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La Vulve

Dernière mise à jour : 26 oct.




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1. 1304 anat. « ensemble des organes génitaux externes de la femme et des femelles des mammifères » cil orifice apelés vulves (Placides et Timeo, 528 voc d ds Mél. Horrent (J.), p. 10, s.v. orifice) ; 1765 anat. vulve du cerveau (Encyclop. t. 17) ; 2. ca 1770 conchyliol. (Linné ds Littré 1872). Empr. au lat. class. vulva « vulve, matrice » ; 2 p. anal. de forme.


Lire également la définition du nom vulve afin d'amorcer la réflexion symbolique.

 

Selon Marie-Aude Fouéré, autrice de « Langage culinaire et symbolisme sexuel. » (In : Revue des sciences sociales, N°27, 2000. Révolution dans les cuisines. pp. 104-108) :


Du domaine de la boucherie viennent les termes escalopes (lèvres de la vulve) ainsi que viande en français et beef-steak ou meat (viande) et mutton (viande de mouton) en anglais. Les noms de pâtisserie et sucreries sont empruntés pour nommer le sexe, tels mille-feuille et tarte en français, ainsi que crumpet (sorte de crêpe rôtie et beurrée) et doughnut en anglais pour la vulve.

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Anatomie :


Alain Froment, dans un ouvrage intitulé Anatomie impertinente, Le corps humain et l'évolution (© Éditions Odile Jacob, 2013) éclaire notre compréhension du corps humain :


VULVE : La vulve, du bas latin valva (de valvere, « rouler, envelopper », ou de ulva, « utérus » en sanskrit) est faite d'une double paire de lèvres. Les grandes, ou lèvres externes, sont l'équivalent du scrotum. Elles sont parfois moins marquées que les petites mais, en général, elles les masquent. Elles sont faites de peau et non de muqueuse, avec un rembourrage adipeux, et sont riches en glandes apocrines, mais aussi eccrines et sébacées ; seule leur face externe est poilue. Les petites lèvres, ou nymphes, sont plus colorées car abondamment vascularisées et, comme les grandes lèvres, deviennent turgescentes lors du rapport : un peu comme le pénis, elles se gorgent de sang au point de doubler de volume, ce qui n'est pas le cas, il est bon de le savoir, dans l'orgasme simulé. Très innervées, dépourvues de graisse, elles agissent comme de petites valves pour se collaber sur l'orifice ou, lors des rapports, entourer le pénis, qui les stimule fortement en retour. Leur longueur varie de 20 à 100 millimètres, mais un classique de la littérature ethnologique décrit le tablier des Hottentotes, étirement des petites lèvres, ou macronymphie, pouvant atteindre 11 voire 20 centimètres. Ce caractère est visible sur le moulage, conservé au Musée de J'Homme, du corps de la Vénus hottentote, l'infortunée Sarah Baartman disséquée par Cuvier en 1815. La majorité des femmes ont les petites lèvres qui dépassent des grandes, mais un nombre croissant d'entre elles ne le supportent pas et recourent à la nymphoplastie ou labioplastie, chirurgie parfois reconstructrice mais le plus souvent simplement cosmétique de raccourcissement des petites lèvres, jugées trop longues ou trop flasques. li s'agit de rendre la vulve conforme à un modèle standard, et l'artiste Jamie McCartney a fabriqué avec 400 moulages de vulves un Great Wall of Vaginas de 9 mètres de long pour en illustrer la variabilité et protester contre ce désir de « vagin parfait » (1). Les femmes souhaitent un sexe de petite fille et un mont de Vénus lisse, de type prépubère, qu'un chirurgien californien a baptisé « Barbie », avec des lèvres ressemblant à un coquillage. Il semble que l'industrie du film X, dont 29 % des femmes se déclarent consommatrices, édicte la norme. Pour certains psychologues, il s'agit là du pendant des mutilations génitales observées hors d'Occident. Les féministes dénoncent ce formatage qui agit insidieusement sur le désir et l'estime de son propre corps.


Note : 1) Bien que l'artiste l'ignorât, l'idée première d'un tel mur est dans Rabelais qui fait dire à Panurge que construire un rempart de vulves (callibistris) autour de Paris coûterait moins cher que la pierre : « Comment Panurge enseigne une manière bien nouvelle de bâtir les murailles de Paris » (Pantagruel, livre 11).

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Maud Renard, autrice d'un ouvrage intitulé Habiter son utérus, au cœur de la gynécologie émotionnelle (Éditions Tana, 2021) invite les femmes à s'approprier pleinement cette partie de leur corps, d'abord en faisant connaissance avec elle :


La vulve : la vulve désigne l'ensemble des organes génitaux externes du corps féminin. Employer le terme vulve et non pas des noms d'animaux ou des mots enfantins permet de se réapproprier cette partie anatomique. Nommer les choses par leur vrai nom les fait exister physiquement. Lorsqu'on recourt à des diminutifs pour l'anatomie, c'est à l'imaginaire que l'on fait référence. Comme nous n'avons pas tous et toutes les mêmes références, cela peut induire en erreur. Ainsi, pour certaines personnes, chatte sert à définit la vulve, alors que pour d'autres cela englobe aussi le vagin. Il en va de même du nom des organes composant la vulve. Encore aujourd'hui, certains portent le nom des hommes médecins qui les auraient « découverts » : les glandes de Bartholin (en référence au Dr Bartholin, le premier à avoir décrit les glandes vulvaires), les glandes dites de Skène, les trompes de M. Fallope. Mais ces organes étaient présents dans le corps féminin bien avant leur « découverte » scientifique. Avec tout le respect que j'ai pour ces anatomistes, leur nom n'a rien à y faire. Afin de vous réapproprier votre sphère gynécologique, réappropriez-vous sa sémantique ! Les mots ont un pouvoir, choisissez bien les vôtres. Ici, j'emploierai les termes du manuel féministe Notre corps, nous-mêmes, qui adopte une sémantique au plus jsute de la réalité pour mieux représenter l'anatomie du sexe de type « femelle ».


La vulve peut être vue comme la façade principale de votre maison. Espace encore visible de l'extérieur, elle est celle qui offre à voir, se met en connexion avec l'extérieur et l'intérieur. Même si elle se situe dans l'entrejambe et peut vous sembler bien cachée, la vulve reste celle que les autres peuvent voir.

Si nous partons du haut vers le bas, alors le premier est le clitoris. Longtemps nié, cet organe devient aujourd'hui relativement connu, grâce au travail de sensibilisation des mouvements féministes. La vulve ne fait apparaitre du clitoris que le gland et le capuchon, alors que son corps se cache à quelques centimètres sous la peau. En interne, le clitoris possède deux piliers extérieurs et deux bulbes de chaque côté, suffisamment grands pour envelopper l'orifice vaginal. Composé de tissus érectiles et d'environ 10 000 terminaisons nerveuses, le clitoris gonfle lorsqu'il y a stimulation (sexuelle ou autre). On le perçoit souvent comme debout, à la verticale, posé sur ses bulbes. Pourtant, pour le remettre dans le contexte vulvaire, il est presque à l'horizontale lorsque vous êtes assise et paraît debout lorsque vous êtes allongée sur le dos. Lorsqu'en 1875 l'embryologiste Edouard Van Beneden détaille le mécanisme de fécondation entre l'ovule et le spermatozoïde, il voit dans le clitoris « un organe inutile ». Et jusqu'en 1998, celui-ci sera passé sous silence dans les manuels d'anatomie. Aujourd'hui, le clitoris reprend sa place dans l'anatomie comme organe dédié uniquement au plaisir.

Si la vulve est la façade de la maison, alors le clitoris est la lumière au-dessus de la porte. C'est l'élément qui vous permet de voir votre maison dans le noir. En éclairant la porte d'entrée, vous savez où vous mettez les pieds, même dans l'obscurité.

En descendant sous le clitoris, vous trouvez quatre lèvres. Deux d'entre elles, formées de peau où les poils peuvent pousser, sont communément appelées « grandes lèvres », mais je préfère les nommer « lèvres externes » car leur dimension est très variable. Celles qui sont appelées « petites lèvres » seront nommées « lèvres internes ». Dépourvues de poils, elles ont une structure différente de la peau, bien que ce ne soit pas encore la muqueuse comme celle du vagin ou de la bouche (les muqueuses sont en effet des tissus cellulaires sensibles, alors que les lèvres internes ont un revêtement muqueux qui apporte une grande protection à la peau). Ces quatre lèvres, externes et internes, sont là pur préserver vos orifices cachés plus en profondeur des agressions extérieures comme les bactéries. Elles sont le revêtement de la façade mais aussi notre moyen de communiquer avec l'extérieur. Et souvent ce qui n'est pas dit avec les lèvres du haut (bouche) ira s'exprimer par les lèvres du bas (vulve). Elles sont le symbole de la communication dans la relation à l'autre.

Entre les deux lèvres intérieures se cachent plusieurs canaux d'entrée et/ou de sortie de votre corps. Le premier que l'on trouve, toujours en allant de haut en bas, est le méat urinaire, l'orifice externe de l'urètre d'où sort l'urine. On peut le comparer à la sonnette qui annoncera l'arrivée d'un visiteur. L'urine sortant de ce méat renvoie, en effet, avec la vessie, à la symbolique du territoire de la personne.

De chaque côté de ce méat, les méats para-urétraux sont deux orifices, invisibles à l'œil nu, qui permettent l'éjaculation dite « féminine », constituée des liquides sortant à la fois de la vessie et de la prostate. Cette dernière existe dans la sphère gynécologique sous forme d'éponge urétrale autour du canal urinaire ; elle est composée de tissus érectiles et de glande para-urétrales qui facilitent l'éjaculation. Sous ces trois méats, se trouve l'orifice vaginal, dit aussi « vestibule ». Il est l'entrée de la partie interne du vagin, la porte de cette maison. Lorsque tout va bien, celle-ci est accueillante, pour vous comme pour vos invités. Sa symbolique est d'entrer en soi, avec cette notion de bienvenue. Il arrive que l'orifice vaginal possède une fine membrane à son entrée, l'hymen, dont la présence n'est pas une preuve de virginité puisque cette membrane peut aussi bien obstruer complètement le vagin qu'être inexistante. Lorsque l'hymen existe, il est unique à chaque personne, avec des formes et des tailles très variables. Il pet être présent une partie de la vie et disparaître complètement ou rester tout le temps.

S'il y a un « bonus » dans votre corps, c'est bien lui ! L'hymen est en quelque sorte la décoration mise sur la porte d'entrée de votre maison-utérus !

De part et d'autre de cette porte d'entrée se trouvent deux orifices minuscules qui sont les méats de sortie des glandes vulvaires. Ces glandes fabriquent la cyprine dont la fonction principale est la lubrification vaginale mais qui joue aussi un rôle important dans l'immunité de la vulve et du vagin contre les germes externes. Les glandes vulvaires sont les charnières de la porte d'entrée. Elles l'huilent (cyprine), l'aident à bien fonctionner, à s'ouvrir et à se fermer correctement.

Enfin, tout en bas de l'orifice vaginal et avant que les lèvres internes se referment, il y a la fourchette. Ce bout de peau en forme de U ou de V peut être très fragile. C'est lui qui est incisé lors d'un accouchement (épisiotomie) mais il peut aussi être sensible à une coupure non volontaire ; cette blessure parfois très douloureuse peut empêcher la circlusion ( ou la pénétration).

Enfin, même s'il n'est pas visible, le périnée fait partie de la vulve. Comme le diaphragme, ce muscle du tronc est positionné à l'horizontale. Dans la structure de votre maison, le périnée constitue le plancher. Il va la soutenir, et en cas de séisme, lui permettre de ne pas s'écrouler. Un périnée stable est garant d'une bonne structure.

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Caroline Lesire, autrice de Couvrez ce sexe que je ne saurais nommer. Dénomination des organes génitaux féminins dans la population belge francophone en fonction du genre, des représentations sociales et de la conscience féministe. (Faculté de philosophie, arts et lettres, Université catholique de Louvain, 2022) s'intéresse au tabou sur la dénomination du sexe féminin :


Sanyal (s.d.) explique que la plupart des mythologies comportent des histoires dans lesquelles l’humanité est sauvée au moins une fois par la présentation de la vulve. Des peuples disparus, pratiquants de religions anciennes, ont vénéré la vulve depuis la nuit des temps. Chez les Grecs, les Égyptiens, les Japonais, il a même eu une grande signification religieuse.

La vulve est absente de notre culture contemporaine, que ce soit linguistiquement, visuellement ou en tant que métaphore. Sanyal (2017) évoque l’effort colossal de diffamation et de négation du sexe féminin qui a débouché sur l’idée fausse et erronée que la vulve ne valait même pas la peine d’être mentionnée.

[...]

Mais même quand des collectifs militants se réapproprient la question de l’invisibilité du sexe féminin, la confusion reste fréquente entre vulve et vagin. [...]

Le succès de la pièce « Les Monologues du vagin », a fait passer le mot vagin dans le langage courant. L’autrice elle-même dit dans ce livre (Ensler, 2005) :


« Je n’ai pas trouvé un mot qui soit plus général, qui décrive réellement toute cette zone et tout ce qui la compose. « Chatte » serait certainement un mot bien meilleur, mais il véhicule trop de choses. Vulve est un bon mot ; plus spécifique. Mais je crois que la plupart d’entre nous ne savent pas clairement ce qu’inclut la vulve. » (p. 10)


Défini médicalement comme le canal qui s’étend du col de l’utérus aux organes génitaux externes de la femme, le mot vagin n’est pas compris ainsi dans le langage courant. (Braun & Wilkinson, 2001). Dans le langage courant, il fait plutôt référence aux organes génitaux féminins dans leur ensemble (Ardener, 1987 cité par Jenkins & O’Doherty (2021). Même dans les articles de recherche, le terme « vagin » est parfois utilisé pour désigner le sexe féminin dans sa globalité parce que cela refléterait la compréhension la plus usitée du mot par le grand public (Jenkins & O’Doherty, 2021). Or, les mots informent nos représentations (Gérardin-Laverge, M., 2020).

[...]

Lerner (2003) appelle mutilation génitale psychique cette méconnaissance des organes sexuels externes féminins. Selon elle, « le langage peut être aussi puissant et rapide que le bistouri du chirurgien. Ce qui n’est pas nommé n’existe pas (...) La raison pour laquelle il n’y a pas de mots n’existe pas ».

Sanyal (s.d.) va dans le même sens : « Au cours de mes recherches, j’ai remarqué qu’il n’y a pas seulement un tabou pour parler ou représenter la vulve, mais que le fait même que ce sujet soit tabou est en soi un tabou. »

[...]

Notre travail tend à montrer que la connaissance et la représentation dans l’espace social des organes génitaux féminins, traduite par l’utilisation du mot « vulve » pour y faire référence, n’est pas encore un fait acquis. Pourtant, nommer n’est pas anodin, cela a en soi un pouvoir transformateur (Rodriguez et Schonfeld, 2012). Nommer de manière juste les organes génitaux externes répond à des enjeux très concrets. Réduire les organes sexuels au vagin, ou ne pas les nommer peut induire une vision réductrice du corps féminin et du plaisir féminin. Cela a aussi des implications au niveau de la santé sexuelle des femmes : ne pas pouvoir nommer de manière juste les organes génitaux peut avoir un impact négatif sur le diagnostic et le traitement de difficultés liées à ces organes (El-Hamamsy & al., 2022). Ne pas avoir les bons mots ne permet pas d’aborder les sujets de la sexualité et du plaisir quand cela serait indiqué (Guyard, 2010). Les différences de genre que nous avons soulignées, bien que de très petite taille, peuvent être pensées en lien avec une vision patriarcale et hétéronormée de la sexualité. Dans un contexte social où la sexualité féminine continue à être vue comme « passive » et « absence » (Braun & Kitzinger, 2002), parler de la vulve (qui comprend le clitoris) renvoie à une sexualité « active », « pour le plaisir » qui est une des grandes revendications féministes ( Froidevaux-Metterie, 2021). La vulve renvoie à la possibilité de plaisirs multiples là où le vagin est lié à la pénétration et une vision hétéronormée de la sexualité et du plaisir, qui a réduit de facto la sexualité à l’hétérosexualité et au coït impliquant le vagin et le pénis, et excluant par cela toute autre forme de sexualité, ce qui peut être assimilé à de l’hétéronormativité (Braun & Kitzinger, 2002). Mieux comprendre les liens entre connaissance de ses organes, orientation féministe et représentation sociales peut aussi contribuer à éclairer les dynamiques qui contribuent à une relation à son corps et à se sexualité plus épanouie.

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Symbolisme :


Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


Désignée par euphémisme sous le nom de grande jolie mère, chez les Bambaras, elle est symbole d'ouverture aux richesses secrètes, aux connaissances cachées. Son symbolisme s'apparente à celui de la source, et aussi à celui de la gueule : elle prend et donne, avale la virilité et rejette la vie, elle unit les contraires, ou plus exactement les transmute l'un en l'autre, d'où le mystère dont est chargée son attraction, la différence du sexe masculin, diurne et solaire. Être-fort-ne-pas-être-fort est une autre métaphore, utilisée par les Bambaras pour désigner le sexe féminin. Ils le comparent à Dieu dans le dicton suivant : Dieu est comme le sexe de la femme ; il est le Fort, le Puissant, il est Résistance ; mais en même temps il est Attirance, et Convoitise et enfin Abandon. Le symbolisme de la vulve et du sexe féminin dans son ensemble est développé chez les Dogons et les Bambaras par la signification cosmogonique et rituelle de la fourmilière, considérée comme la vulve de la terre.

Le mythe castrateur du vagin denté, que l'on rencontre à tous les carrefours de l'humanité et de l'histoire, suffit à prouver avec quelle puissance cette mystérieuse porte qui est celle de la vie et de la petite mort exerce sur l'homme sa fascination. Il n'est que de regarder l'Adam et l'Eve du triptyque de l'Agneau Mystique de Van Eyck pour saisir combien l'histoire de notre culture a été marquée par cette toute-puissance interrogation : celle de l'esprit devant le mystère de la vie, celle de la culture devant le secret de la nature ; l'un est Adam, dans la figure duquel l'artiste s'est surtout attaché à représenter la tête semi inclinée sous l'effort de la pensée, tandis que face à lui Eve, avec une sorte de tranquille impudeur, cambre les reins, et présente son ventre.

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Michel Deveaux, auteur de "Symbolisme des décors génitaux chez l’être humain" (Imaginaire & Inconscient, n° 38(2), 2016, pp.107-115) établit un lien entre le sacré et la sexualité :


L’Hymen Hymen vient d’Humenaios, divinité grecque qui présidait au mariage.

C’est une tunique membraneuse située entre la vulve et le vagin, frontière entre l’extérieur et l’intérieur, le visible et le caché, on pourrait dire entre le profane et le sacré.

On peut associer l’anatomie des organes génitaux féminins au plan du temple de Salomon décrit dans le premier livre des rois (chap.6).

Le temple c’est la maison du sacré.

Sur le parvis la toison pubienne peut être assimilée au peuple des fidèles.

A l’entrée du temple de Salomon deux colonnes qui portent un nom :

« Jachin » (yod, kaf, yod, noun), signifiant en hébreu : « il rendra stable » et « Booz » (beth, ‘ayin, zayin) : signifiant « en lui est la force ». Peuvent sans difficulté représenter les grandes lèvres et l’entrée du vagin. Des cabalistes ont appliqué les règles de déploiement du sens à ces deux noms (inversion des consonnes) et sont arrivés à l’interprétation suivante : « Jachin » donne « Nikaï » (noun, kaf) signifiant : copuler quant à « Booz » il donne « zoob » (zayin, Beth) correspondant à « pénis ».

Le vestibule (Ulam) s’ouvre sur le Saint (Hekal) correspond à la vulve avec le passage des petites lèvres. Puis on bute sur le voile du temple qui sépare le Saint (Hekal) du Saint des Saints (Debir) ; derrière ce voile se trouve l’Arche d’Alliance et seuls les prêtres, une fois l’an, sont autorisés à pénétrer dans le Saint des Saints pour y prononcer le nom de Dieu. « Tu mettras le voile sous les agrafes: c’est là, derrière le voile, que tu introduiras l’Arche du Témoignage, et le voile marquera pour vous la séparation entre le Saint et le Saint des Saints ». (Exode 26, 31-33).

Le voile est une interface entre le monde visible et le monde caché (sacré).

L’Hymen est un voile tendu devant la chambre virginale, qui est aussi vaginale.

La Révélation consiste à lever le voile (velum) sur ce qui est caché. En grec, révélation se dit « apocalypse ».

On pourra constater combien le mot Ésotérisme est proche d’Érotisme.

Il est intéressant de rapporter ici une discussion qui s’est faite autour du voile et de l’Arche par les talmudistes dans le traité « Yoma 54a » à propos d’une citation du premier livre des Rois.

« Les prêtres apportèrent l’Arche de l’Alliance de Yahvé à sa place, au Débir du temple, c’est-à-dire au Saint des Saints, sous les ailes des chérubins. En effet, les chérubins étendaient leurs ailes au-dessus de l’emplacement de l’Arche et faisaient un abri au-dessus de l’Arche et de ses barres. Celles-ci étaient assez longues pour qu’on vît leur extrémité depuis le Saint devant le Débir, mais pas en dehors de là » (1 Roi 8, 6-8).

Les éléments de discussion reposent sur la question de savoir si les barres qui soutenaient l’Arche placée dans le Débir (le Saint des Saints), qui coulissaient (ou non...) dans des anneaux et qui avaient été agrandies, étaient ou non visibles depuis le Hékal (le Saint) sans qu’il y ait eu déchirure du voile (la « Parokhèt »).

Il est envisagé que ces barres « poussaient, apparaissaient et sortaient dans le voile et étaient visibles comme deux seins de femmes, ainsi qu’il est dit : « Un sac de myrrhe est mon bien-aimé, il repose entre mes seins »» (Cantique des Cantiques 1, 13, voir également «Le livre brûlé » de M.A Ouaknin, p. 267).

Ainsi selon le Talmud, l’image des seins vient définir la transcendance ; l’essence du caché, du visible/invisible, est de l’ordre de l’érotique, c’est-à-dire : qui concerne l’amour, et la tension qui relie le « là » à « l’au-delà » s’apparente au désir. (Cf. « Lire aux éclats » pp. 89-93).

La femme va devoir rendre sa tunique de peau car le devenir de l’hymen est d’être déchiré par le pénis qui vient se substituer aux barres de l’arche d’alliance pour déposer dans la chambre vaginale l’offrande séminale. C’est ainsi que « l’homme connut Ève, sa femme ; elle conçut et enfanta ». Jubilation d’Ève qui, servante d’un époux, devient alors mère d’un homme, elle s’exclame « j’ai acquis un homme de par Yahvé » (Genèse 4,1). Ce premier acte copulatoire prend valeur de rite initiatique où la jeune fille se transforme en femme et prend connaissance de sa capacité à donner la vie.

La vie est une valeur de grande importance dans le judaïsme où elle est symbolisée par le sang, ce sang que l’on expose sur un drap au lendemain des noces, selon certaines coutumes. Mais ce qu’Ève ignore encore c’est qu’elle vient de donner vie à Caïn, celui qui, un peu plus tard, fera verser le sang de son frère Abel.

[...]

En conclusion : Hymen et prépuce, sont deux « tuniques de peau » dont certains cherchent encore l’utilité. L’étude de leur valeur symbolique, notamment par les cabalistes, nous offre un champ d’une poésie insoupçonnée. Ces tuniques, de création divine, nous dit la Genèse, méritent bien l’appellation de « décors » qui, comme tous les décors de théâtre, sont amenés à disparaître. Mais la représentation terminée ces décors laisseront chez les acteurs à la fois une cicatrice et une révélation qu’ils conserveront (peut-être ?) leur vie entière. Telle aurait pu être la fonction des «Tuniques de Peau ».

 

Le site La Vague de Vie propose un fascicule intitulé "Le symbolisme des organes du corps humain" (malheureusement non sourcé) dans lequel on peut lire la notice suivante :


VULVE : L’ensemble des organes génitaux externes de la femme évoquent la Matrice originelle d’où jaillissent, dans la Lumière de la Révélation, l’Homme et Dieu confondus ou fusionnés. La vulve ouvre sur les richesses secrètes de l’être et exprime le désir de retourner aux sources ou à la Source. C’est la Porte de la vie et de la petite mort, exprimant le mystère de la vie, secret de la Nature.

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Mythologie :






Arts visuels :


Alain Roger, auteur d'un article intitulé "Vulva, Vultus, Phallus". (In : Communications, 46, 1987. Parure pudeur étiquette. pp. 181-198) étudie notamment les diverses appellations de la vulve :


[...]  Il n'est pas insignifiant que le terme « nature » désigne « les parties qui servent à la génération, surtout dans les femelles des animaux. La nature d'une jument » ; mais aussi d'une femme, réduite à sa femellité, c'est-à-dire sa bestialité : vulve et pilosité. On aurait là un îlot de nature irrémédiable, un réduit irréductible, que la culture ne peut que circonscrire comme son Autre, la Chose, l'innommable, sinon dans la langue anatomique (neutralisation scientifique) ou les métaphores animales, qui soulignent brutalement la naturalité de la « bête ». Choïros, en grec, signifie à la fois la vulve et le petit cochon ; et il en va de même du porcus latin. Le Français, plus sensible au pelage, semble-t-il — les Grecques et les Romaines s'épilaient —, dit la « chatte » ou la « motte », plus basse encore dans la hiérarchie naturelle, et l'on aimerait posséder la liste universelle, le catalogue argotique, le bestiaire obscène des noms et surnoms dont la vulve est l'objet. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas ça que vise Parménide quand il demande au jeune Socrate s'il conçoit une Idée pour « poil, boue, crasse, ou toute autre chose, la plus dépréciée et la plus vile 4 ». Sale, velue, gluante : la Chose, le cloaque, réfractaire à l'Idée, rebelle à toute participation, c'est-à-dire, en langage moderne, à toute médiation et modélisation culturelles. Voilà, dira Plotin, la « laideur absolue ».

[...]

... dans l'état actuel de nos découvertes, les premières productions artistiques de l'humanité sont des vulves gravées — celles de La Ferrassie, par exemple ; datation : 30 000 av. J.-C. — et des statuettes féminines, dont plusieurs sont pourvues de vulves dilatées ; ce qui nous introduit à un premier exemple, qui participe évidemment de la dénaturation par excès. J'ai analysé ailleurs ces statuettes et je me bornerai à souligner ici l'hyperbole vulvaire. A cet égard, l'œuvre la plus remarquable n'est pas la Vénus dite « impudique » de Laugerie-Basse, en dépit du triangle isocèle qui lui cisèle le bas-ventre et de sa fente génitale, nettement indiquée. Plus impudiques ou, pour mieux dire, plus excessives sont les Vénus de Grimaldi — Losange, Polichinelle — et surtout celle de Monpazier dont l'ovale évasé de la vulve s'exhibe, énorme, sous le ventre (environ un cinquième de la hauteur totale de la statuette). On notera que ces premières représentations féminines associent l'hyperbole vulvaire et l'abolition du visage. Ce phénomène est particulièrement remarquable dans les exemples précédents, où la tête, quand elle existe, est réduite à un moignon. Mais il en va de même, toutes proportions gardées, pour les autres statuettes, où la dilatation des emblèmes de la fécondité, seins, hanches, vulve — quoique de façon moins « monstrueuse » pour celle-ci — s'accompagne d'un effacement de la face. Tout se passe comme si, avec cette relative atténuation de la dilatation génitale, la tête prenait forme, mais sans parvenir au visage : boule au « tchador » de Willendorf, « heaume » de Vestonice, ivoire ovoïde de Lespugue. D'où l'hypothèse suivante : l'hyperbole vulvaire abolit le visage. Aut vulva, aut vultus. Si le visage figure, il exclut la « nature ». Ainsi des statues d'Aphrodite. Humanité contre bestialité.

[...]

Leroi-Gourhan a justement souligné que la plupart de ces statuettes, du moins dans l'aire occidentale, s'inscrivent dans un schème rhomboïdal. Ce losange ne représente-t-il pas l'enveloppe d'une vulve 9 ? Ne dirait-on pas que le (la ?) sculpteur a voulu réduire la totalité de la femme à la forme et aux dimensions (quelques centimètres) de sa « nature », au point que l'on ne sait plus si c'est elle qui s'est métonymisée, comme monadisée dans son sexe, ou si, au contraire, c'est lui qui l'engloutit, par un passage à la limite dont la Vénus de Monpazier constituerait l'étape intermédiaire : une vulve, « sortant de sa coquille », le creux des cuisses, pour envahir le ventre, coloniser le corps... J'ai même supposé, naguère, que, dans cette réduction génitale, la femme était fétichisée, vulve ithyphallisée. L'idée paraîtra peut-être moins fantastique si l'on songe que d'autres statuettes, différentes, il est vrai, des précédentes, puisqu'elles ne s'inscrivent pas dans un losange, sont manifestement phalliques. Ainsi, celle de Mauern, interprétée par Zotz comme une figure androgyne 10, mais aussi celles de Sireuil et du lac Trasimène, ainsi que plusieurs figurines sibériennes de Malta et de Bouriet. M. Camus y voit des « vulves ithyphalliques n », mais dans une acception différente de la mienne, puisque, dans ces exemples, le phallus émerge en quelque sorte de la vulve, tandis que je prétends, pour les Vénus rhomboïdales, que c'est toute la femme qui est ithyphallisée dans sa vulve. On aurait ainsi deux Leroi-Gourhan a justement souligné que la plupart de ces statuettes, du moins dans l'aire occidentale, s'inscrivent dans un schème rhomboïdal. Ce losange ne représente-t-il pas l'enveloppe d'une vulve 9 ? Ne dirait-on pas que le (la ?) sculpteur a voulu réduire la totalité de la femme à la forme et aux dimensions (quelques centimètres) de sa « nature », au point que l'on ne sait plus si c'est elle qui s'est métonymisée, comme monadisée dans son sexe, ou si, au contraire, c'est lui qui l'engloutit, par un passage à la limite dont la Vénus de Monpazier constituerait l'étape intermédiaire : une vulve, « sortant de sa coquille », le creux des cuisses, pour envahir le ventre, coloniser le corps... J'ai même supposé, naguère, que, dans cette réduction génitale, la femme était fétichisée, vulve ithyphallisée. L'idée paraîtra peut-être moins fantastique si l'on songe que d'autres statuettes, différentes, il est vrai, des précédentes, puisqu'elles ne s'inscrivent pas dans un losange, sont manifestement phalliques. Ainsi, celle de Mauern, interprétée par Zotz comme une figure androgyne, mais aussi celles de Sireuil et du lac Trasimène, ainsi que plusieurs figurines sibériennes de Malta et de Bouriet. M. Camus y voit des « vulves ithyphalliques n », mais dans une acception différente de la mienne, puisque, dans ces exemples, le phallus émerge en quelque sorte de la vulve, tandis que je prétends, pour les Vénus rhomboïdales, que c'est toute la femme qui est ithyphallisée dans sa vulve. On aurait ainsi deux modèles différents, mais ayant en commun de renverser la représentation ; comme si la « nature », d'être ainsi exhibée, devait, à la limite, se dénaturer dans son Autre, comme si la vulve ne pouvait accéder à la vue qu'en annulant le vultus, d'une part, en s'ithyphallisant, d'autre part. Rien, ou le Phallus... Ce qui nous amène à Baubô, notre second exemple.

La légende de Baubô, vraisemblablement liée aux mystères d'Éleusis, appartient au cycle de Déméter, qui, errant éplorée après l'enlèvement de Persephone, aurait été consolée et littéralement « réjouie » par le geste obscène de Baubô se retroussant (avà(Jl)p(Xa) pour lui dévoiler sa « nature ». Il n'est évidemment pas question de discuter ici des nombreux commentaires auxquels ont donné lieu les récits de Philikos, Clément d'Alexandrie et Arnobe 12, dont on trouve, d'ailleurs, de troublants équivalents dans les mythologies, égyptienne — Hathor s'exhibant à son père et déclenchant son rire — et japonaise — Uzumé se dévoilant aux dieux pour leur plus grande hilarité. Je doute d'ailleurs que l'on puisse parvenir à une interprétation cohérente, tant cette légende et l'iconographie qui l'accompagne, les statuettes de Priène en particulier, me semblent polysémiques. Mais justement : ce qui me frappe et m'importe, c'est que le geste de Baubô, quoi qu'il révèle, vérifie mon hypothèse sur la dénaturation par excès. De quelque façon qu'on l'interprète, Vanasurma exhibe autre chose que la chose.

Qu'a donc vu Déméter ? Une vulve, sans doute, mais de quelle nature ? « Le nom de la femme qui mit fin au deuil de Déméter signifie : la vulve. La plupart des philologues rattachent ce mot à Baubon, qui signifie le godemiché. » Faut-il admettre que l'anasurma de Baubô n'exhibe qu'un baubon, d'où la surprise et l'hilarité de Déméter ? Cette lecture n'est certainement pas suffisante, mais elle offre déjà l'intérêt d'accorder à Baubô(n) sa vocation phallique. C'est de ce côté-là que l'obscène se joue et j'incline à croire, avec Devereux, que « l'exhibition de la vulve donne à ce geste un caractère phallique ». Nul besoin de simulacre. Du seul fait qu'elle s'exhibe, la vulve s'ithyphallise.

Allons plus loin. Les statuettes de Priène (IVe siècle av. J.-C), qui, comme les Vénus du paléolithique, mesurent de 8 à 15 cm, donnent l'impression, déjà ressentie par Diehls, de créatures ithyphalliques. Je remarque en outre que M. Olender rapproche les noms écholaliques de Mormô (figure grimaçante de femme, terrifiant les enfants), Gorgô (la Gorgone au regard pétrifiant) et Baubô, dont la vulve fait rire ; tandis que Devereux associe cette même Baubô à une Gorgone étrusque, pourvue d'une langue phallique. Or, j'ai moi-même interprété le mythe de la Gorgone et sa version dalinienne — le Grand Masturbateur — comme une vulve ithyphallique, un fétiche mortifère.

[...]

J'en arrive à présent à des « choses » qui nous sont plus familières. On sait que la tradition artistique occidentale a, jusqu'à une date récente, interdit la représentation du sexe féminin, la vulve et le velu, de sorte que, s'il y a un domaine où le dogme de l'imitation de la nature n'est pas respecté, c'est celui-là ; ou plutôt si, car il prescrit de corriger la nature à la lumière des Anciens, et s'il est un lieu où, justement, elle pèche... La leçon a été entendue : rien, à cet endroit-là. On trouve cependant quelques infractions. Ainsi ces Vanités, où la femme, Eve évidemment, s'admire en son miroir, mais livre à notre vue sa vulve, triangle strié chez Memling (Strasbourg), pileux chez Baldung Grien (Munich). Il est remarquable que cette présentation vaniteuse de la « nature » s'entoure d'animaux allégoriques, chien et chienne chez Memling, cerf et biche chez Baldung Grien. Mais c'est surtout chez Hans von Aachen que la vulve s'exhibe, dans les diverses versions d'Antiope et Callisto. Plus proche de nous, L'Origine du monde de Courbet (1866), réservée, il est vrai, à l'usage privé, comme en témoigne E. de Goncourt :


Le marchand, un antiquaire, me dit : « Connaissez-vous ça ? » Et il ouvre avec une clef un tableau dont le panneau extérieur montre une église de village sous la neige et dont le panneau secret, peint par Courbet pour Khalil Bey, représente un ventre et un bas-ventre de femme.


Noir sur blanc. Église sur fond de neige, toison sur fond de chair. M. Pleynet nous apprend que ce tableau faisait récemment partie de la collection de Lacan qui, dit-on, le conservait lui aussi derrière un petit rideau ; et le commissaire chargé de l'exposition des œuvres de Courbet au Grand-Palais en 1977, Hélène Toussaint, a déclaré ne pas l'avoir présenté « parce que ce n'était pas un bon tableau ».

Le commissaire Toussaint (saint, hélas... Qui donc a prétendu que les musées étaient des nécropoles, la Toussaint des artistes ?) veut évidemment dire qu'on n'a jamais vu ça, qu'on ne peut pas montrer ça, à Khalil Bey peut-être (c'est un « Arabe »), à Lacan, passe encore (c'est un « pervers »), mais pas au Grand-Palais ! Origine du monde, immonde de l'origyne, avec un y, pour faire bonne mesure : l'orée, l'horreur de la femelle. Inter faeces et urinas nascimur... Mais revenons à l'essentiel : je remarque, de nouveau, que la vulve a chassé le visage, évacué hors du cadre. Anonymat de la « nature ». La vulve est une femme sans tête, une bête acéphale.

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