Étymologie :
Étymol. et Hist. 1800 ornith. (Daudin, Ornithol., II, 23 ds DG). Composé du gr. γ υ ́ ψ, γ υ π ο ́ ς « aigle, oiseau de proie » et de α ̓ ε τ ο ́ ς « aigle ».
Afin d'amorcer l'interprétation symbolique de cet oiseau, vous pouvez lire la définition qu'en donne le CNRTL.
Autres noms : Gypaetus Barbatus ; Casseur d'os ; Phène des Alpes ; Vautour des agneaux.
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Zoologie :
Avril 2022 :
Anecdote historique :
Dans La Tortue d'Eschyle et autres morts stupides de l'histoire (Éditions des Arènes, 2012 ; Édition revue et augmentée Taillandier, 2019), Bruno Léandri (un des co-auteurs avec David Alliot, Philippe Charlier, Olivier Chaumelle, Frédéric Chef et Bruno Fuligni, nous relate la mort du célèbre dramaturge :
Par une faveur du hasard, une des plus anciennes morts stupides de l'histoire peut aussi prétendre à une des plus hautes places sur le podium de l'absurde funèbre, tant ses circonstances relèvent d'une conjecture improbable. Seconde particularité et non la moindre, si la vie du tragédien athénien Eschyle est incomplètement connue, parsemée de zones d'ombre et d'épisodes confus, sa mort, même si sa date en reste incertaine, a été détaillée en long et en large dans la plupart des tentatives de biographie de l'auteur des Perses. En voici la version la plus commune : invité par le roi de Syracuse, Hiéron, Eschyle se rend en Sicile en 456 av. J.C. Il se promène un jour aux alentours de la ville de Gela, s'assoit pour contempler le paysage lorsqu'un rapace vole au-dessus de lui, cherchant un endroit approprié pour y lâcher de très haut sa proie : une tortue, dont il faut briser la carapace pour se repaître du contenu. De son œil perçant, l'oiseau repère alors un magnifique rocher rond et clair : il lâche le reptile avec une grande précision, lequel vient s'éclater sur le crâne chauve du tragédien, qui meurt sur le coup. La plus belle des variantes vient de Pline l'Ancien, qui raconte dans son Histoire naturelle (X, 3, 2) qu'un oracle avait fait à Eschyle, peu de temps auparavant, une sombre prédiction : il lui avait assuré qu'il mourrait de la chute d'une maison. Notons qu'Eschyle se trouvait alors dans les environs de l'Etna, dont les caprices telluriques étaient largement connus du monde antique, et que l'effondrement inopiné d'une bâtisse à la suite d'une secousse volcanique n'avait rien d'invraisemblable. C'est donc pour échapper à ce funeste sort que le poète passait le plus clair de sa vie dehors, se rendant ainsi d'autant plus facilement repérable par un rapace. Et sa prie particulière rendit conforme la prédiction de l'oracle.
Confrontée à la science, l'anecdote n'est pas non plus complètement dénuée de vraisemblance. Il existe un rapace alors commun en Sicile, le gypaète barbu, dont le mode d'alimentation très connu des ornithologistes consiste à prélever sur les cadavres d'animaux les os creux, crâne, fémur, etc., et à les briser en les projetant de haut sur un rocher, afin d'en manger le contenu. Alors, l'histoire est-elle vraie ? Des générations de tragédiens, de gypaètes et de tortues attendent la réponse à cette question. Une chose est sûre : dans les biographies les plus sérieuses, si le lieu est retenu, si la date reste approximative à deux ans près, l'histoire est toujours donné comme une légende. Une autre chose est sûre : depuis Pline l'Ancien, elle a régulièrement été rapportée, des recueils factuels de Valerius Maximus au 1er siècle, au lexique de Suidas au Xe siècle, ce qui n'en fait pas une légende urbaine ou rurale pour autant, mais témoigne au moins du fait que l'anecdote plaît à tous les auditoires. Heureusement pour les chauves, l'aire de répartition des gypaètes s'est considérablement restreinte.
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Symbolisme :
Selon un article de Richard Schittly publié le 02 janvier 2018 dans Le Monde et intitulé : "Le gypaète barbu de retour dans les Alpes", le gypaète barbu est un :
« Symbole de maléfice »
Le plus grand vautour d’Europe, dont l’envergure peut atteindre trois mètres, fascine. Sa façon de lâcher du ciel les os d’animaux morts, pour les ouvrir tels des noix, lui a valu le surnom de « casseur d’os ». Mais de terribles légendes lui sont aussi attribuées, comme celles de pousser les vaches dans les précipices ou d’enlever les enfants.
Une loi de 1902 pour défendre les « animaux utiles » avait dressé la liste des présumés « nuisibles », dont ce rapace barbu, et accordait des primes à ceux qui rapportaient sa dépouille ou ses œufs. Résultat : en 1920, l’oiseau était éradiqué des Alpes françaises.
« On le trouve dans de vieux textes : chez Pline l’Ancien, il est symbole de maléfice ; au XIXe siècle, les chasseurs allemands l’appellent à tort le “vautour des agneaux” ; des vétérinaires français ont cru qu’il mangeait les vaches du fait d’os trouvés à l’autopsie dans son estomac, une erreur scientifique colossale », relate Jean-François Terrasse, 83 ans. Pharmacien à Paris, cet ancien directeur scientifique du WWF a fait partie des pionniers bien décidés à sauver le gypaète.
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Selon le site http://www.gypaete-barbu.com/ :
Avec son physique si particulier et sa grande envergure, nos ancêtres ont prêté au Gypaète des pouvoirs démoniaques. Ils le considéraient comme une bête féroce, sans fierté ni courage, et représentant un danger pour les troupeaux et l’Homme ! Son cercle rouge autour de l’œil était le signe du démon et son poitrail dégoulinant était la preuve, selon nos ancêtres, qu’il se baignait dans le sang de ses victimes !
[...] C’était bien sûr ignorer que le Gypaète ne se nourrit presque qu’exclusivement d’os remplissant ainsi un rôle de nettoyeur des montagnes et qu’il a l’habitude de colorer son poitrail de boue rouge pour montrer aux autres Gypaètes qu’il est maître de son territoire !
Quant au site https://www.wwf.ch/ , il précise que le gypaète barbu a été :
Soupçonné à tort : Le gypaète barbu n'a aucunement peur des ruminants sauvages et domestiques. S'il trouve des pelages de cadavres d'animaux, il les ramène dans son nid pour le capitonner. Ce sont ces pratiques qui lui ont valu la réputation de ravisseur d'animaux. L'homme s'est employé à lutter contre cet animal qu'il considérait comme nuisible, au moyen de pièges, d'appâts empoisonnés et en détruisant les nids – et donc en éliminant les oisillons – ou tout simplement en l'abattant.
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Contes traditionnels :
Balta Jutar (d'après une légende kirghize)
Tchomotoy était son nom. Il était grand et grand chasseur d'oiseaux. Si habile il était devenu, qu'il parlait lui-même leur langage. Tchomotoy était ce jour-là assis devant sa maison, occupé à affûter sa grande hache. Le magnifique Gypaète barbu, étincelant de son poitrail de braise vint se poser auprès du grand chasseur d'oiseaux.
- Oh là, Tchomotoy ! J'en ai assez ! On 'affuble toujours du nom de vautour comme ces méprisables charognards mangeurs de viande pourrie et puante, moi qui n'avale que d'énormes et superbes os, les brisant même parfois en les lançant du haut des airs sur quelque roche. Tchomotoy, chasseurs d'oiseaux, baptise-moi, donne-moi un beau nom qui me ressemble...
- Est-ce que je sais, moi ? répondit Tchomotoy ; laisse-moi affûter ma hache.
- Tchomotoy, chasseurs d'oiseaux, baptise-moi, donne-moi un beau nom qui me ressemble...
Toujours le Gypaète revenait à la charge, encore et encore...
A la fin excédé, Tchomotoy lui lança en plein visage la hache qu'il affilait si soigneusement. Notre Gypaète ouvrit grand le bec, et d'une seule bouchée, avala la hache entière, fer et manche à la fois.
- Par le diable, lui dit Tchomotoy le chasseur d'oiseaux, tu as avalé la hache d'une seule bouchée, fer et manche à la fois, tu seras désormais Balta Jutar, Avale Hache.
Et maintenant, et toujours, Balta Jutar, Avale Hache, n'est pas peu fier de ce beau nom qui lui ressemble, donné par Tchomotoy, le chasseur d'oiseaux.
Le Boulanger et le Trencalos (d'après une légende catalane)
En ce temps-là le Gypaète était boulanger et vêtu comme vous et moi. mais hélas c'était un boulanger fort malhonnête qui trompait sa clientèle sur tous les points. Tantôt, il rallongeait la farine, tantôt sa balance à peser les pains se trouvait un peu faussée... oh, toujours dans le même sens ; tantôt...
Ce jour-là, il avait décidé de gruger encore son monde en faisant de deux fournées une seule... Pour cuire en une fois tant et plus de pain, il chargea son four de bon bois sec... jusqu'à la gueule ! Tant et tant que, éclatant, rugissant de braise rouge et de flamme orangée le four explosa à la face du boulanger mauvais... Et le maudit fut transformé en grand oiseau, condamné à se nourrir des restes d'os abandonnés par les vautours. Cependant, il lui reste de l'explosion du four, les deux braises ardentes qui lui ont sauté aux yeux et le poitrail brûlé, couleur des flammes orangées qui lui ont léché la poitrine.
Contes extraits de Mille ans de contes, (Éditions Milan, 19) écrits par Louis-M Espinassou,
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