Étymologie :
MORVEUX, -EUSE, adj. et subst.
Étymol. et Hist. A. Adj. 1. ca 1223 « (personne) qui a de la morve au nez » (Gautier de Coinci, éd. V. F. Koenig, II Mir. 20, 274) ; 2. xiiie s. méd. vétér. (Glossaire Glasgow, 159b ds T.-L.). B. Subst. 1. 1238-39 terme injurieux « poltron » (Thibaut de Champagne, Chansons, éd. A. Wallensköld, LIII, 18) ; 2. 1640 « garçon, fille très jeune qui se donne des airs d'importance » (Oudin Curiositez) ; 3. 1662 « gamin, gamine » (L. Richer, Ovide bouffon, p. 113 ds Livet Molière). Dér. de morve* ; suff. -eux*.
VOLVAIRE, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1. 1803 « mollusque céphalé » (Boiste) ; 2. a) 1823 « lichen » (Boiste Hist. nat.) ; b) 1906 « espèce de champignon vénéneux » (Pt Lar.). Empr. au lat. sc. mod. volvaria, mêmes sens, dér. du lat. volva « enveloppe » (volve*). Cf. pour le sens 2 b lat. sc. volvaria att. ds De Vries, Epicrisis, 1836-38 d'apr. Léveillé (Dict. de D'Orbigny, 1841, t. 1, p. 170).
Autres noms : Volvariella gloiocephala - Volvopluteus gloiocephalus - Bolet de fem - Volvaire gluante - Volvaire grise - Volvaire magnifique - Volvaire visqueuse -
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Expression populaire :
Sur le site La France pittoresque, on trouve un article (publié le 15 novembre 2019) relatif à une expression utilisant l'adjectif "morveux" :
« Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez. »
(D’après « Parémiographe français-allemand ou Dictionnaire des métaphores et de tous proverbes français adaptés et sanctionnés par l’Académie française » (par Jacques Lendroy), paru en 1820)
Il vaut mieux tolérer un petit mal, que de se servir d’un remède violent qui pourrait donner lieu à un plus grand inconvénient.
Cet adage nous vient d’une réponse fort adroite que fit un jour à Louis XIII, le marquis et futur duc Gaston-Jean-Baptiste de Roquelaure (1617-1683), au sujet de l’anecdote suivante. En 1609, il n’y avait encore point de réverbères à Paris, mais beaucoup de boues, très peu de carrosses, et quantité de voleurs, ce qui rendait la fréquentation des spectacles très gênante et souvent dangereuse. Pour y obvier, la police avait donné une ordonnance en novembre 1609 portant que, depuis la Saint-Martin (11 novembre) jusqu’au 15 février, les salles de spectacle de l’hôtel de Bourgogne et du Marais ouvriraient leurs portes à une heure de l’après-midi, et qu’à deux heures précises, qu’il y ait du monde ou non, les acteurs commenceraient, et termineraient à quatre heures et demie.
Ce Gaston était fils d’Antoine de Roquelaure (1544-1625), maréchal de France — ayant reçu ce titre de Louis XIII en 1614 —, capitaine aussi recommandable par sa bravoure vraiment héroïque, que par son parfait dévouement aux intérêts de son roi. Autant ce père était doux et tranquille, autant son fils était espiègle et vrai lutin.
Quoique jeune encore, il était si célèbre par ses saillies, sa causticité et son esprit, que le roi, pour se distraire dans sa solitude, le faisait souvent venir, pour passer avec lui un quart d’heure agréable. Le duc, son père, n’avait épargné ni privations, ni punitions ni emprisonnement même pour le corriger, mais il n’avait jamais pu y parvenir. Enfin il lui interdit les spectacles de nuit, et ne lui permit ceux de jour qu’une fois par semaine.
Aussi sut-il très bien s’en dédommager ; car il n’y allait pas de fois sans jouer quelque tour de sa façon. Un jour, il se comporta d’une manière indécente envers une des maîtresses du roi, qu’elle en porta sur le champ des plaintes à Sa Majesté. Louis XIII, indigné de la conduite du jeune Roquelaure, le fit appeler sur l’instant, l’accabla des reproches les plus mordants et lui dit entre autre : « Je ne conçois pas comment un père respectable comme le tien, puisse laisser vivre un morveux comme toi. — Sire, reprit Roquelaure, ce bon père sachant que j’ai à cœur de rendre à Votre Majesté des services aussi importants que lui, pense qu’il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez. »
Le roi fut si charmé de cette réponse, qu’il lui pardonna, le plaça aussitôt dans un régiment, et lui donna un mentor pour surveiller sa conduite, et lui en rendre un compte fidèle et exact. De là vint la coutume que chaque jeune officier français avait, encore avant la Révolution, un officier pour mentor, auquel il devait soumission et obéissance, sous peine d’être renvoyé.
De cette anecdote vint notre proverbe. Ce Gaston de Roquelaure fut le père d’Antoine-Gaston de Roquelaure (1656-1738), qui joua un si grand rôle à la Cour de Louis XIV et qui enrichit la chronique scandaleuse de tant d’histoires galantes. Cette maison fut éteinte par sa mort survenue le 6 mai 1738.
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Mycologie :
Dans son Atlas des champignons comestibles et vénéneux de la France et des pays circonvoisins. (Doin Éditeurs, 1888) Charles Richon nous propose une description de ce champignon jugé comme vénéneux à son époque, alors qu'on le considère comestible à la nôtre :
Chapeau convexe-mamelonné, d'un gris fuligineux, visqueux par l'humidité, à bord lisse, puis strié après la maturité ; stipe plein, blanchâtre ou grisâtre, villeux-fibrilleux, renflé à la base où il est entouré par la gaîne du volva ; lamelles serrées, libres, rosées ; spores ovoïdes, apiculées, roses.
Odeur et saveur vireuses.
Été, automne.
Dans les champs , surtout du midi de la France.
Espèce vénéneuse.
Nous avons vu , dans la première partie, que Letellier avait appelé l'attention sur les propriétés toxiques du Volvaria gloiocephala. Il en publia même une analyse constatant que cette espèce renferme l'Amanitine, le terrible poison des Amanites vénéneuses. M. Barla se contente de dire que ce Champignon est rangé parmi les espèces suspectes. M. Quélet le cite comme très vénéneux, et pouvant causer la mort par l'ingestion d'un seul individu Cette espèce, peu connue, est redoutable . On peut la prendre , par un état de sécheresse, soit individus de la Grisette , soit même pour des Champignons de couche ou la Boule de neige des près. La viscosité caractéristique du chapeau et la couleur rosée des lamelles devront servir à la faire reconnaître comme n'étant pas la Grisette ; l'absence du voile la fera distinguer des espèces du genre Psalliota.
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Pierre-Arthur Moreau et Régis Courtecuisse, auteurs d'un article intitulé "Les noms qui changent…." (In : Documents Mycologiques, 2013, vol. 35, pp. 350-364) nous aident à mieux comprendre les changements dus aux nombreux travaux génétiques sur les champignons :
La multiplication des analyses phylogénétiques fondées sur les séquences d’ADN depuis une quinzaine d’années, loin d’être stabilisée, éclaire de plus en plus de recoins jusque là négligés de la mycologie. [...]
Cette rubrique traditionnelle des Documents mycologiques se propose de répercuter les plus importantes propositions de remaniements systématiques concernant les espèces européennes, éventuellement de manière critique.
[...]
VOLVARIELLA : les deux travaux sus-cités [Les articles de JUSTO et al. (2010, Fungal Biol. 115 (1), pp. 1-20 ; 2011, Mycol. Progress, 10, pp. 453-479)], ainsi que VIZZINI et al. (Mycosphere, 1 (2), pp. 141-145), montrent que les « volvaires » forment deux lignées évolutives tout à fait indépendantes ; le « cœur » des Volvariella semble assez homogène et forme une lignée encore mal positionnée, plutôt basale à l’ensemble des Pluteaceae (JUSTO et al., op. cit.) ou en lignée-sœur des Amanitaceae (VIZZINI et al., op. cit.) ; le groupe des « gluantes » (les volvaires à revêtement gélifié) se place en revanche comme lignée-sœur des Pluteus. Il fallait nécessairement créer un nouveau genre (ou inclure ces volvaires dans les Pluteus, ce qui aurait apporté plus d’inconvénients que d’avantage).
JUSTO et al. (2011, op. cit., p. 15) introduisent donc le genre VOLVOPLUTEUS Vizzini, Contu & Justo, avec pour les espèces européennes, les deux combinaisons suivantes :
Volvopluteus gloiocephalus (Candolle : Fr.) Justo
Volvopluteus earlei (Murrill) Justo (auquel est synonymisé Volvariella cookei Contu)
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A titre de curiosité voici la séquence ADN de ce champignon, révélée par les travaux de Mounia Benazza-Bouregba, intitulés Inventaire et identification des basidiomycètes de la forêt de M'sila (Oran) ,(Thèse de doctorat. Université d’Oran, 2017)
>SMB79 Volvopluteus gloiocephalus
AAGGATCATTATTGAATAAACCATGGCGGGCAGTCTTGCTGGCCTTTTCCCTCCTCCAGGGAGGAGAGAGGGCATGTGCACGCTCGTCAAAAGTTTCATTCGCATACCCCTTTCCACCTGTGCACACACTGTAGGTCCCGTTAGAAGGGGGGGAGCCTTGGGCCCTCCCCTTTTTCGGACCTACGTTTTACAACCCTACCCCCTCGAATATGATACGAACGTAGTGACTTGGGCCACCGCGCCTAATAAAACATAATACAACTTTCAACAACGGATCTCTTGGCTCTCGCATCGATGAAGAACGCAGCGAAATGCGATAAGTAATGTGAATTGCAGAATTCAGTGAATCATCGAATCTTTGAACGCACCTTGCGCTCCTTGGTATTCCGAGGAGCATGCCTGTTTGAGTGTCATAAATCTCTCAGCTCCCCTCCAGTTTTGTCTGGTAGGATGGGTTGGATCATGGGGGGGAAAACTTTGTCGGCTCCATTGCGAATCGACTCCCCTGAAAAGCATTAGTAGTCCGTGCTGTCTGCCGCCGGTGTGATAATAATCTTTATGCCGCCTGGTCCAGCATACACGTTGTCTGCTCCAAACAGTCCGAGCACAATCTCGGACATCACAATTTTATTTTGACCACTTGACCTCAAATCAGGTAGGACTA
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Usages traditionnels :
Dans sa Contribution à l'inventaire, à la connaissance et à l'utilisation des macrochampignons en Algérie (Thèse de Doctorat, Alger, 2021), Lounis Youcef-Khodja confirme la comestibilité de la Volvaire gluante, en tout cas dans un passé relativement récent :
Sur la base de la recherche bibliographique et de la connaissance des riverains de certaines régions du pays (Kabylie), nous avons pu résumer l’utilisation culinaire des champignons en Algérie comme suit :
A l’époque coloniale, Volvaire gluante (Volvaria speciosa ou Volvaria gloiocephala) est largement vendue dans les marchés d’Algérie (Maire 1916 ; Malençon & Bertault 1970, 1975). Pour rappel, Maire (1916) a signalé que la Volvaire gluante a été l’origine de plusieurs intoxications en Europe où il a suggéré que cette contradiction est due à la variation de toxicité et au mode de préparation culinaire de cette espèce.
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Symbolisme :
On peut lire dans Le Petit Livre des Lutins (Éditions Le Pré aux clercs, 2008) de Edouard Brasey :
Je sais bien qu'à révéler ainsi des vérités qui fâchent j'encours leur ire, à ces nabots farceurs, mais il faut bien que quelqu'un ose dénoncer ces représentations puériles et mignardes des lutins à longues oreilles, colliers de fleurs et chapeaux cloches qui hantent les livres destinés à une jeunesse naïve. Disons-le tout net : les lutins ne sont ni gentils ni mignons. Ce sont des sales gosses bigles, torves et morveux qui ne songent qu'à faire les quatre cent coups, à commettre niches, facéties et bévues et à tourner les hommes en ridicule.
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