'est-à-dire noyés par les eaux.

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CEREMONIES : Les fêtes des Rogations Aux premiers siècles de notre ère, l'église catholique doit surmonter une double concurrence qu'elle n'identifie sans doute que partiellement : un panthéon officiel décadent, hérité de Rome, qui, exception faite de quelques religions solaires persistantes, lui offre peu de résistance, et un grand nombre de représentations jalonnant l'espace et les éléments, imaginés par les sociétés pour se doter d'une interprétation commune et cohérente de la nature. Sans aucun doute, le dragon participe de ce bestiaire fantastique et nécessaire. La dialectique manichéenne plaquée sur l'univers par les religions monothéistes ne parvient pas à éradiquer ces symboles complexes des éléments évoluant en dehors du Bien et du Mal, et se superpose à la pensée analogique pour générer une double interprétation des symboles. Louis Beinaert souligne ce procédé dans ses travaux sur la symbolique ascensionnelle chrétienne : l'un des soins les plus constants des Pères de l'Église primitive « est précisément de manifester aux incroyants la correspondance entre les grands symboles immédiatement expressifs et persuasifs pour la psyché, et les dogmes de la religion nouvelle » (Beinaert, 1951 : 275). Dès lors, partout où l'imaginaire a placé un dragon, l'Eglise lui oppose une âme sainte pour en venir à bout. Sur l'ensemble des paroisses, on instaure en remplacement de fêtes profanes plus anciennes les fêtes catholiques des Rogations, le jour de la Saint-Marc et durant les trois jours précédant l'Ascension. Le phénomène semble partir de la vallée du Rhône, où saint Mamert instaure à Vienne des processions aquatiques (Van Gennep, 1949, t. 2 :1382), tandis qu'à Arles, saint Césaire institue les Rogations en remplacement des Balationes en l'honneur de Cybèle, assorties d'une procession religieuse (Clébert, 1986 : 55). Dans ce nouveau contexte, la cérémonie symbolise la victoire du Bien sur le Mal, que le dragon incarne désormais à travers les valeurs chtoniennes du serpent : puissance des ténèbres et des mondes souterrains, symbole de luxure et d'abandon, idole païenne dont l'Église commémore la chute. Mais également figure rédemptrice de la dialectique bachelardienne de la vie et de la mort, symbole de la renaissance tel qu'on le figure sur les chapiteaux des cloîtres des abbayes de Montmajour (figure 5) et de Sénanque. Les célébrations se rapprochent par la date et l'esprit des fêtes païennes qui marquent, à la moitié du printemps, la victoire du soleil sur le monde des ténèbres et la renaissance de la vie après le sommeil hivernal, et se généralisent rapidement sur l'ensemble du territoire où elles se perpétuent pendant plus de douze siècles.

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Chronique d'une mort annoncée : le dragon pourfendu À la fin du Moyen-Âge, les fêtes des Rogations deviennent un argument choisi pour fustiger ce que les incrédules et les réformateurs considèrent comme une coupable confusion entre folklore et liturgie. Les jeux populaires sont l'occasion de railler toutes les autorités et il est probable que les rituels d'abondance - et notamment le vin à profusion - entraînent quelques excès, dans le verbe ou dans les mœurs, sans que ne soit rendu crédible pour autant le constat orgiaque qu'em dressent le clergé et les édiles. Toujours est-il qu'au XVIIe siècle Charles Maurice le Tellier, archevêque de Reims, bientôt suivi par tous les diocèses, interdit de porter en procession l'effigie du dragon local, le Grand Bailla (Guillemot, 1908 : 305). L'interdiction frappe d'ailleurs toutes les festivités jugées trop libérales, comme la Saint-Jean ou le Jour des Fous et ses sarabandes « enfantées par le Diable » (LaurasPourrat, 1989 :263). C'est là une parfaite illustration des prémices de l'hygiénisme, vaste entreprise d'uniformisation du territoire et de la société qui connaît son apogée au XIXe siècle et s'attache avec le même soin à éradiquer les miasmes de la délinquance morale, politique ou juridique. À la veille de la Révolution, ces cérémonies annuelles sont largement tombées en désuétude.

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L'AVÈNEMENT DE LA PENSÉE RATIONALISTE : La domestication des éléments

Dans le même temps, le développement de la technique vient supplanter les anciennes et indomptables représentations en s'attachant désormais à identifier directement les causes des catastrophes sans la médiation d'une image. [...] En 1843, pour célébrer l'achèvement des digues de l'Isère à Grenoble — et la mort « technique » du dragon —, Victor Sappey réalise une fontaine face au pont Saint-Laurent représentant la ville sous les traits d'un lion tenant dans sa gueule un serpent agonisant figurant l'Isère.

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Florent Deligia signe un article sur Lyoncapitale (4 mars 2019) qui résume la légende de la Mâchecroute :


Le Mâchecroute, monstre oublié du carnaval de Lyon, dragon des crues


Histoire - Au Moyen Âge, on racontait que le Mâchecroute hantait les eaux de Lyon, déclenchant les crues du Rhône. Ce dragon des crues était alors l'une des stars du carnaval.

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Les légendes autour du monstre apparaissent dès le Moyen Âge quand les Lyonnais veulent trouver une origine aux crues du fleuve qui ravagent tout sur leur passage. On raconte alors que d'autres dragons peuplent le Rhône. À Tarascon, c'est le Tarasque qui terrorise les habitants, à Arles, il se nomme le Drac. Partout où les crues balayent des vies, les créatures sont connues et leurs légendes se transmettent de génération en génération.

Ainsi, à Lyon, le Mâchecroute dormirait sous le pont de la Guillotière. Tiraillé par la faim ou mis en colère par les bateaux, il peut se réveiller et tout détruire en quelques heures. Il se repaît des animaux qui pâturent le long du fleuve, chasse les ponts qui empiètent sur son habitat. Le dragon est sans pitié, enlevant les humains, tuant sans dévorer et ne laissant derrière lui que des corps boursouflés et sans vie.

Face à l’incontrôlable, les Lyonnais veulent exorciser la peur du Mâchecroute. Durant le carnaval, des effigies du dragon sont brandies, comme pour le faire fuir. Cela ne suffira pas. En 1856, des crues monstrueuses détruisent tout dans la vallée du Rhône. Une loi de protection contre les crues oblige les villes à construire des digues. Les monstres vont disparaître. Les fleuves sont domestiqués et les dragons restent endormis au fond de leurs lits.

 

La rédaction de La Tribune de Lyon consacre quelques articles aux animaux légendaires de la commune. Parmi ceux-ci Nicolas Lagoutte en signe un (publié le 12 août 2020, mis à jour le 8 novembre 2024) concerne la terrible Mâchecroûte :


Les animaux légendaires de Lyon : la Mâchecroute


Décrite en 1552 par Rabelais, la Mâchecroute est un monstre affamé, qui rôdait dans les eaux du Rhône. Portrait d'une légende aujourd'hui disparue, ou presque.

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La légende veut que depuis le Moyen-Âge, cette créature aux allures de dragon erre dans les eaux du Rhône. Affamée ou dérangée, celle-ci pourrait tout détruire autour d’elle en quelques minutes déclenchant des crues et inondations spectaculaires.

Et selon les écrits, ce démon des crues n’a pas frappé qu’une fois, bien au contraire. La maîtresse des profondeurs qui aurait élu domicile sous les piles en chêne du pont du Rhône, aurait frappé en 579, 821, 874 puis en 1501 et 1510 détruisant toute la commune de la Guillotière.


L’esprit des berges du Rhône : Il faut savoir qu’au Moyen Âge et jusqu’au XIXe siècle, les berges du Rhône ne sont pas aménagées comme elles le sont aujourd’hui. Les inondations sont fréquentes et les digues peu solides. Les abords de la rive gauche, où se situe la commune de la Guillotière, ne sont que marécages et le Rhône, comme la Mâchecroute, n’est pas domestiqué.

Tous deux sont incontrôlés et incontrôlables. Pour vaincre la « malédiction » et éviter de nouvelles catastrophes, les Lyonnais brandissent son effigie chaque année lors des carnavals. Mais ce monstre sans pitié ne se calmera pas et insufflera la peur dans la vie des Lyonnais jusqu’au XIXe siècle.


Deux crues meurtrières en 16 ans : Lyon, 30 octobre 1840, 2 heures du matin. Il pleut déjà depuis plusieurs jours sur la ville. Le Rhône est en alerte, son niveau ne cesse d’augmenter. Les habitants ne le savent pas encore mais Lyon s’apprête à sombrer dans le chaos. Cette nuit-là, la digue en terre de la Tête d’Or se rompt. L’eau, contenue jusque-là, se déverse alors à folle allure sur la rive gauche emportant sur son passage maisons, mobiliers et arbres.

Le pire n’est pas encore arrivé. Le soir, l’eau s’introduit dans les tuyaux conducteurs de gaz et plongent la commune de la Guillotière et les Brotteaux dans le noir total. De nombreux Lyonnais sont emportés par les flots. Plusieurs centaines de maisons sont détruites. Aucun doute, l’horrible Mâchecroute est toujours là.

Quelques années plus tard, en 1856, Lyon est de nouveau victime de crues spectaculaires du Rhône. La rive gauche, une fois de plus, est fortement touchée. Dix-huit personnes perdent la vie à la Guillotière. Face à l’ampleur du drame, Napoléon III se rend même sur place. Il n’est alors plus question que Lyon vive d’autres tragédies dans le futur.

Un an plus tard, la loi de la protection contre les crues oblige la Ville à construire de nouvelles digues aux abords du fleuve. Le Rhône n’est plus le fleuve sauvage et primitif que les Lyonnais ont connu. Et comme par magie, la Mâchecroute s’apaise et se fera de plus en plus rare, jusqu’en 2019 !


Le retour de la Mâchecroute : En 2019 justement, un petit miracle se produit : un œuf de Mâchecroute est retrouvé pendant les travaux de l’Hôtel Dieu. La ville de Lyon cache son existence jusqu’à son éclosion au parc de la Tête d’Or. « Fait remarquable, un nouveau pensionnaire a vu le jour au zoo de Lyon, offrant à la Ville une naissance exceptionnelle. Le petit mâchecroute se porte très bien et vous pourrez faire sa connaissance très prochainement ! »

Verra-t-on bientôt de nouveau la Mâchecroute naviguer dans les eaux du Rhône ? Peu probable (mal)heureusement. La naissance a été annoncée le 1er avril…

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