Étymologie :
HARFANG, subst. masc.
Étymol. et Hist. [1760 comme mot suéd. harfaong (Brisson, Ornithologie, t. 1, p. 522)] 1770 (Buffon, Histoire naturelle des oiseaux, t. 1, p. 387). Empr. au suéd. harfång, de même sens.
Lire également la définition du nom harfang afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Symbolisme :
Selon Ted Andrews, auteur de Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (Édition originale, 1993 ; traduction française, Éditions Dervy, 2017), le Harfang des neiges répond aux caractéristiques suivantes :
Mon dernier exemple est celui de la magnifique chouette harfang (ou harfang des neiges). Elle est plus grande que le grand-duc, mais elle se fait surtout remarquer par sa couleur blanche. On la trouve dans la toundra arctique, mais elle migre aussi loin au Sud que nécessaire pour trouver de la nourriture.
La plupart des chouettes chassent la nuit, mais, comme le hibou des marais, la chouette harfang est à l'aise tant le jour que la nuit. Elle peut chasser en plein soleil ou dans l'obscurité la plus totale. Elle a en outre une capacité unique à ouvrir et fermer son iris pour l'ajuster à toute intensité lumineuse (ou à son absence).
La chouette harfang chasse principalement en se postant quelque part et en attendant. Elle semble chasser paresseusement et donne l'impression de passer le plus clair de son temps à se reposer. C'est loin d'être la vérité. Elle conserve son énergie et observe continuellement pour passer à l'action chaque fois qu'une occasion se présente. Cette aptitude à savoir attendre et saisir le bon moment est un des grands enseignements de cette chouette.
Ses proies principales sont le lemming et le lièvre arctique. Ces rongeurs devront être étudiés par ceux qui ont le harfang pour totem. En temps normal, il mange quotidiennement l'équivalent de son propre poids et, comme le hibou des marais, il a le don de se déplacer vers des zones où il aura plus de chances de trouver de la nourriture. Il paraît prévoir instinctivement les périodes de famine et, ainsi, est en mesure de migrer au bon moment, et de revenir pareillement. Ce type d'instinct prophétique fait partie de ce qu'il a à vous apprendre. La chouette harfang possède le pouvoir de la prophétie et de l'esprit.
Quand le harfang des neiges migre vers un nouveau territoire, il n'y proclame pas sa présence. Il y arrive discrètement et vaque tranquillement à ses affaires. C'est l'une des clés de sa réussite et il pourra vous apprendre à en faire autant. Quand il marche, ses serres sont rétractées dans ses pieds bien emplumés. De nouveau, cela traduit son caractère non menaçant en dépit de sa puissance et de ses capacités. Il accomplit ses tâches grâce à ses aptitudes et au choix du bon moment, mais sans recours à l'intimidation. La vraie force est gentille et c'est ce que cette chouette peut vous transmettre.
Enfin, le harfang des neiges est un oiseau très doué au jeu de la survie. Même les jeunes sont capables de filer, de courir, de nager, voire de faire les morts si nécessaire, en adoptant une posture quasi léthargique. Cet oiseau paraît posséder la force et le pouvoir du grand-duc, tout en manifestant le tempérament de la chouette rayée. Et par-dessus tout, elle a les dons, le courage et les aptitudes du hibou des marais.
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Sur le site du Ministère de la justice du Québec, on apprend que :
LE HARFANG DES NEIGES,
Le plus imposant hibou du nord n'est pas le plus familier des oiseaux du Québec, mais il est sans contredit l'un des plus beaux d'Amérique.
En 1987, l'Assemblée nationale lui conférait le titre d'emblème aviaire du Québec. Le harfang symbolise la blancheur des hivers québécois, l'enracinement dans un climat semi-nordique et l'extension sur un très vaste territoire.
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Mythologie :
Selon Vladimir Randa, auteur de l'article intitulé "Cornus versus dentus et autres modalités d’association des animaux dans l’imaginaire inuit" (paru en 2017 dans Études Inuit Studies, n°41 (1-2), pp. 51–71) :
Le mariage impossible entre deux animaux, irrémédiablement voué à l’échec en raison de leurs modes de vie trop divergents, est un autre thème récurrent de la mythologie inuit. L’intrigue est construite autour des oppositions prédateur/proie et sédentaire migrateur. Chaque couple appartient à la même catégorie vernaculaire (mammifères pisuktiit, oiseaux tingmiat, poissons iqaluit) mais les partenaires sont trop différents pour que leur union puisse se poursuivre durablement.
La relation proie/prédateur est inversée dans le couple formé par un lièvre (ukaliq et par une renarde (tiriganiaq) : l’herbivore se trouve dans l’incapacité d’assumer son rôle de pourvoyeur de gibier et finit par pousser son épouse à le quitter (Rasmussen 1930b, 13-14).
Éperdument amoureux de son épouse omble chevalier (iqaluk), le chabot (kanajuq) ne parvient pas à se faire à la vie dans un lac où elle a l’habitude de remonter pour passer l’hiver et où il a tenu absolument à l’accompagner, malgré ses mises en garde (Rasmussen 1931, 397)17.
Lui aussi profondément épris de son épouse la bernache (nirliq), un corbeau (tulugaq) sédentaire et terrestre finit par périr en mer à force de s’obstiner à vouloir l’accompagner dans sa migration annuelle (Rasmussen 1930b, 17-20). Il existe des variantes : le rôle de l’époux peut être tenu par le harfang (ukpik) (Rasmussen 1932, 215-216) et celui de l’épouse par l’eider (mitiq) (Saladin d’Anglure 1976, 131) ou par l’oie des neiges (kanguq) (Rasmussen 1931, 400), les deux derniers étant considérés dans la taxinomie vernaculaire comme parents (ilagiit) de la bernache. En théorie, d’autres oiseaux apparentés pourraient jouer le rôle de l’épouse migratrice. Ceci nous conduit à examiner une autre façon de représenter les relations entre deux animaux, à savoir comme des doubles, procédé auquel l’imaginaire a souvent recours.
[...]
Le thème de la duperie réunit, entre autres protagonistes, un rapace (harfang des neiges, ukpik) et un rongeur (lemming, avinngaq). Empêchant le lemming de regagner son terrier, certain de pouvoir le dévorer, le harfang se fait duper par celui-ci qui réussit à lui échapper. Présentant un profil comparable, bien que de morphologie différente et de taille plus grande, dans certains récits le spermophile (siksik) prend la place du lemming (Rasmussen 1931, 398).
Dans une version alaskienne, le grand corbeau (tulugaq) joue le rôle du harfang et la marmotte (ou spermophile ?) celui du lemming (Nelson 1899, 514). Si la filiation entre le lemming, le spermophile et la marmotte est évidente, elle l’est moins en ce qui concerne le harfang et le corbeau. L’un est un oiseau de proie, l’autre un cleptoparasite et un charognard. Mais il est vrai qu’ils partagent le même lien à l’espace terrestre, encore amplifié par leur caractère sédentaire : ni l’un ni l’autre ne sont contraints de fuir les rigueurs de l’hiver arctique. [...]
Le plongeon a lui aussi un double en la personne du harfang dont le plumage est, sur fond blanc, plus ou moins tacheté (Boas 1964, 233).
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Jean-Marc Vercruysse, dans "Le corbeau, survol d’un oiseau outrenoir dans le ciel biblique." (paru dans la Revue L'Entre-Deux, n°3, juin 2018) précise le lien entre le corbeau et le harfang :
Dans la civilisation inuit, au commencement était la nuit à moins que l’humanité n’ait été submergée par une pluie diluvienne, selon les versions. Toujours est-il que le monde était plongé dans de profondes ténèbres. S’engage alors un dialogue entre un grand corbeau et un renard polaire, le premier se plaignant de l’obscurité qui l’empêche de voler sans se heurter tandis que le second se complaît dans la pénombre pour trouver sa nourriture. Le renard ne réclame rien d’autre que la nuit tandis que le corbeau demande qu’apparaisse la lumière. D’aucuns interprètent le terme qau (ka-ou), qui signifie « lumière » en inuktitut, comme l’onomatopée du croassement du corbeau. De cette lutte verbale, le corbeau sort vainqueur puisqu’il impose que la lumière trouve sa place auprès de l’obscurité. Le mythe renferme une forte valeur étiologique. Il explique l’alternance des jours et des nuits. Il souligne le rôle positif de la lumière dans la cosmogenèse et l’importance accordée à la parole créatrice. Avec l’harfang des neiges, le corbeau est l’un des rares oiseaux à ne pas migrer vers le sud et à demeurer dans l’Arctique durant tout l’hiver, mais son règne domine pendant l’été quand la lumière est quasiment continue.
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Contes et légendes :
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Littérature :
Dans Les Indes noires (188), Jules Verne imagine un personnage accompagné d'un animal quasiment totem, plutôt inquiétant de prime abord :
Autrefois, avant l’invention de la lampe de sûreté, Simon Ford avait connu cet homme farouche, qui, au risque de sa vie, allait chaque jour provoquer les explosions partielles du grisou. Il avait vu cet être étrange, rôdant dans la mine, toujours accompagné d’un énorme harfang, sorte de chouette monstrueuse, qui l’aidait dans son périlleux métier en portant une mèche enflammée là où la main de Silfax ne pouvait atteindre. [...]
[...]
— Bien tristes ! répondit Simon Ford, entre ce sauvage et son harfang, non moins sauvage que lui ! Car, bien sûr, il n’est pas mort, cet oiseau ! Ce ne peut être que lui qui a éteint notre lampe, lui qui a failli couper la corde à laquelle étaient suspendus Harry et Nell !…
[...]
— [...] Grand-père avait pour compagnon un oiseau farouche, un harfang, qui d’abord me fit horreur ; mais cet oiseau, malgré la répulsion qu’il m’inspirait, me prit en une telle affection, que je finis par la lui rendre. Il en était venu à m’obéir mieux qu’à son maître, et cela même m’inquiétait pour lui. Grand-père était jaloux. Le harfang et moi, nous nous cachions le plus que nous pouvions d’être trop bien ensemble ! Nous comprenions qu’il le fallait !…
[...]
— [...] Enfin, il y a trois mois, dans un accès de démence sans nom, il me descendit dans l’abîme où vous m’avez trouvée, et il disparut, après avoir vainement appelé l’harfang, qui resta fidèlement près de moi. Depuis quand étais-je là ? je l’ignore ! Tout ce que je sais, c’est que je me sentais mourir, quand tu es arrivé, mon Harry, et quand tu m’as sauvée ! Mais, tu le vois, la petite-fille du vieux Silfax ne peut pas être la femme d’Harry Ford, puisqu’il y va de ta vie, de votre vie à tous !
[...]
Il était trop tard pour fuir ! Le vieux Silfax était là, prêt à accomplir sa dernière menace, prêt à empêcher le mariage de Nell et d’Harry, en ensevelissant toute la population de Coal-city sous les ruines de la houillère.
Au-dessus de sa tête, volait son énorme harfang, dont le plumage blanc était taché de points noirs.
Mais alors, un homme se précipita dans les eaux du lac, qui nagea vigoureusement vers le canot.
C’était Jack Ryan. Il s’efforçait d’atteindre le fou, avant que celui-ci n’eût accompli son œuvre de destruction.
Silfax le vit venir. Il brisa le verre de sa lampe, et, après avoir arraché la mèche allumée, il la promena dans l’air.
Un silence de mort planait sur toute l’assistance atterrée. James Starr, résigné, s’étonnait que l’explosion, inévitable, n’eût pas déjà anéanti la Nouvelle-Aberfoyle.
Silfax, les traits crispés, se rendit compte que le grisou, trop léger pour se maintenir dans les basses couches, s’était accumulé vers les hauteurs du dôme.
Mais alors le harfang, sur un geste de Silfax, saisissant dans sa patte la mèche incendiaire, comme il faisait autrefois dans les galeries de la fosse Dochart, commença à monter vers la haute voûte, que le vieillard lui montrait de la main.
Encore quelques secondes, et la Nouvelle-Aberfoyle avait vécu !…
À ce moment, Nell s’échappa des bras d’Harry.
Calme et inspirée tout à la fois, elle courut vers la rive du lac, jusqu’à la lisière des eaux.
« Harfang ! Harfang ! cria-t-elle d’une voix claire, à moi ! Viens à moi ! »
L’oiseau fidèle, étonné, avait hésité un instant. Mais soudain, ayant reconnu la voix de Nell, il avait laissé tomber la mèche enflammée dans les eaux du lac, et, traçant un large cercle, il était venu s’abattre aux pieds de la jeune fille.
Les hautes couches explosives dans lesquelles le grisou s’était mélangé à l’air, n’avaient pas été atteintes !
Alors un cri terrible retentit sous le dôme. Ce fut le dernier que jeta le vieux Silfax.
À l’instant où Jack Ryan allait mettre la main sur le bordage du canot, le vieillard, voyant sa vengeance lui échapper, s’était précipité dans les eaux du lac.
« Sauvez-le ! sauvez-le ! » s’écria Nell d’une voix déchirante.
Harry l’entendit. Se jetant à son tour à la nage, il eut bientôt rejoint Jack Ryan et plongea à plusieurs reprises.
Mais ses efforts furent inutiles.
Les eaux du lac Malcolm ne rendirent pas leur proie. Elles s’étaient à jamais refermées sur le vieux Silfax.
[...]
En tout cas, un oiseau, qui semblait devoir atteindre une longévité extraordinaire, c’était le harfang du vieux Silfax. Il hantait toujours le sombre domaine.
Mais après la mort du vieillard, bien que Nell eût essayé de le retenir, il s’était enfui au bout de quelques jours. Outre que la société des hommes ne lui plaisait décidément pas plus qu’à son ancien maître, il semblait qu’il eût gardé une sorte de rancune particulière à Harry, et que cet oiseau jaloux eût toujours reconnu et détesté en lui le premier ravisseur de Nell, celui à qui il l’avait disputée en vain dans l’ascension du gouffre.
Depuis ce temps, Nell ne le revoyait qu’à de longs intervalles, planant au-dessus du lac Malcolm.
Voulait-il revoir son amie d’autrefois ? Voulait-il plonger ses regards pénétrants jusqu’au fond de l’abîme où s’était englouti Silfax ?
Les deux versions furent admises, car le harfang devint légendaire, et il inspira à Jack Ryan plus d’une fantastique histoire.
C’est grâce à ce joyeux compagnon qu’on chante encore dans les veillées écossaises la légende de l’oiseau du vieux Silfax, l’ancien pénitent des houillères d’Aberfoyle.
Fin
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