Étymologie :
ÉLÉMENTAL, ALE, AUX OU ALS, adj. et subst. masc.
Étymol. et Hist. A. Adj. 1562 « relatif aux éléments » (M. Scève, Microcosme, L. III, p. 78 ds Hug.); 1585 (J. Papon, Premier Notaire, B 2 d'apr. Vaganay ds Z. rom. Philol., t. 28, p. 706), attest. isolées; 1928 (Mauclair, loc. cit.). B. Subst. 1891 les élémentals (Huysmans, loc. cit.). Dér. de élément* (suff. -al*) ou empr. au lat. médiév. elementalis (ca 1227 domaine angl. ds Latham) et, pour le subst., empr. à l'angl. elemental, substantivation de l'adj. correspondant, désignant chez certains occultistes une entité capable de manifestations physiques (1877, H. P. Blavatsky ds NED Suppl. 1972).
Lire également la définition du nom élémental afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Rappel sur les élémentaux :
Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :
Les sorciers du moyen âge et ceux que nous possédons encore affirment que les quatre éléments sont peuplés de créatures raisonnables. Celui du feu est habité par les salamandres ; celui de l'air, par les sylphes ; celui de l'eau, par les nymphes ; et celui de la terre, par les gnomes ou nains. Toutes ces créatures vivent dans des rapports journaliers avec les hommes, et récompensent ou punissent ceux-ci selon leurs actions. Paracelse accorde à ces êtres une grande intelligence ; Porphyre leur attribue même des sentiments religieux très respectables ; et voici, entre autres, une oraison qu'il place dans la bouche des salamandres :
« Immortel, éternel, ineffable et sacré Père de toutes choses, qui es porté sur le chariot roulant sans cesse des mondes qui tournent toujours. Dominateur des campagnes éthéréennes, où est le trône de ta puissance, du haut duquel tes yeux redoutables découvrent tout, el tes saintes oreilles écoutent tout. Exauce tes enfants, que tu as aimés dès la naissance des siècles, car ta durée est grande et éternelle, ta majesté resplendit au-dessus du monde, et au ciel au-dessus des étoiles. Tu es élevé sur elles au feu étincelant, et tu l'allumes el l'entretiens toi-même par la propre splendeur ; et il sort de ton essence des ruisseaux intarissables de lumière, qui nourrissent ton esprit infini. Cet esprit produit toutes choses, et fait ce trésor inépuisable de matière, qui ne peut manquer à la génération qu'il environne toujours à cause des formes sans nombre dont elle est enceinte et dont tu l'as remplie au commencement. De cet esprit tirent aussi leur origine les rois très saints qui sont debout autour de ton trône, et qui composent ta cour, ô Père universel, o unique, o Père des bienheureux mortels et immortels ! Tu as créé en particulier des puissances qui sont merveilleusement semblables à ton éternelle pensée et à ton essence adorable. Tu les as établies supérieures aux anges qui annoncent au monde les volontés. Enfin, tu as créé une troisième sorte de souverains dans les éléments. Notre continuel exercice est de te louer et d'adorer tes désirs. Nous brûlons du désir de te posséder. O Père ! Ô Mère , la plus tendre des mères ! O Fils, la fleur de tous les fils ! O forme de toutes les formes I âme, esprit, harmonie et nombre de toutes choses, conserve-nous et nous sois propice !
Amen. »
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Albert de Rochas d'Aiglun, dans La lévitation. (P.-G. Leymarie, 1897) fait un parallèle entre les élémentaux occidentaux et les croyances indiennes :
D'après les théories des théosophes de l'Inde, les élémentaux (Dévatas) sont les génies ou démons que nos anciennes traditions désignaient sous les noms de gnomes, sylphes, ondines ou salamandres, suivant qu'ils existent dans la terre, dans l'air ou dans le feu : ils sont d'une essence entièrement différente de la nôtre. Les initiés (mahatmas) peuvent arriver, grâce à des procédés qu'ils tiennent secrets et qu'on appelle en sanscrit Yalastambha, à repousser les élémentaux et à les empêcher d'avoir prise sur eux pendant un certain temps : c'est ainsi que le Bustambha ou art de repousser les élémentaux de la terre, permet à certains yoghis de s'enterrer impunément pendant plusieurs mois. De même, par le Vaju stambha (art de repousser les élémentaux de l'eau), d'autres yoghis se mettent en état de flotter sur l'eau, sans aucun vêtement, jour et nuit , pendant 4 ou 5 semaines ; d'autres encore s'abandonnent à l'Agni stambha qui leur permet de braver les atteintes du feu, etc.
Au-dessus des élémentaux sont les Dhyan chohans, esprits supérieurs qui président aux mouvements des mondes: c'est parmi eux qu'il faudrait ranger l'Esprit de la terre auquel croyait le grand Kepler.
On voit que les Hindous suivent les traditions des philosophes néoplatoniciens qui, ayant constaté le développement progressif de la vie, du grain de sable au cristal, du cristal à la plante, de la plante à l'animal, ne pouvaient admettre qu'elle s'arrêtât brusquement à l'homme et qu'il y eût une lacune dans la création entre l'homme et Dieu ; ils ont été conduits ainsi à personnifier les forces de la nature et, comme nous ne savons pas plus qu'eux ce que sont ces forces, nous serions fort embarrassés pour les contredire.
Au-dessous des élémentaux, les Hindous placent les élémentaires (Pisachas-schells), esprits plus ou moins mauvais et peu intelligents qui habitent l'atmosphère de la terre. Ce sont eux dont se servent les magiciens noirs (Doug-pas) pour jouer leurs mauvais tours et auxquels on attribue la plupart des phénomènes du spiritisme. Les Élémentaires paraissent avoir personnifié dans l'origine les passions humaines.
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Selon Florence Parcoret, autrice d'un mémoire intitulé L'amertume des Gardiens de la Terre : les Memekuesbuatdans la tradition orale innue (Universtié de Laval, Canada, 2000) :
La référence à des populations, que nous appelons communément du Royaume de Féerie et vivants dans différentes parties ou dans différents éléments de la terre, existe dans de nombreuses cultures et religions. Proches de nous par exemple, les AngIo-Saxons regroupent celles-ci sous le vocable de "Petit Peuple" qui renvoie au : lutins, gnomes, elfes, sylphes, ondines, salamandres ... etc. SeIon différentes traditions folkloriques, ces représentants du Petit Peuple forment des "entités énergétiques" et habitent la matière et les éléments qui la composent soit l'eau, l'air, la terre et Ie feu. Ils sont alors fréquemment appelés "élémentals ou "élémentaux" (Brasey, 1996 : 22) et sont les gardiens de l'élément ob ils résident. L'air est alors traditionnellement la demeure privilégiée des sylphes et des elfes, l'eau celle des ondines, le feu la résidence des salamandres, et enfin la terre celle des nains et des gnomes. Dans ce folklore populaire, on dit ainsi par exemple que les nains sont les gardiens des richesses souterraines, des minéraux et des pierres précieuses qu'ils raffinent, travaillent et forgent inexorablement. Ces élémentaux, comme l'exprime Brasey :
"animent la matière de leur énergie et la protège de tous les dérèglements qui pourraient atteindre à son intégrité. Ils sont en quelque sorte les esprits gardiens de la nature et de la matière (...) et composent la part spirituelle de la terre, des pierres, des rivières ou du vent."
Cependant, ce qui est aujourd'hui devenu des contes et des légendes pour enfants faisait autrefois partie d'un ensemble complexe de croyances, de rituels et de cérémonies que les dogmes et la religion officielle du catholicisme durant le moyen-âge se mirent en devoir de systématiquement supprimer et détruire. Les inquisiteurs en Europe ont eu vite fait de diaboIiser les représentants de ce Petit Peuple, de taxer ces croyances de superstitions fétichistes et pour en finir de brûler vifs tous ceux et celles qui étaient suspectées d'entretenir des contacts avec ces entités de la nature. En peu de temps, l'Occident, dans sa florissante chrétienté, mit un terme à ces relations privilégiées de l'homme avec son environnement qui remettaient en cause la supériorité et le pouvoir de l'Église. Un peu plus tard ce nouveau royaume d'intolérance et d'évangélisation poursuivit son cours au-delà des océans et les croyances amérindiennes subirent amèrement le même sort.
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Symbolisme :
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Salamandre (esprit) : Les salamandres, mot qui désigne par ailleurs les batraciens dont la particularité est de vivre dans le feu et de n'en ressentir aucune douleur, sont des esprits élémentaires qui habitent le feu Paracelse attribuait aux salamandres une grande intelligence ; Porphyre leur accordait des sentiments religieux.
De tous les esprits élémentaires, les salamandres, dont les femmes sont belles, sont ceux qui vivent le plus longtemps. On dit qu'ils servent les sages mais sans pour autant rechercher leur compagnie.
On a prétendu que Romulus, censé être le fils de Mars, était en réalité fils d'une salamandre.
Karine Malenfant dans son ouvrage intitulé Le Pouvoir des anges (Éditions AdA, 2013) témoigne du malentendu qui peut exister dans notre compréhension de l'élémental à cause de sa dénomination :
Lorsque j'ai pris connaissance des créatures qui font partie du royaume élémental, et particulièrement des salamandres, je me suis demandé si c'était de ce petit amphibien terrestre dont on parlait. Mais en continuant les recherches au sujet de ces fameuses salamandres, j'ai réalisé qu'il ne s'agissait pas de ces petits lézards mais bien de créatures éthérées. Les salamandres sont des esprits de feu qui gardent les secrets. On retrouve les salamandres près des volcans, dans des endroits possédant une chaleur extrême. Le symbolisme de la salamandre nous rappelle un peu le phénix qui brûle et renaît de ses cendres.
Les salamandres possèdent une énergie dynamique et nous rappellent que nous avons tous l'étincelle de feu divin qui vit en nous. On peut invoquer cette créature éthérée pour faire évoluer notre chemin spirituel et nous apporter l'illumination. De tous les élémentaux, ce sont elles qui vivent le plus longtemps.
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Didier Kahn, dans un article intitulé "La question des êtres élémentaires chez Paracelse." (In : Roberto Poma ; Maria Sorokina ; Nicolas Weill-Parot. Les Confins incertains de la nature, Vrin, pp. 213-237, 2021) tente de clarifier les différentes appellations traditionnelles des Salamandres :
La notion d’esprits élémentaires a été popularisée à partir du dernier tiers du XVIIe siècle grâce à la vogue littéraire des sylphes, des gnomes, des ondines et des salamandres, sortes de génies merveilleux et charmants – plus ou moins apparentés à ceux des Mille et une nuits – mis en circulation par le prodigieux succès du Comte de Gabalis de Montfaucon de Villars, une parodie de Paracelse parue en 1670.
Ce qu’on appelle « esprits élémentaires » chez Paracelse, ce sont des êtres qui peuplent les quatre éléments. Ce ne sont pas des démons ; et ce ne sont ni vraiment des hommes, ni vraiment des esprits : cette indécision, manifeste dans les œuvres de Paracelse (il les appelle parfois Geistmenschen, « hommes-esprits »), n’a d’égale que le statut de la réflexion de Paracelse sur cette sorte de créatures, qui oscille entre cosmologie, anthropologie et pneumatologie. On se trouve bien ici dans des confins incertains de la nature, aux bornes – quoique toujours dans le cadre – du domaine naturel.
[...]
Pour procéder avec clarté, je vais d’abord décrire les esprits élémentaires tels que les présente Paracelse dans le Liber de nymphis. Puis cette description pourra être comparée avec ce qui se trouve dans ses autres traités.
[...]
Ce traité divisé en six tractatus (certains d’entre eux subdivisés en chapitres) nous explique que chacun des quatre éléments est habité par une différente sorte d’êtres : créatures (Geschöff) non issues d’Adam, créées par Dieu pour que rien ne reste vide dans sa Création. Elles ne peuvent être appréhendées par le biais de la lumière naturelle, mais seulement par une lumière supérieure : celle de l’homme, qui surpasse celle de la nature et lui donne accès aux choses supernaturelles (ubernatürlich). Dans l’eau vivent les nymphes (Nymphen) ; dans l’air, les sylphes (Sylphen) ; dans la terre, les pygmées (Pygmaei) ; dans le feu, les salamandres (Salamandrae). Ces êtres possèdent aussi d’autres noms : les habitants de l’eau (Wasserleuten) s’appellent aussi « ondines » (Undinae) ; ceux de l’air (Lufftleuten), « sylvestres » (Sylvestres) ; ceux des montagnes (Bergleuten), « gnomes » (Gnomi) ; ceux du feu, « vulcains » (Vulcani). L’Écriture ne les mentionne pas. Mais les faits montrent assez leur existence pour qu’il soit justifié d’en rendre compte. On juge généralement inutile et indigne de les décrire et de les étudier, mais ces créatures n’ont pas été créées en vain.
Ce ne sont ni des démons (ils peuvent être eux-mêmes possédés par des démons), ni proprement des esprits, ni des êtres humains. Pour le comprendre, il faut savoir tout d’abord qu’il existe deux sortes de chair (Fleisch) : celle qui est issue d’Adam, et celle qui ne l’est pas. La chair issue d’Adam est celle dont nous sommes faits ; elle est grossière et compacte comme la terre dont Adam est issu, si bien que l’homme ne peut passer à travers un mur, si ce n’est en y perçant un trou. Mais la chair non issue d’Adam « est une chair subtile que l’on ne peut lier ni saisir, car elle n’est pas faite de terre ». Cette chair subtile peut passer à travers une muraille, car elle est semblable à un esprit, tout en étant très réellement chair, sang et os.
Ainsi les êtres qui peuplent les éléments sont comme des esprits, « mais avec cette différence […] qu’ils ont sang, chair et os : [par là même] ils mettent au monde enfants et rejetons, parlent et mangent, boivent et marchent, choses que ne font pas les esprits ». Ces êtres sont donc à la fois esprit et homme, et ne sont pourtant ni l’un ni l’autre ; ce sont des créatures qui se situent hors de l’espèce des esprits et hors de l’espèce humaine tout en étant cependant en elles, car elles sont un mélange de ces deux espèces. Toutefois ces créatures qui, tout comme les esprits, n’ont pas d’âme, sont néanmoins mortelles — et cela contrairement aux esprits. Elles sont comme les bêtes, puisqu’elles n’ont pas d’âme, mais supérieures aux bêtes, étant très proches des hommes, et supérieures aux hommes, ressemblant aux esprits auxquels nul ne peut faire obstacle, et pourtant inférieures aux hommes, étant dépourvues d’âme, et par là exclues du Salut par le Christ. Et cependant, ces êtres non issus d’Adam, « l’Écriture parle tellement d’eux qu’il faut admettre qu’ils doivent être des hommes », bien qu’ils n’aient pas d’âme. — On voit combien Paracelse se complaît à décrire leur ambivalence et se garde de trancher, se délectant visiblement de ces paradoxes successifs.
Leur existence, poursuit-il, ne doit pas nous surprendre : elle doit être comprise comme une marque des prodiges et des choses admirables par lesquelles se laisse reconnaître le Créateur, et telle est la raison pour laquelle Dieu nous les laisse voir. Mais ces êtres ne nous sont que très rarement visibles : lorsqu’ils le sont, ce n’est que pour nous convaincre de leur réalité, et nous les voyons alors comme s’ils nous apparaissaient dans notre sommeil.
[...]
Ces êtres n’ont pas d’âme ; mais s’ils s’unissent à l’homme, ils en reçoivent une, ainsi que les enfants qui naissent de cette union. Leur condition lorsqu’ils s’unissent aux hommes devient donc la même que celle de l’homme lorsqu’un lien l’unit à Dieu, car sans ce lien, de quoi l’âme nous servirait-elle ? Dieu entend ainsi montrer aux hommes que, de même que ces êtres périssent comme les bêtes sans que rien d’eux ne subsiste s’ils n’ont pas contracté d’union avec l’homme, de même l’homme, sans une union qui le lie à Dieu, meurt comme eux à la façon des bêtes.
Aussi recherchent-ils l’amour des hommes. Mais tous n’y sont pas aptes de la même façon. [...) r. Enfin les vulcains, qui ne s’unissent pas du tout aux hommes, mais qui sont aptes à les servir.
[...]
Dans le traité De Meteoris [...], . Il décrit donc les quatre éléments, en remplaçant cependant le feu – qu’il ne considère plus désormais comme un élément – par le ciel, conformément au texte de la Genèse : « les quatre corps ont été créés, à savoir le ciel, la terre, l’eau et l’air, car, comme le dit l’Écriture [sainte], [Dieu] a créé d’abord le ciel, puis la terre, ensuite les autres [éléments] ». Pour lui, le feu n’est qu’une matière, un produit du ciel, mais non un élément, car le feu ne fait que détruire, alors qu’un élément se définit comme « la mère des choses qui préservent l’homme ». Les êtres du feu vont donc devenir, ici, des êtres du ciel.
[...]
Disons ici que les êtres du feu, le plus souvent appelés « vulcains », ne sont nommés également « salamandres » que dans deux traités : le Liber de nymphis et le bref essai Von dem Unterscheidt der Corporum und Spirituum. Mais dans le De meteoris – qui, supprimant le feu du nombre des éléments, en fait des êtres du ciel (quatrième élément) –, ils sont appelés Pennates, et c’est peut-être à eux que renvoie le petit traité De generatione stultorum, sous le nom d’Auguri.
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Mythes et légendes :
Julien Perrot propose un article publié dans la revue La Salamandre n° 248 octobre-novembre 2018 :
Mythes et légendes autour de la salamandre
Si les licornes et les dragons n'existent pas, un autre être légendaire vit à deux pas de chez nous : la salamandre tachetée.
Le mot, déjà, a un parfum de mystère. Trois syllabes se faufilent dans la nuit et le feu pour donner corps à une créature fantastique, avec pour commencer un grand S serpentiforme. Sa-la-mandre, presque une formule magique ! Dans l'Antiquité, cette créature est tantôt un oiseau vivant dans un brasier, tantôt un dragon cracheur de flammes. Suivant les cultures et les époques, son feu incorruptible peut être positif ou malfaisant, associé à la pureté et à la justice ou au contraire au péché et à la luxure. Oui, pareille volte-face est courante dans l'histoire des symboles. Bon ou mauvais, glacial et brûlant à la fois, la bête légendaire traverse les siècles en compagnie de la mandragore et de l'hippogriffe. Au Moyen Age, les alchimistes s'en emparent. Animal de l'élément feu, la salamandre compte parmi les ingrédients indispensables pour transformer le mercure en or. Il est même recommandé de la plonger vivante dans un chaudron rempli de métal liquide…
Cette association avec le feu vient sans doute des spectaculaires taches jaunes que cet amphibien porte sur le dos. Et de l'irritation que sa peau peut provoquer. Comme elle se cache volontiers dans les tas de bois, on peut aussi imaginer l'apparition inopinée d'une salamandre qui sort soudain d'un fagot jeté dans un brasier. Voilà comment cette vieille histoire serait née. Pour le reste, l'animal qui vit en toute discrétion dans nos forêts a heureusement peu de chose en commun avec le monstre inquiétant décrit par Aristote ou Pline l'Ancien. N'empêche que ce passé sulfureux n'est pas sans conséquences : aujourd'hui encore, il arrive que des gens apeurés par une salamandre la tuent d'un coup de bâton.
Glaciale : En Egypte, un hiéroglyphe en forme de salamandre représenterait un homme mort de froid. Selon Aristote, l'animal est capable d'éteindre un feu sur son passage comme le ferait la neige. C'est le froid qui vainc le chaud.
Mortelle : Pline l'Ancien décrit la salamandre joliment couverte d'étoiles mais extrêmement dangereuse et toxique. « Qu'une goutte de sa salive touche n'importe quelle partie de notre peau suffit pour faire tomber tous nos poils et cheveux. »
Antifeu : Dans la tradition hébraïque, la salamandre est un dragon maléfique… ou purificateur. La Kabbale recommande de plonger la bête dans une huile vieille de trois ans pour éviter tout incendie dans sa maison.
Royale : François Ier adopte la salamandre sur son blason qui tapisse les murs des châteaux avec la devise « Je m'en nourris et je l'éteins ». Autrement dit, je me nourris du feu de la foi et de la pureté chrétienne et j'éteins celui du péché, de l'impiété et de la sédition.
Gonflante : Dans les campagnes françaises, on racontait que la respiration de la salamandre pouvait faire enfler une personne jusqu'à ce que sa peau éclate. En Auvergne où elle est connue sous le nom de soufflet ou enfle-bœuf, la salamandre tuerait les troupeaux de bovins et, dans le Berry, sa présence suffirait à les faire enfler.
Volcanique : D'après Paracelse, illustre alchimiste, la salamandre sent le soufre et vit au fond des volcans. Les bruits qui proviennent des profondeurs magmatiques s'expliquent par le travail de construction de ses maisons de feu.
Mémorable : Au XVIe siècle, l'artiste Benvenuto Cellini écrit qu'à l'âge de 5 ans, son père vit un petit reptile dans l'âtre de la cheminée et appela son fils pour le lui montrer. Il lui révéla qu'il s'agissait d'une salamandre et lui donna une fessée pour marquer cette vision dans la mémoire de son fils.
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