La Vesce
- Anne
- 13 nov. 2021
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 juin 2024
Étymologie :
VESCE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 2e moit. xiie s. exprime une valeur minime valoir une vesce (Serm. Oyez T., 1661 ds Möhren Négation, p. 232) ; 1180-90 (Alexandre de Paris, Alexandre, III, 5987 ds Elliott Monographs, 37, p. 279 : Ne li lairai de terre vaillant un grain de vece). Du lat. viscia, vicia « vesce » (André Bot., p. 329).
Lier également la définition du nom vesce afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Vicia sativa - Besse - Besson - Bisaille - Barbotte - Garousse - Gesse fausse - Herbe-vik' - Jarat - Jaraude - Jarode - Jarosse - Jaroufle - Jarouge - Jarousse - Lentille bâtarde - Lentille des chevaux - Lentille sauvage - Luizet des prés - Pois à crapaud - Pois cornu - Pois-gesse - Poisette - Vescette - Vèche -Vesse commune - Vesce-craque - Vesse cultivée - Vesceron - Visc - Viche des champs -
Botanique :
Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d'Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. COMUE Université Côte d'Azur (2015 - 2019) ; Università degli studi della Calabria, 2017. Français) consacre une courte section à la description de la Vesse commune :
Nom scientifique :Le premier élément de ce binôme scientifique reste obscur en raison du fait qu’il n’est pas possible d’en retracer l’origine. Le lat. VICIA « vesce » est formellement proche de let. wīkne « sarment, vrille » et wīkt « plier, se plier » ; de lat. VINCIŌ « bande » ; de skr. vī́ciḥ « illusion, mensonge, séduction, corruption » ; de IE. *u̯ei-q- « plier, tordre » (LEW : 781 ; André, 2010 : 271), mais on ne trouve aucune tentative de reconstruction étymologique. Le spécificateur qui accompagne le lat. VICIA est l’adjectif lat. SATĪVUS, -A, -UM « cultivé » (OLD : 1694).
Description botanique : La vesce est une plante grimpante et pubescente qui atteint jusqu’à 1 m de haut par l’intermédiaire de ses vrilles rameuses. Les feuilles paripennées ont 5-7 paires de folioles vertes. Les fleurs sont grandes et pourvues d’un étendard violacé avec des ailes de couleur pourpre brune. Les fruits sont représentés par des gousses larges qui résultent être d’un fauve pâle à la maturité et qui peuvent avoir de 4 à 9 graines ; celles-ci sont grosses, subglobuleuses, pubescentes et de couleur brun foncé ou noire. La période de la floraison va de mai à juillet (Pignatti, 1982, I : 682).
Analyse lexico-sémantique des désignations :
1- En ce qui concerne ce premier groupe de désignations de la vesce, les noms [vˈiʦ] vicë et [vˈɛʧ] veçë ont été empruntés aux dialectes romans environnants, comme le montrent les correspondances avec abr. vèccə « vesce » (DAM, IV : 2315), cal. vizza ou vizzə « vesce » (NDDC : 775) et sic. vèccia « vesce » (VS, V : 1047). Ces désignations romanes trouvent leur source dans le lat. VICIA « vesce » qui présente des correspondances intéressantes avec d’autres langues indoeuropéennes, telles que let. wīkne « sarment, vrille » et wīkt « tourner, se tourner » ; ind.a. vī́ciḥ « tournure ; séduction, tromperie » ; aha. wicka > all.m. wīchele « saule » < ie *u̯ei- « tourner, tordre » (LEW : 781 ; IEW : 1120). Selon toute probabilité, ce groupe de désignations de la vesce trouve sa motivation dans le port grimpant de la plante qui se développe en enroulant ses vrilles rameuses sur les plantes environnantes.
2- Le deuxième groupe de dénominations de la vesce est représenté par le type lexical modhull qui se compose de quatre variantes formelles, notamment [mˈɔðuɫ], [mˈoðuːɣ], [mˈɔðuː] et [mˈɔðuʁ] ; en albanais, on trouve des correspondances formelles dans les noms modhë, modhull, modull et motull qui désignent une autre espèce de légumineuses, notamment Lathyrus aphaca L., la « gesse ». Outre à ces quatre derniers noms, en Albanie la gesse est aussi appelée avec les dénominations suivantes : au nord les formes lexicales mòllëzë et modhnë sont très répandues ; dans le sud on trouve modhërë, mollër et mollúrë. À la lumière de toutes ces formes lexicales concernant la vesce et la gesse, Çabej souligne la ressemblance formelle entre celles-ci et le nom de la pomme qui en alb. et arb. est appelée mollë (SE, V : 361). On peut donc se demander s’il existe un lien qui ne soit pas seulement formel mais aussi sémantique entre les noms de la vesce, de la gesse et de la pomme dans le domaine albanais. [...] Dans un grand nombre de langues les fruits ou graines rondes d’une plante sont appelés avec le nom « pomme » ou avec un dérivé de ce dernier : dans les langues romanes, fr. pemme, pę̆m, ępęm « framboise » (en Loraine) (FEW, IX : 151) ; roum. pomiţă « fraise, mûre, petit fruit en général » (NDRF : 244) ; ven. pomèla « baies de troène commun » (Penzig, 1924 : 270), « baies de genévrier commun » (Penzig, 1924 : 250 ; DEDI : 341) ; dans la plupart des langues slaves, le type lexical màlina « framboise » rappelle formellement l’alb. mollë « pomme », tandis que l’on identifie une autre forme lexicale pour le même référent en pol. malaìna et une correspondance aussi en hon. málna « framboise » (EWSS : 181). Si l’on remonte dans le temps jusqu’à l’Antiquité classique, on trouve le gr. mῆλον et sa variante dor. mᾶλον « pomme », « capsule des graines du rosier » qui semblent partager la même structure formelle que l’on vient d’indiquer ci-dessus pour les langues romanes et slaves et ils semblent en outre représenter la base lexicale pour le lat. MĀLUM « fruit, pomme » ; hit. maḫla- « grain de raisin ; vigne ; brindille de vigne » (EDG : 944). Tout comme les désignations albanaises de la vesce et de la gesse, ces noms grecs de la pomme restent d’origine inconnue et on estime qu’ils pourraient être considérés comme des mots d’origine méditerranéenne (EDG : 944), ce qui pourrait être une bonne hypothèse si l’on prête attention à la correspondance avec la racine chamito-sémitique *maʿ- « graine ; céréale » > hebr. māʿā « graine ; blé » (HS : 370). En se déplaçant vers l’Orient, il est possible de trouver une correspondance ultérieure avec le skr. mālā « chaine de perles, rosaire » et, en botanique, « trigonelle » qui désigne une Légumineuse, notamment la Trigonella corniculata (L.) (SKRED : 813). [...]
Il est donc possible que la forme des fruits de la vesce (ainsi que de la gesse et de la trigonelle), qui ont des graines grosses et globuleuses, aient pu motiver la dénomination de cette plante moyennant une métonymie de la « partie pour le tout » et où le nom des fruits aurait désigné au fil du temps toute la plante ; c’est d’ailleurs ce qui se passe souvent dans les processus de dénomination populaire des végétaux. L’importance du trait distinctif de la « rondeur » des fruits est mise en évidence dans une croyance populaire mentionnée par Rolland (1967, IV : 226) :
« Un bouquet de vesces placé extérieurement à la fenêtre d’une personne indique symboliquement qu’elle est trop grasse, trop sans souci ».
Dans cette phrase, la « rondeur » caractéristique de la vesce est transférée à un individu en soulignant ainsi l’importance que ce trait formel a pour identifier et nommer cette espèce.
3- [pizˈiʎ i ˈɛɡər] pizil i egër « pois sauvage » est un syntagme où le premier élément pizil « pois » renvoie aux graines de la plante, tout comme dans les désignations du groupe précédent, et il est emprunté au cal. pisillu « pois » (NDDC : 531). En revanche, le spécificateur représenté par l’adjectif arb. i egër « sauvage » se réfère au fait que la plante n’est pas comestible pour l’homme.
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Symbolisme :
Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Vesce (Vicia sativa) a les caractéristiques suivantes :
Pouvoir : Guérison.
Utilisation magique : Dans le Ponthieu, principalement dans les localités qui avoisinent la vallée de l'Authie, on attribuait à un enfant né le Vendredi saint le pouvoir de guérir les fièvres et les coliques. Dans la vallée de la Bresle (Vimeu), il suffisait pour cela de boire du jus de Vesce dans le verre de celui qui est né un jour du Vendredi saint.
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Littérature :
Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque la beauté de la vesce craque :
12 juin
(Fontaine-la-Verte)
[...] Je me vautre dans une colonie de vesces craccas grande comme un demi-pré. Sensation sublime... J'ai le derrière, le ventre, le nez perdus dans des grappes violet clair aux insaisissables reflets d'azur.
Nez dans les vesces
Cerveau
Taché de violet clair
Cul dans les vesces
Langé
Par Mère Nature
Légende photographique : Je renifle le parfum violet-bleu des vesces craccas en empruntant sa trompe au papillon gazé.
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