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Le Bouclier

Photo du rédacteur: AnneAnne

Dernière mise à jour : il y a 5 jours




Étymologie :


ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1100 escut bucler « bouclier garni d'une bosse » (Roland, éd. Bédier, 526) ; apr. 1268 bouclier « arme défensive » (Claris et Laris, 2439 dans T.-L.) ; 2. a) 1460-70 levee de boucler « vive opposition » ([Simon Gréban], Actes des apôtres, vol. II, fo45a dans Gdf. Compl.) ; b) xvie s. « soutien » (Du Bellay, Œuvres poét. dans IGLF Litt.) et plus partic. dans l'expr. faire bouclier de « s'appuyer sur » (Calvin, Sermon sur le Deutéronome, p. 274a dans Gdf. Compl.). Ell. du syntagme escut boucler c.-à-d. « écu garni d'une boucle », avec substitution du suff. -ier* à la finale -er, celle-ci étant prob. due à un b. lat. bucculare, -is dér. de buccula (cf. début ves. le subst. b. lat. bucculare « récipient », Marcellus Empiricus dans TLL s.v., 2230, 8 ; EWFS2), parallèlement à la forme en *, dér. directement de boucle, attestée dep. la fin du xiie s. (Aliscans, 149 dans T.-L. : ces escus bouclés).


Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 escut « bouclier (souvent orné d'armoiries) » (Roland, éd. J. Bédier, 526) ; 2. 1254 hérald. (Rôle d'armes Bigot ds Brault, s.v. escu1) ; 3. ca 1340 « monnaie (portant un écu en effigie) » (Livre des métiers de Bruges, fol. 7 ro, éd. Gessler, p. 17) ; 4. [1765 d'apr. Pt Rob.] ; 1794 « papier de petit format au filigrane en forme d'écu » (Momoro, Imprim., p. 247). Du lat. class. scutum « bouclier »; cf. lat. médiév. au sens 2 : xiie s., au sens 3 : xiiie s. ds Nierm.


Lire également la définition du nom bouclier afin d'amorcer la réflexion symbolique.

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Histoire :


Jules-Adrien Blanchet, auteur d'un compte-rendu sur un ouvrage de Paul Couissin intitulé "Les armes romaines". (In : Journal des Savants, 1927, vol. 1, no 1, pp. 5-13) montre que e bouclier gaulois a été jugé suffisamment efficace par les Romains qu'ils s'en saisirent dans leurs combats :


On a dit que l'évolution de l'armement romain, du Ve au Ier siècle avant notre ère par exemple, s'était faite dans un sens national. En réalité, Rome n'a pas cessé de modifier les éléments empruntés à ses ennemis, pour les adapter aussi parfaitement que possible à l'usage de ses propres troupes. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est de récapituler tout ce que le Peuple-roi a emprunté aux Gaulois, à diverses époques de son histoire : c'est l'épée dite ibérique, qui servit sans doute d'abord aux Gaulois ; c'est le bouclier ovale, très analogue à celui de nos pères ; c'est le casque du type de Montefortino, qui a une filiation celtique bien évidente ; c'est la cotte de mailles usitée chez les Gaulois ; c'est le scutum rectangulaire plan, qui avait peut-être la même origine ; c'est le ceinturon métallique, emprunt certain ; c'est le scutum hexagonal, venu par les auxiliaires ; c'est le ceinturon à tablier ; c'est le bouclier pelta, qu'on voyait déjà au bras de guerriers gaulois, plusieurs siècles avant notre ère. Il est probable que je n'ai pas tout relevé, mais nous avons déjà ainsi un beau faisceau d'arguments à mettre entre les mains de ceux qui soutiennent que la Gaule n'avait que faire de l'influence romaine et qu'elle se serait bien développée toute seule, par ses propres forces et moyens et pour l'honneur de son génie particulier. Assurément cette liste de manifestations d'un tempérament guerrier n'est pas celle qu'il nous serait le plus agréable de dresser pour glorifier notre vieux sang celtique. Mais, à cet égard, l'homme civilisé n'a guère fait de progrès : Plaute et Hobbes n'ont pas cessé d'avoir raison.

 

P. Couissin, dans “LES ARMES GAULOISES FIGURÉES SUR LES MONUMENTS GRECS, ÉTRUSQUES ET ROMAINS (Suite.).” (In : Revue Archéologique, vol. 25, 1927, pp. 301–25) décrit de manière très détaillée le bouclier gaulois :


Armes défensives - Le Bouclier.

Nos monuments nous présentent trois types de boucliers : l'aspis, le thyréos et la pelta.


L'aspis. — L'aspis est, comme on sait, le bouclier rond, ordinairement bombé, qui, en usage dans nombre de pays, eut une particulière fortune en Grèce et, du VIIIe au IIIe siècle surtout, y fut presque exclusivement employé par les hoplites. Nous le trouvons ici figuré sous deux formes très différentes.

Le premier type est représenté principalement sur les trophées de Pergame. Il est en portion de sphère et très fortement bombé ; la plupart des exemplaires sont ornés de zones concentriques d'ornements géométriques, décoration ordinaire à l'époque du bronze IV et à la première époque du fer et conservée par les boucliers macédoniens. Les aspides ainsi décorées sont vraisemblablement pergaméniennes. Mais un exemplaire semble, assez étrangement, orné de deux loups, épisème archaïque qui n'étonnerait point sur un bouclier hellénique du VIe ou du Ve siècle, mais qui ne paraît guère pouvoir être attribué à celui d'un Grec du IIIe siècle.

L'aspis, sous la même forme, est également figurée, au bra de quelques mercenaires, sur des stèles de Sidon, et peut-être sur celles d'Alexandrie. L'extérieur en est jaune, ce qui représente sans doute la couleur du bronze ou du bronze doré ; l'intérieur est peint en rouge comme il l'est sur la fresque de Délos. Enfin, sur la stèle de Guemlik, l'un des Galates est armé d'une grande aspis de même type, particularité d'autant plus remarquable que, sur ce monument, non seulement ses compatriotes, mais même les Grecs portent le thyréos ovale.

Le second type n'est représenté que par les trophées de Milet. La forme en est concave et son umbo circulaire, ses bords saillants, tout son aspect général lui donnent une apparence fort analogue à celle des patères ombiliquées.

Que penser de ces boucliers ? Les Anciens ne nous font connaître d'autre bouclier gaulois que le grand thyréos dont nous parlerons plus loin. Les aspides de bronze, dont les pays celtiques, à l'âge du bronze, ont fourni un certain nombre d'exemplaires, disparaissent dès l'époque hallstattienne, et les sépultures de l'âge du fer n'ont livré aucun débris qu'on puisse avec certitude rapporter au bouclier rond, même en bois, tandis que l'existence du thyréos est attestée par plusieurs documents originaux. D'une façon générale les monuments figurés sont d'accord avec ces témoignages et le bouclier gaulois y est représenté par le thyréos incomparablement plus souvent que par l'aspis.

Nous venons de voir, cependant, que le Gaulois de Guemlik est armé d'une aspis ; et, sur les trophées de Pergame, le bouclier aux loups est probablement gaulois. On peut encore citer un umbo celtique découvert à Forli (Italie septentrionale), sur lequel sont dessinés deux guerriers armés d'un bouclier rond à umbo. Enfin, comme nous verrons, les monuments romains font souvent entrer dans les trophées contenant des armes gauloises, soit le clipeus convexe, soit le bouclier en forme de patère. Ce second type, dont le premier descripteur de la frise de Milet avait cru exceptionnelle et presque unique la représentation qu'en donnent ces reliefs, est, au contraire, abondamment figuré sur les monuments romains, particulièrement en Gaule, où, vraisemblablement, comme à Milet, il est donné comme gaulois.

Il paraît bien difficile de récuser tous ces témoignages, contre lesquels, en somme, on ne saurait invoquer aucun fait positif, et il est assez probable que les Galates employèrent le bouclier rond. Il n'est pas impossible que, chez certains d'entre eux, ait persisté l'aspis de l'époque du bronze, ou encore, et plutôt, que « par suite de leur contact avec l'un ou l'autre » des peuples méditerranéens, « certaines bandes gauloises aient fini par s'en servir concurremment avec le grand bouclier ovale ».


Le thyréos. — Le thyréos ou bouclier long, arme caractéristique des Gaulois, est abondamment représenté par nos monuments, qui nous en fournissent une série, sinon complète, du moins assez riche et intéressante. il est le plus souvent ovale, parfois hexagonal.

Thyréos ovale.— Le thyréos ovale figure sur tous nos monuments sans exception. Tels étaient les boucliers votifs que, suivant Pausanias, les Eoliens suspendirent à l'entablement de Delphes, et dont la trace ovale se voit encore sur une métope mise au jour en 1893 ; tel était cet autre bouclier votif sur le bas-relief de Pagae. Ce sont des thyréoi ovales sur lesquels trône l'Étolie victorieuse ou que foule aux pieds l'Apollon de Délos, et ce sont eux que l'on voit presque constamment sur les trophées de Pergame et de Milet, comme sur le tétradrachme de Ptolémée, comme au bras de tous les Galates peints, gravés ou sculptés, indépendants ou mercenaires.

Ces boucliers, pour la plupart, diffèrent entre eux par quelque détail, souvent sur le même monument. Tantôt la surface en est presque plane (statues attaliennes, par exemple), tantôt elle est extrêmement bombée (Apollon de Délos) ; l'umbo de forme variable, l'orle, ou bordure métallique, est absent ou présent, plus ou moins large, plus ou moins saillant, sans que, dans la plupart des cas, on puisse, semble-t-il, tirer de ces différences aucune conclusion intéressante. Le profil même du bouclier est d'un ovale plus ou moins arrondi ou elliptique. Une variété intéressante, dans laquelle le bouclier à chaque extrémité se termine en angle aigu, est présenté par le Gaulois blessé du Louvre et par les reliefs de Milet. Il n'y a pas lieu, semble-t-il, de s'arrêter à toutes ces variantes. Seule l'étude de l'umbo, que nous ferons plus loin paraît susceptible de fournir des indications utiles.


Thyréos hexagonal. — Le thyréos hexagonal paraît deux fois au moins sur les trophées de Pergame, et quatre fois sur ceux de Milet. Tantôt il est réellement hexagonal, tantôt il présente l'aspect d'un bouclier ovale tronqué par les deux bouts. Les monuments romains nous fourniront ces deux formes et plusieurs autres. Le bouclier hexagonal semble, à toute époque, avoir été chez les Gaulois d'un emploi beaucoup moins fréquent que le bouclier ovale. Il était en usage chez les Germains et chez les Daces, et fut adopté dans l'armée romaine au ier siècle de notre ère. 11 est possible que son origine soit celtique. C'est, en tous cas, sur nos monuments que, sauf erreur, s'en voit la plus ancienne figuration.


Thyréos à oreilles. — Les trophées de Pergame présentent encore un exemplaire d'un type assez singulier : c'est un thyréos d'un ovale très arrondi, sensiblement plus court que les autres, bien qu'aussi large, et muni de deux oreillettes latérales. Seul de tous les boucliers longs il est entièrement dépourvu d'umbo, mais, comme les autres, il porte une arête longitudinale. C'est là, sans doute, une arme celtique, mais, si je ne me trompe, sans analogue sur aucun monument; il est particulièrement malaisé de s'expliquer la raison d'être de ces oreilles.

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Symbolisme :


Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, auteurs du Dictionnaire des symboles (Éditions Seghers, 1969) :


BOUCLIER. 1. Le bouclier est le symbole de l'arme passive, défensive, protectrice, bien qu'il soit parfois lui-même meurtrier. A sa force propre de métal ou de cuir, il associe magiquement des forces figurées. Le bouclier est en effet, dans bien des cas, une représentation de l'univers, comme si le guerrier qui le porte opposait le cosmos à son adversaire et comme si les coups de celui-ci frappaient bien au-delà du combattant qui se trouve en face de lui et atteignaient la réalité même ici figurée. Le bouclier d'Achille en est un singulier exemple : Héphaïstos y crée un décor multiple, fruit de ses savants pensers. Il y figure la terre, le ciel et la mer, le soleil infatigable et la lune en son plein, ainsi que tous les astres dont le ciel se couronne, les Pléiades, les Hyades, la force d'Orion, l'Ourse — à laquelle on donne le nom de chariot — qui tourne, sur place, observant Orion, et qui, seule, ne se baigne jamais dans les eaux d'Océan. Il y figure aussi deux cités humaines — deux belles cités. Dans l'une, ce sont des noces, des festins... Autour de l'autre ville campent deux armées, dont les guerriers brillent sous leurs armures. Les assaillants hésitent entre deux partis : la ruine de la ville entière, ou le partage de toutes les richesses que garde dans ses murs l'aimable cité... etc. Héphaïstos met encore sur ce bouclier une jachère meuble, un champ fertile... un domaine

royal... un vignoble lourdement chargé de grappes., un troupeau de vaches aux cornes hautes... un pacage à brebis... une place de danse... et enfin la force puissante du fleuve Océan, à l'extrême bord du bouclier solide. Toutes les raisons de vivre, toutes les beautés de l'univers, tous les symboles de la force, de la richesse, de la joie sont mobilisés et concentrés sur ce bouclier. Cet étonnant spectacle symbolise aussi l'enjeu de la bataille : tout ce que l'on perd en mourant, tout ce que l'on gagne en triomphant. Le bouclier était assez grand pour couvrir le combattant sur toute sa hauteur et servir éventuellement de civière pour emporter un mort ou un blessé.


2. Au lieu de scènes séduisantes, le bouclier porte parfois une figure terrifiante, qui suffit à terrasser l'adversaire. C'est l'arme psychologique. Persée avait vaincu la Méduse épouvantable, sans la regarder, mais en polissant son bouclier comme un miroir ; en se voyant elle-même, la Méduse fut pétrifiée d'horreur et le héros lui trancha la tête. C'est cette tête tranchée et horrifiante qu'Athéna plaça sur son bouclier, pour glacer d'épouvanté quiconque eût osé l'attaquer.


3. Dans la description paulinienne de l'armure, dont le chrétien doit se servir pour le combat spirituel du salut, le bouclier c'est la Foi, contre laquelle se briseront tous les traits du Mauvais. Il dit plus précisément que c'est la Foi qui éteindra les traits enflammés du Mauvais ; éteindre des flammes, le sens du symbole donne ici une signification toute spirituelle au rôle du bouclier de la foi, qui doit servir contre les tentations de l'hérésie, de l'orgueil et de la chair.


4. Un texte irlandais, la Razzia des Vaches de Fraech, indique que les boucliers des guerriers portaient des incrustations ou des gravures représentant des animaux (fantastiques ou fabuleux) servant d'emblème. C'est un début d'héraldisme, car chaque héros irlandais semble avoir arboré des décorations ou des emblèmes différents. Le bouclier a, de par sa nature même, pleine valeur apotropaïque. Le fait est attesté aussi, pour les cultes continentaux, par Diodore de Sicile (V, 30,2) et par les découvertes archéologiques en Grande-Bretagne. Mais le fait mythique essentiel est, dans la Tain Bo Cualnge ou Razzia des Vaches de Cooley, la mort violente de Sualtaim, père putatif du héros Cuchulainn. Ce dernier, engagé dans un combat inégal contre les armées d'Irlande, l'envoie demander du secours à Emain Mâcha, capitale de l'Ulster. Sualtaim prononce l'avertissement, mais, ce faisant, il enfreint l'interdit voulant qu'on ne parle pas avant le roi et que le roi ne parle pas avant le druide. En conséquence, le druide Cathbad le maudit, et son propre bouclier, tournant autour de lui, lui tranche la tête. Par pure coïncidence

peut-être, le fait illustre encore, dans le sens de l'étymologie, les noms celtiques du bouclier (irl. sciath ; gall. yscwyd ; bret. Skoed étant apparentés au latin scindo couper, fendre}. Dans la littérature médiévale irlandaise, le bouclier a même pris des acceptions métonymiques ou métaphoriques nombreuses telles que guerrier, protection, garantie légale, etc. Le bouclier est avant tout une arme passive, soumise comme la classe guerrière au pouvoir de la classe sacerdotale, et non pas en premier lieu un instrument d'agression (les langues celtiques n'ont pas de nom indigène pour désigner la cuirasse : irl. luiredi vient du lat. lorica ; mais les Celtes l'utilisaient). On a de nombreux exemples protohistoriques du bouclier circulaire à échancrures représenté sur les stèles funéraires du Midi de la France et en Espagne, dont il est le décor le plus important, à côté du matériel militaire habituel (char, arc, lance, etc.). Le symbolisme est toujours apotropaïque.


5. Dans l'art de la Renaissance, le bouclier est l'attribut de la vertu de force, de la victoire, du soupçon, de la chasteté. On peut voir au Louvre un tableau de Mantegna, La sagesse victorieuse des vices, où Minerve porte au bras un bouclier translucide.

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Symbolisme celte :


Selon Christophe Vielle, auteur de "Matériaux mythiques gaulois et annalistique romaine : éléments antique d'un cycle héroïque celtique." (In : Etudes Celtiques, vol. 31, 1995. pp. 123-149) :


De la comparaison des données romaines et irlandaises, l’on pourrait être tenté de procéder à la reconstruction des éléments de la geste héroïque gauloise. On peut en effet dégager une série d’éléments communs et correspondants, concernant les traits caractéristiques du héros « de la tribu ». Celui-ci serait donc de taille et de force extraordinaires, anormalement jeune, et au corps resplendissant sous ses ornements - torque et bracelets d’or, tunique (rouge ? couleur de la guerre) - et par son armement (bouclier, épée ou javelot). Quant à son mode de combat, il se retrouverait seul à se battre, en se présentant à la frontière des deux armées et en défiant en duel ses adversaires, qu’il décapiterait après les avoir vaincus (et qu’il dépouillerait de leur torque ?).

 

Paul-Georges Sansonetti, auteur d'une Conférence (In : École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 95, 1986-1987, pp. 383-388) examine le symbolisme du bouclier médiéval dans la chanson de geste :


Autre thème d'une réelle importance : la symbolique des écus. Ainsi le bouclier du chevalier Cador, compagnon d'armes de Caradoc, entièrement de sinople (rouge et non vert à cette époque) et bordé d'un listel d'or (vers 8465 et 8122 de l'édition William Roach), nous apparaît comme allusif à une porte. Notre démonstration, trop longue pour être entièrement développée ici, s'appuie sur trois données essentielles. En tout premier, rappelons que le mot écu dérive du latin scutum, et que la traduction grecque de ce terme, Thura et Thureos, précise que le scutum « était fait comme une porte » dit Anthony Rich (Dictionnaire des Antiquités Romaines et Grecques, Paris 1883). En second lieu, il est question, dans le Perceval, d'une porte (imaginée ogivale, selon le style du temps) employée comme un bouclier (vers 5939) ; et, de fait, un écu retourné, pointe en haut, évoque une porte gothique. Enfin, fait singulier, le bouclier de Cador présente simplement un « champ » de sinople, semblant dire que ce chevalier, non porteur d'une emblématique particulière, figure un état antérieur à toute personnalisation. Cette absence de « partitions », « pièces honorables » - hormis éventuellement le listel, mais que l'on devine renforcement du rebord de l'écu et non point « bordure » héraldique - et « meubles » ramène à l'unité d'un « émail », comme pour traduire ce que Julius Evola nomme une « impersonnalité active ». Et, dans le récit, le sinople devient l'équivalent du vermeil ; ce qui était déjà énoncé dans le Perceval si l'on rapproche les vers 1221 et 872. En faisant référence aux travaux d'Henry Corbin nous dirons que le sinople évoque un flamboiement auroral, manifestation de la Lumière de Gloire, et, comme tel, jaillissement d'une force vitale antérieure et supérieure à la création comme à toutes les formes qui la constituent et que reflète l'héraldique. Cet écu, s'il advenait qu'on le présente pointe en haut, serait allusif à une porte ouverte sur l'état « auroral » des êtres et du monde. Un autre écu, hautement symbolique, et qui complète la signification du précédent, est celui du chevalier Aalardin : de sinople également mais avec un aigle d'hermine (vers 8118-19). Ecu dont les couleurs évoquent les phases du Grand Œuvre alchimique. Et ce d'autant plus que Aalardin apparaît d'abord comme un personnage furieusement égotiste, mais qu'une rédemption va transmuer en un être nimbé d'une clarté surnaturelle. Toujours en référence à Henry Corbin, nous assimilons cette clarté à la Lumière de Gloire.

C'est Aalardin, ainsi illuminé, qui conduira Caradoc dans un royaume caché aux yeux profanes où il lui offrira l'umbo d'un écu, forgé dans un or surnaturel : au contact de cet or, les chairs mutilées se reconstituent mais demeurent dorées. Dès lors que l'umbo correspond à la partie centrale de l'écu dénommée « le cœur », on devine qu'il s'agit, ici encore, de « physiologie mystique ». Car, traditionnellement, le cœur est le siège du « Soi », la présence divine en l'être. A partir de cette remarque, tout un réseau de données symboliques se présente à nous. En héraldique, le meuble dit « rais d'escarboucle » se déploie à partir du centre de l'écu, comme le montrent le bouclier des Gémeaux à la façade occidentale de la cathédrale de Chartres ou les armes des ducs d'Anjou. Selon Alain de Lille, l'escarboucle est la pierre du Soleil ; et l'astre du jour évoque la présence divine ainsi que le rappelle ce Christ solaire au portail occidental de la Madeleine de Vézelay. Ajoutons à cela le fait que l'escarboucle soit définie comme une sorte de rubis surnaturel, éclairant en pleine nuit d'aussi intense façon que le soleil. D'où le rapprochement opéré tout naturellement entre ce joyau et la rubification alchimique. L'umbo, forgé dans le métal voué au soleil, se présente à la fois comme le cœur de la « physiologie mystique » et comme nucléus énergétique, équivalent de la Pierre philosophale puisque doté de propriétés régénératrices. L'or, métal solaire, transmuant la chair lésée ou mutilée (c'est-à-dire ayant subi la loi de la précarité de toute matière), semble faire allusion à une présence apollinienne au contact de laquelle l'être se situe hors des effets du temps. Effets « mutilants » car Chronos dévore ses enfants et l'action du Temps corrode les substances. En cela le mystérieux royaume d'Aalardin évoque une spatialité située hors de tout contingentement.

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Marc-Louis Questin, auteur d'un Traité pratique de magie celte (Éditions TrajectoirE, 2001) propose un rituel pour constituer un Bouclier de protection :


Le Bouclier de Protection : La plupart des envoûtements sont des auto-envoûtements. Votre esprit, avec ses peurs et ses fantasmes, programme lui-même le scénario pervers des influences négatives. Cette négativité n'est pas inéluctable. Vous pouvez, si vous le désirez, retrouver la joie de vivre, le sommeil et la santé, en chassant simplement ces pensées de votre vie. Cependant, il peut arriver que des entités mal intentionnées, et peur importe alors de savoir si c'est vous qui les avez fabriquées de toutes pièves ou si elles vous ont été gracieusement envoyées, restent attachées à votre esprit et contiennent de perturber votre vie quotidienne.

Nous n'entrerons pas ici dans le détail des envoûtements réels et de l'exorcisme. Sachez néanmoins que par des moyens simples et dûment efficaces, il vous est tout à fait possible de résister à ces forces négatives. la première des choses à faire, tous les sorciers vous el diront, est de constituer à l'intérieur de soi un bouclier de protection.

La sensation de l'envoûtement commence presque toujours par le plexus solaire. C'est dans ce point précis du corps que l'on commence à ressentir les influences néfastes et maléfiques. savez-vous que l'on peut renforcer considérablement cette zone vitale ? Et qu'il est réellement possible de "déplacer son point d'assemblage", pour reprendre une expression connue de la sorcellerie mexicaine.

Isolez-vous dans une pièce calme. Votre chambre, ou toute autre pièce paisible, lumineuse et aérée, conviendra parfaitement. Habillez-vous de vêtements amples et détachez votre ceinture. Vous pouvez porter de la laine, du coton et de la soie, mais évitez surtout les vêtements en fibres synthétiques.

Installez-vous près d'une plante verte, ou d'un beau bouquet de fleurs. Respirez tranquillement, fermez les yeux, détendez-vous, ne pensez plus à rien.

Une fois le vide ainsi créé, concentrez souffle, énergie et pensée à cet endroit précis du plexus. Ressentez-le de l'intérieur. Explorez les multiples possibilités de votre plexus solaire. Nettoyez-le avec le souffle. Que votre respiration, la plus profonde possible, détende chacune de vos cellules.

Vous devez ressentir une forte chaleur au bout des doigts.

Gardez présente cette énergie, ce feu sorcier et magicien.

Vous consumez de l'intérieur tout ce qui s'oppose à votre bien-être. Imaginez que vous êtes saint Michel Archange terrassant le Dragon ! Votre plexus solaire est une bulle de lumière. Ses couleurs sont le rouge, l'orangé et l'argent. Les deux premières sont évidentes, mais la troisième est plus subtile. Elle ne survient qu'avec l'hiver et une profonde méditation.

Pratiquez régulièrement cette visualisation, si vous en devez pas travailler ensuite, en début d'après-midi ou le soir, avant de vous coucher. Au cas où vous vous sentiriez soudain très fatigué, ne vous inquiétez pas, c'est un signe favorable. Cet exercice peut durer de dix à trente minutes au maximum. Faites-le de préférence une dizaine de jours avant la pleine lune. Ne buvez plus de vin ni d'alcool, évitez le tabac et les nourritures grasses ou sucrées. Un jeûne léger de deux ou trois jours renforcera son effet.

Cette technique est extrêmement simple et positive. Le bouclier de protection se construit peu à peu. Une source de lumière, de jour en jour, jaillit en vous. Vous ne vous en rendrez pas compte sur le moment, mais vous serez surpris de constater, après plusieurs semaines, que les attaques dont vous étiez victime ont pratiquement cessé de vous importuner. Bien plus, vous vous sentirez mieux dans votre peau, tout en gardant la tête froide et l'esprit vigilant, seules conditions sine qua non de réussite et d'équilibre !

La sorcellerie, communément appelée witchcraft chez nos voisins d'outre-manche, est la célébration sensible et intelligente de la Nature. Le sorcier traditionnel est bien souvent un guérisseur qui connaît l'utilisation médicinale des plantes et l'art secret du reboutage. Un sorcier authentique - mais ceux-là sont si rares ! - possède une éthique à toute épreuve. Il sait aussi "lever les sorts" quand ceux-ci sont le fruit d'une intention maléficiante. Personne ne peut prétendre sérieusement désenvoûter s'il ne connaît au préalable les techniques les plus élémentaires de l'envoûtement. De même qu'un exorciste, au sein de l'Église catholique (orthodoxe, gallicane ou romaine), est un fameux théologien qui peut déceler les moindres ruses de l'Adversaire qu'il doit contrer.

Quand les Anciens évoquaient le Malin ou l'Adversaire, ce n'était pas le fait d'une vague superstition. Ils possédaient un aperçu des différents moyens utilisés par le Mal pour régner sur les hommes et dominer la Terre. Si nombre d'envoûtements sont d'ordre fantasmatique, imaginaire et subjectif, cette souffrance est bien réelle et peut détruire une existence. Si l'envoûtement et les phénomènes de possession sont à l'ordre du jour il s'agit là encore des manifestations les plus spectaculaires de ce qu'il est convenu d'appeler la matérialisation (progressive ou soudaine) de force maléfiques. Les tentatives d'explication scientifiques et/ou psychanalytiques sont dépassées. Là où médecins et psychologues se trouvent soudain embarrassés par l'apparition de ces phénomènes, les hommes-médecine et les sorciers savent reconnaître la source du mal et par là même l'annihiler, la contourner et la détruire.

L'envoûtement par de multiples forces difficilement manipulables et localisables existe. Ces courants maléfiques empêchent l'être de s'épanouir. Ils sont complémentaires du processus classique de l'auto-envoûtement dont l'aspect karmique est à considérer. Il est fréquent de rencontrer des êtres auto-envoûtés. Ils se sont programmés de façon négative, et comme le mal attire le mal (la chance de même attire la chance), les catastrophes se multiplient et vont permettre aux entités de posséder l'individu. Les méthodes traditionnelles d'exorcisme et de désenvoûtement obligent à se purifier. La connaissance des énergies et l'expérience du thérapeute vont contribuer à la victoire des forces de paix et de lumière. Celui qui sait s'exorciser a le pouvoir d'aider les autres.

Cette conception de la maladie, du mal, en tant que projection/fantasme de notre imaginaire, permet de lâcher prise, de se poser face au miroir de notre esprit réconcilié.

Il y a donc un lien étroit entre l'action de méditer, d'apaiser les tumultes du monde émotionnel, et le fait d'intégrer une éthique de guerrier, de transmuter radicalement les pires fantômes de notre ego.

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Activité manuelles :


Sur le site du Musée d'Archéologie nationale, on trouve le tuto suivant, à adapter à l'âge du pratiquant !








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