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Le Guêpier

Photo du rédacteur: AnneAnne




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1. 1376 gespier zool. (Les livres du Roy Modus et de la reine Ratio, éd. G. Tilander, 80, 77) ; 2. a) 1636 entomol. (Monet) ; b) 1775 fig. se fourrer la tête dans un guêpier « se trouver au milieu de gens qui cherchent à vous nuire » (Beaumarchais, Barbier, I, p. 556) ; 1812 guêpier « situation critique » (Mozin-Biber). Dér. de guêpe* ; suff. -ier* ; cf. au sens 2 l'a. prov. vespiar (ca 1490 ds Levy (E.) Prov.).


Lire également la définition du nom guêpier afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Merops apiaster - Chasseur d'Afrique -


Selon Henriette Walter et Pierre Avenas, auteurs de La mystérieuse histoire du nom des oiseaux (Éditions Robert Laffont, 2007) :


La plupart des langues rattachent le nom du Guêpier à celui de l'abeille, comme on le voit en espagnol, en anglais et en allemand. Mais le nom en français, guêpier, ainsi que le nom italien vespiere (de vespa, « guêpe »), présente cet oiseau comme un mangeur de guêpes.

En fait, comme le rappelle Buffon : « Cet oiseau mange non seulement des guêpes qui lui ont donné son nom français, et les abeilles qui lui ont donné son nom latin, anglais, etc. mais il mange aussi les bourdons, les cigales, les cousins, les mouches, et autres insectes qu'il attrape en volant. »

On ne s'étonnera pas de constater que Buffon utilisait le nom guêpier, resté en français, alors que Linné a nommé le Guêpier d'Europe Merops apiaster, où merops est le nom grec d'un oiseau présenté comme un mangeur d'abeilles (et non pas de guêpes) par Arsitote (IX, 13 et 40) et ou apiaster est formé sur le nom latin apis, [qui signifie] « abeille ».

En italien , on ne connaît pas l'origine du nom le plus courant, gruccione, de cet oiseau proche des martins-pêcheurs, au plumage diversement coloré, comme l'est celui du chardonneret.

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Zoologie :


Selon Ernst Zürcher, auteur de Le pouls de la Terre. (Éditions La Salamandre, 2024) :


Le guêpier d'Europe (Merops apiaster) est probablement l'oiseau le plus richement coloré de notre continent. Comme il niche en colonies, creusant un terrier dans des falaises de cours d'eau, des sablières, des ravins, on le compte parmi le groupe des espèces-ingénieurs, capables de façonner des écosystèmes et même des paysages.

 




Symbolisme :


Lise Brind'Amour et Pierre Brind'Amour, auteurs d'un article intitulé “Le Dies Lustricus, les Oiseaux de l'aurore et l'amphidromie.” paru dans Latomus, vol. 34, n° 1, 1975, pp. 17–58) relatent des légendes qui permettent de faite un lien entre le guêpier et l'aurore :


Une légende grecque montre bien la confusion de ces différentes espèces dans l'esprit populaire. A Thèbes (Anton. Lib. XVIII) un certaine Eumélos honorait tout spécialement Apollon ; à noter, avant même d'aller plus loin, une légende de l'île de Cos, mettant en vedette un Eumélos, qui est le fils d'un Mérops « Le Guêpier ». Au cours d'un sacrifice au dieu, son fils Botrès survint et mangea la cervelle de la victime sans l'avoir place sur l'autel en guise d'offrande. Pris de colère son père l'assomma d'un coup de tison ardent provenant du brasier sacrificiel. Botrès, titubant, se traînant, fit pitié à Apollon qui le changea en l'oiseau qui se nomme aerops (nom béotien du merops) et qui « aujourd'hui encore pond ses œufs sous la terre et s'exerce toujours à voler ». C'est une observation exacte que le merops construit son nid sous terre, au fond d'une profonde galerie. On voit aussi que pour les Anciens le guêpier avait une démarche terrestre malhabile et c'est ce trait qu'on va rencontrer dans la boiterie de l'aegithe chez Aristote et chez Pline. Elien (I, 58) décrit aussi cette curieuse démarche en l'attribuant à l'action du vin lors de la capture de ces oiseaux, : il s'agit de la façon dont les apiculteurs s'y prennent pour se débarrasser des guêpiers : « Une fois que les mésanges (qu'Elien confond avec les guêpiers) ont goûté au miel agrémenté de vin, elles deviennent ivres ; alors elles tombent en bas de la ruche, elles gisent et s'agitent, faciles à saisir dans leur effort pour s'envoler, dans leur incapacité de se tenir fermement debout. »

[…]

Tous nos oiseaux : mésange, guêpier, aegithe, œnanthe, se retrouvent donc confondus dans la personne de Botrès. Pour les Romains, tous ces oiseaux étaient la parra.

Revenons maintenant à notre question : pourquoi consultait-on au dies lustricus le vol et le cri du picus et de la parra ? Parce que ce couple d'oiseau était le plus important de l'art augural romain et parce qu'il figurait ultimement le couple originel de la race, Mars et Vesta. Mais aussi, et c'est pourquoi Picumnus et Carmentis président aux naissances, parce que ces oiseaux sont de bon augure pou les mariages et parce que ce sont des oiseaux nourriciers.

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Observons à cet égard que Merope est donné par Sophocle comme nom de la nourrice d'Œdipe.

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Le martinet passait donc aussi pour fréquenter les ruches en compagnie du guêpier. L'important ici est la lutte de la mère pour sauver le nouveau-né de la mort et la présence dans ce contexte du martinet et du miel. Les trois frères qui sont les ancêtres mythiques de la famille royale de Macédoine se nomment Aéropos "Le Guêpier", Gavanès "Le Martinet" (?) et Perdiccas "La Perdrix" (Hérodote VIII, 137ss) ; Hérodote raconte comment le plus jeune, Perdiccas, obtint la royauté après avoir fait mine de manger un rayon de soleil qui ressemblait à un pain sur une table : c'est Chanteclair l'oiseau de l'aurore et ses deux frères auroraux le guêpier et le martinet. Il y a un Céyx "le Martinet" qui est fils d'Eosphoros "Le Porteur de jour", nom de l'étoile du monde. Il semble donc que le mythe, si répandu dans le monde ancien, de l'enfant dans son coffre, soit le mieux illustré par le martinet ou le guêpier dans la ruche. Nous sommes convaincus qu'il faut poser dans tous ces mythes un enfant solaire, parfois accompagné d'une mère aurorale, flottant sur les eaux dans une ruche car le miel est d'or, il nourrit le jeune soleil et l'hydromel est la rosée matinale. Un oiseau marin, martinet, martin-pêcheur, héron et par suite d'une confusion avec ce dernier, cigogne (le mythe de Zarex)., figure comme protecteur de la ruche flottante qui porte l'aurore.

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Une autre Méropè figure parmi les Héliades, ce qui correspond au caractère auroral du Guêpier. Même caractère auroral attesté dans la légende de Phaeton qui passe habituellement pour le fils du soleil (Hélios) et de Clyméné « L'Illustre » ; chez Hyginus sa mères est une nymphe nommée Méropè et sa sœur aussi ; chez Hésychius Phaeton est tout simplement le fils du Mérops de l'île de Cos. Enfin l'éponyme de la ville de Mégare, Mégarée aurait été l'époux d'une autre Méropè par laquelle il fut le père d'Hippomane, le jeune homme aux pommes d'or qui vainquit Atalante à la course, un mythe auroral ici aussi.

p. 17

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Mythologie :


Jean Rudhardt, dans un article intitulé "Le mythe de Phaéthon". (In : Kernos. Revue internationale et pluridisciplinaire de religion grecque antique, 1997, no 10, pp. 83-95) relie Mérops à Phaéton :


Au Ve siècle, Euripide a consacré une tragédie à Phaéthon ; elle a malheureusement disparu mais nous en conservons plusieurs fragments. Le poète fait de Phaéthon un enfant de Clyméné, Celle-ci, dit-il, a épousé Mérops, un roi des Éthiopiens, mais elle s'est aussi unie au Dieu-Soleil Hélios, dont Phaéthon est le fils. Le jeune homme l'ignore et tient Mérops pour son père. Après avoir refusé d'épouser Aphrodite, il y consent, quand Clyméné lui révèle sa véritable identité : il est fils d'Hélios. Clyméné lui conseille d'aller rendre visite à son père; elle prédit que le dieu, pour une raison que les fragments conservés ne nous font pas connaître, ne pourra pas refuser à son fils le privilège que celui-ci lui demandera. Phaéthon prie Hélios de lui confier son char. Le jeune homme monte dans l'attelage du Soleil et il entreprend de le conduire mais, incapable de le maîtriser, il dévie de sa route, finit par tomber sur le sol et meurt. Nous ne savons pas si c'est sous l'effet d'une intervention directe de Zeus.

 

Ariane Bourgeois et Michel Thuault cherchent à élucider le nom d' "Un Potier du Rozier (Lozère)" (In : Journal of Roman Pottery Studies, volume 12, © Oxbow Books and individual authors 2005) ce qui les oblige à retracer rapidement les occurrences du nom Merops :


Il s'agit d'un nom tiré de la mythologie grecque, celui de Merops, porté par des personnages secondaires (cf Pauly-Wissowa 1893-1919 15, colonnes 1065-1067, 1-10 ; gr Kruse), soit le père de héros homériques (Iliade II, 831 et XI, 329 : il s'agit d'un devin, dont les deux fils appartiennent à l'armée d'Hector et seront tués au combat par Diomède) ou celui d'une nymphe, compagne d'Artémis et aimée de Zeus (Euripide, Hélène, 382 : la nymphe est qualifiée de "Titanide"), soit encore le mari royal et humain de la mère de Phaéton, lui-même fils du Soleil (Euripide, dans une pièce perdue, Phaéton, dont Strabon, Géographie, I, 2, 27, a cité quelques vers mentionnant Merops - Euripide, fr 771 Nauck - et aussi Ovide, Métamorphoses, I, 763, et Tristes, 3, 4, 30 : Merops est l'époux de Clymène/Climène, amante d'Helios). A cette diversité de légendes correspondent des lieux géographiques très divers, la Troade dans le premier cas, Kos dans le deuxième,  l'Éthiopie dans le troisième. Remarquons que le nom du potier est sous sa forme latine, car la dénomination grecque Merops a pour génitif Meropos, tandis qu'en latin, le génitif est bien Meropis. (On se demandera si ces références mythologiques impliquent une culture grecque particulièrement fine du propriétaire de l'esclave, ou reflètent une mode éphémère pour une dénomination assez rare, ou encore, par le biais de la référence à l'Éthiopie, si elles suggèrent l'aspect physique du personnage. Remarquons que merops est aussi un nom commun, aussi bien en grec qu'en latin, et désigne un oiseau comme la mésange).

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