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Le Melon

Dernière mise à jour : 29 sept.




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1. Ca 1256 bot. (Aldebrandin de Sienne, Rég. du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, 51, 10 : fera une decoction de violetes, de poumes de semence de cahoides, de melons, de citroles, d'ierbes froides) ; 2. a) 1827 « imbécile » (Granval, Vice, p.104) ; b) 1833 « tête » (d'apr. Esn.) ; c) 1830-38 « élève de la première année de Saint-Cyr » (d'apr. Titeux, op. cit., p. 328) ; 3. 1877 « chapeau d'homme de forme ronde et bombée » (A. Daudet, Nabab, p. 139) ; 1880 chapeau-melon (Journal des dames et des demoiselles, 2e node déc., 41 a ds Quem. DDL t. 16) ; 4. 1962 « arabe » (Lanly, p.51). Du b. lat. melonem, acc. de melo « fruit d'une sorte de cucurbitacée », abrév. du lat. class. melopepo « id. », lui-même issu du gr. μ η λ ο π ε ́ π ω ν « id. » (comp. de μ η λ ο ν « pomme » et de π ε ́ π ω ν « cuit par le soleil, mûr »). Il n'est pas possible de savoir si le mot a toujours été connu ou s'il a été repris au lat. (cf. aussi l'ital. mellone et l'esp. melón « id. », v. FEW  t. 6, 1, p. 685a). Le sens d'« imbécile », prob. issu de celui de « tête », lui-même issu d'une métaph. usuelle sur les noms de fruits (cf. citron, fraise, pomme...), a donné lieu p. ext. (avec en plus la notion de « débutant ») au sens 2 c (cf. Esn. et Cellard-Rey). L'emploi de melon au sens d'« arabe » est obscur, Cellard-Rey propose l'hyp. d'une métaph. sur la coiffure (calotte, chéchia).


Lire également la définition du nom melon pour amorcer la réflexion symbolique.

 

Expressions populaires : D'après Yvonne Hsieh, auteure d'un article intitulé "Roman picaresque, exotique et ethnographique : Le complexe de Di de Dai Sijie." paru dans Voix plurielles, 2005, vol. 1, n°2 :


L’appétit vorace du Juge n’est évidemment pas sans rapport avec son étrange obsession sexuelle. Après le premier échec de sa rencontre avec le Juge Di, Muo se voit accorder une deuxième chance grâce à l’intervention d’un ami. Au lieu de 10 000 dollars américains, le Juge exige la livraison d’une vierge : « Une fille qui n’a pas encore perdu sa virginité, dont le melon rouge n’a pas encore été fendu » (104). Le « melon rouge fendu » est une expression vulgaire utilisée en chinois pour désigner la défloration d’une vierge. L’image est surtout visuelle mais il y a naturellement une association gastronomique. Le Juge Di n’exige pas une vierge uniquement pour le plaisir – il est marié, et un homme aussi riche et puissant que lui trouverait facilement des maîtresses.

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Botanique :


Sur l'origine du melon, lire l'article de Michel Pitrat, "Le melon, toute une histoire ! " 2014. ffhal-01312109f

 

Selon Jean-Marie Pelt, auteur d'un ouvrage intitulé Des Légumes (Éditions Fayard, 1993) :


Fruit ou légume, le melon ? Les deux, tout dépend de l'usage.

Le melon est originaire d'Afrique australe ; c'est l'unique légume originaire du sud du continent africain. On y trouve encore aujourd'hui des fruits guère plus gros qu'une pomme , poussant près des oasis ou autres points d'eau. L'étymologie du nom remonte d'ailleurs à la pomme : mêlon, en grec, et malum en latin. Étrange légume, en vérité, qu'on sert au début des repas, mais qui devient fruit lorsqu'on le sert en dessert.

Le melon a effectué un long périple depuis ses lointaines origines, les sélectionneurs ayant entrepris d'en grossir les fruits et d'en augmenter la saveur sucrée. Ce travail de sélection s'est pour l'essentiel produit en Asie où l'on trouve une multiplicité de formes de melon, notamment en Inde, en Iran et en Chine. Il gagne l'Égypte au Ve siècle avant notre ère, et c'est là que furent produits des fruits plus gros, plus sucrés, ou moins amers. Puis l'histoire du melon connaît une éclipse de plus d'un millénaire ; on sait simplement qu'il n'est pas passé de la Rome antique à la Gaule ; il ne fait son apparition chez nous qu'au XVe siècle, lorsque le roi Charles VIII le rapporte de ses campagnes italiennes, en 1495. Il s'agissait d'un melon fraîchement enté en Italie par les soins de missionnaires arméniens et cultive dans la propriété des papes à Canta Lupi, d'où son nom de « melon cantalou ». C'est ce melon, d'introduction récente, qui connut un vaste succès. Le melon fit d'ailleurs une entrée remarquée dans l'histoire pontificale puisque le pape Paul II mourut en 1471, à 54 ans, foudroyé par une indigestion due à une consommation intempestive de melons ; le pape Clément VIII connut le même sort fatal en 1605. Avant eux, Albert II, empereur d'Autriche, avait subi la même avanie qui l'emporta en 1358 ; et Henri IV lui-même en fit une terrible indigestion, mais en réchappa, tout comme Louis XIV, grand amateur de melons.

Ces accidents réitérés firent naturellement au melon une très fâcheuse réputation. On lui reprocha d'avoir tué au bas mot 4 empereurs et 2 papes. On croyait même que les melons se gâtaient lorsqu'ils étaient cultivés à côté des courges ; plus un melon poussait à côté d'une courge, plus il avait la réputation d'être mauvais - fait qui n'a pas été vérifié scientifiquement à ce jour.

Acclimaté dans le Comtat venaissin, on le trouve à Cavaillon en 1495. En 1864, la municipalité de cette ville se vit offrir par Alexandre Dumas la totalité de ses œuvres, soit 194 volumes, moyennant un don modeste de 12 melons chaque année... Cavaillon, patrie du melon, s'enorgueillit aussi de posséder une confrérie des chevaliers du Melon.

Le catalogue des variétés de melons est ample et ambitieux ; André de Vilmorin en cite déjà plusieurs variétés en 1778, et pas moins de 65 en 1883. A la frontière du fruit et du légume, le melon a de fortes teneurs en eau, mais sa valeur alimentaire tient aux 6% à 8% de sucres contenus dans sa pulpe. En région aride, le melon - et plus encore le melon d'eau ou pastèque - est une véritable « pompe végétale » susceptible de mettre en réserve des quantités appréciables d'eau. Aussi sa présence signifie-t-elle l'existence d'eau dans le sol, faisant du melon et de toues les cucurbitacées, ses cousines, de précieux indicateurs écologiques.

Et come ces fruits croissent souvent en zones arides, la nature prend grand soin d'envelopper les graines dans une tunique coriace, imperméable, pour éviter un excès de déshydratation. D'où le nom de baie cortiquée - baie à écorce - donné au melon et autre péponides.

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Usages traditionnels :


Magdalena Koźluk, autrice de "Se nourrir et se soigner : jardin et médecine pratique aux XVIe et XVIIe siècles." (In : Seizième Siècle, N°8, 2012. Les textes scientifiques à la Renaissance. pp. 209-225 rappelle la mauvaise réputation initiale du melon :


Certaines anecdotes racontées par les médecins, visent franchement à avertir sinon à terrifier le consommateur potentiel. C’est ainsi que certaines plantes du jardin deviennent elles-mêmes, les dramatis personæ d’un vrai théâtre d’horreur. Les champignons par exemple « ne sont bons qu’à estre jettez par la fenestre sans en gouster » et servent avant tout comme poisons efficaces. [...]

C’est encore pire dans le cas du melon. D’abord, froid de nature et plutôt de difficile digestion, il humecte beaucoup et engendre un suc grossier. Pour convaincre ses lecteurs, Guy Patin rapporte deux histoires en citant leurs auctores :

Platine nous apprend en son histoire des Papes, que Paul second fut surpris sur les deux heures de la nuict d’une apoplexie, de laquelle il estouffa soudainement, estant seul en sa chambre, ne se plaignant d’aucun mal le jour d’auparavant ; de laquelle mort on ne trouva aucune cause apparente, sinon qu’à son dernier souper il avoit mangé deux grands melons entiers ; ce qui arriva l’an 1471. Plusieurs Empereurs et autres grands personnages sont morts pour mesme cause. Munster in Chron. Raconte qu’Albert d’Autriche, Empereur d’Allemagne, se trouvant las et fatigué en son voyage d’Hongrie, mangea d’un melon pour estancher sa soif, en suitte dequoy il tomba en un flux de ventre duquel il mourut. De mesme cause mourrurent deux autres Empereurs, sçavoir Frideric iii et Henry viii. Cardan dit qu’il faudroit tout à faict chasser et exterminer telle sorte de fruict, pour trois raisons : 1. pource qu’ils rafraichissent trop ; 2. pource qu’ils humectent trop ; 3. pource qu’ils se corrompent trop aysément dedans l’estomach.

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Serge Schall, auteur de Histoires extraordinaires de plantes et d'hommes (Éditions La Source Vive, 2016) consacre un article au melon :


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Croyances populaires :


Adolphe de Chesnel, auteur d'un Dictionnaire des superstitions, erreurs, préjugés, et traditions populaires... (J.-P. Migne Éditeur, 1856) propose la notice suivante :


MELON. En Perse, les jardiniers observent celle singulière pratique Quand les melons sont arrivés à la grosseur d'une noix, les femmes et les enfants de ces cultivateurs se mettent à terre pour passer deux ou trois fois le fruit dans leur bouche, et en enlever ainsi le duvet qui empêcherait, selon eux, qu'il devint doux et mûrit convenablement.

Les gens à recettes indiquaient jadis la suivante pour se procurer de bons melons : On faisait infuser la semence, pendant deux jours, dans un sirop composé de framboises, de cardamomum, de deux grains de musc et d'autant d'ambre gris.

Autrefois on accusait le melon de donner la fièvre lorsqu'on en mangeait vers la fin du mois de septembre, el ce préjugé était si généralement accueilli, que la police elle-même ne permettait pas que ce fruit parût à cette époque sur les marchés. La vérité est que particulièrement il n'est pas plus dangereux dans un temps que dans un autre, mais comme des fièvres se manifestent fréquemment après l'équinoxe d'automne, il a pris fantaisie de les attribuer en partie à l'usage du melon, quoique beaucoup de personnes atteintes du mal n'en aient peut-être pas mangé.

 

Selon Ana M. Cabo-González, « Quand les propriétés des plantes défiaient l’entendement », paru dans Annales islamologiques [En ligne], 51 | 2017 :


Toutefois, les femmes réglées ont parfois une influence négative et très nuisible sur les plantes. Pour certains auteurs comme Columelle, cette influence affecte seulement certaines plantes et non toutes, et pour d’autres comme Pline, cet effet néfaste se propage à toutes les plantes en général. Cette croyance remonte dans le temps et passe par différentes cultures pour atteindre al-Andalus, où nous lisons qu’Ibn al-ʿAwwām recommande qu’une femme dans cet état ne s’approche pas des domaines. Surtout, elle ne doit pas s’approcher des oliviers, spécialement ceux qui sont nouvellement plantés. Al-Qazwīnī, à propos du melon (baṭṭīḫ, Cucumis melo L.), dit que la femme qui est réglée et qui traverse un terrain planté de melons provoque un changement de saveur de tous les fruits ; de la même manière, si le terrain est planté de concombres (qiṯṯāʾ, Cucumis sativus L.), ces fruits deviennent amers.

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Symbolisme :


Henri Leclerc retrace pour nous l' « Histoire du melon » [Communication de M. le docteur Henri Leclerc à la 15e séance de la Société d'Histoire de la Pharmacie]. In : Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie, 12ᵉ année, n°43, 1924. pp. 400-407 :


A l'encontre des esprits chagrins qui, on ne sait trop pourquoi, veulent faire du melon le symbole de la stupidité, d'autres l'ont considéré comme une des œuvres de la Nature où s'affirme le plus la sagesse de la Providence. Bernardin de Saint-Pierre faisait remarquer qu'étant divisé par côtes, il semblait destiné à être mangé en famille ; La Bruyère-Champier voyait dans la rapidité avec laquelle il se corrompt un emblème salutaire de la fragilité des biens de ce monde : nul doute que Garo ne louât le Créateur de l'avoir fait ramper sur le soi, comme sa sœur la citrouille, au lieu de le jucher au haut d'un chêne. Plus anciennement encore, nous voyons les Hébreux rendre hommage à ses vertus bienfaisantes : torturés par la faim et par la soif, pendant leur exode à travers les sables brûlants du désert, ils se souvenaient avec émotion des melons (abat-tichim) qui abondaient en Egypte. D'où l'on admet généralement qu'ils avaient été importés de l'Inde par les Arabes.

 

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Le melon, qui, selon les musulmans, a sa place au paradis, symbolise la génération à cause de ses nombreuses semences. Cependant il ne faut pas en semer en présence d'une femme, surtout si elle est enceinte, car ils seraient immangeables ou ne grossiraient pas.

Pour avoir de beaux melons, on mélangera pendant deux jours ses graines à un sirop de framboise et à deux grains de musc et d'ambre gris.

Autrefois, il était vivement déconseillé de manger du melon à la fin du mois de septembre, au risque de souffrir de la fièvre. Ainsi, la police interdisait-elle la présence de ce fruit sur les marchés à cette époque.

En Perse, lorsque les melons avaient atteint la taille d'une noix, les jardiniers ordonnaient à leurs femme et enfants de s'agenouiller et de mettre eux ou trois fois le fruit dans leur bouche afin d'en enlever le duvet pour qu'il mûrisse bien.

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Moustapha SALL et Et Oumy MBAYE, dans un article intitulé "Le patrimoine culturel et culturel Lebou en milieu urbain dakarois (Cap-Vert, Senegal)." paru dans O Ideário Patrimonial, 2017, vol. 8, p. 6-20 raconte le déroulement d'une cérémonie traditionnelle toujours actuelle :


Le Boofal : Le « Boffal » est une cérémonie culturelle et religieuse qui précède l’investiture d’un nouveau chef de la collectivité (Grand Serigne). Avant son intronisation, ce dernier est assigné dans la résidence du grand « soumbar (5) » pendant une huitaine de jours, afin de lui rappeler les devoirs inhérents à sa charge et le rendre mystiquement invulnérable. L’initiation comprend des prières spécifiques, des formules et incantations sacrées, des enseignements, bains rituels, offrandes et autres sacrifices. Au terme de cette retraite, qui coïncide toujours à un vendredi, il est purifié par l’ultime bain protecteur devant le génie protecteur du Cap-Vert (Ndeuk Daour). En plus des libations, un melon est écrasé sur sa tête pour que son règne soit aussi frais que l’eau du fruit. Sur la plage, avoir compté un certain nombre de vagues, le postulant est immergé. De retour à la concession du Sumbaar, une cérémonie est organisée, en présence des membres des assemblées Lébou, durant laquelle il reçoit les insignes sacerdotaux du « Grand Serigne de Dakar». Le chef de cérémonie, tout en récitant des versets coraniques, lui enfile autour du cou une amulette. Enfin vient le moment de prestation de serment devant l’iman.

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Symbolisme alimentaire :

Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


Au fond, l'homme qui a envie de Melon dit : "Je suis à la recherche de mon véritable moi, de mon Je authentique..." Inconsciemment, il aspire à se pelotonner comme un fœtus dans son propre giron, pour s'y trouver dans le noyau, pour y naître comme un Je pur au coeur même de son être... "Au secours ! Qui suis-je ?" L'homme qui méconnaît ou néglige son identité, qui se considère comme un zéro, une bulle d'air, peut se sentir anxieux, abandonné, au bord de la panique, une Nullité dans la Nuit noire...

Il devra partir à la recherche de lui-même en rentrant très profondément EN LUI-MÊME... Le Melon indique qu'il fera bien de poursuivre sa quête de son JE Personnel... La Transformation commence. Il trouvera la certitude, la confiance et la joie de son propre je. Si auparavant il s'est trop perdu dans le monde extérieur, s'il a trop cherché l'appui et la certitude auprès des autres, il entamera maintenant le Grand Voyage d'exploration menant à soi-même. Au bout de ce voyage se trouve une profonde paix intérieure, fondamentale.

Le Melon demande de faire une distinction entre le JE et le monde extérieur, entre le JE et autrui, entre le JE et tout ce qui lui est étranger. "Ne t'identifie pas aux gens ou aux choses en dehors de toi (ou ne t'abîme pas dans un état de dépendance envers eux) au point d'être "parti", de ne pas exister... TU es alors introuvable car tu demeures trop dans les choses ou les personnes extérieures à toi ! Deviens d'abord toi-même !", lui dit le Melon, "ferme tes frontières et rentre en toi-même. Définis clairement ton Identité. C'est vital pour Vivre éternellement dans une bonne santé. LÂCHE PRISE par rapport à tout et à tout le monde hors de toi ! Fais retour sur toi-même et trouves-y la puissance énorme de ton être..."

Dans un sens, le Melon est "aveugle" ; il ne possède pas d'yeux, pourrait-on dire, qui donnent sur l'extérieur ; incapable d'ouvrir ses yeux, il regarde la vie autrement. Il s'oblige à voir par d'autres sens, à sentir et à percevoir intuitivement, mais surtout à scruter ses propres profondeurs. Son regard s'infléchit vers l'intérieur. Mais le Melon représente bien plus que cela : il figure la mort de tout ce qui n'est pas pur et authentique. Il confronte l'homme aux strates profondes de son être, à sa partie "morte" et factice, à ce qui l'angoisse, à tout ce qu'il démantèlera en lui. Il représente la sphère de l'homme empêché de fuir dehors, vers le monde des apparences, vers autrui ; il ne peut plus se fuir : le voici forcé à se rapprocher intimement de lui-même, à regarder les choses du monde extérieur d'une tout autre façon.

L'homme en quête de vérité commencera par porter son regard vers l'intérieur afin de pouvoir ensuite démasquer le mensonge à l'extérieur de lui. Il ne s'aveuglera pas sur les mondes superficiels de l'apparence, sur la beauté apparente. Il ne se laissera pas mystifier, séduire... par le monde de l' "apparence" : il ne ferait que s'y perdre et rencontrer le vide, la solitude, le froid, l'anxiété... parce qu'il quitte son Noyau pur et sincère, parce qu'il se délaisse. Le Melon s'adresse à l'home en l'exhortant : "Cesse de te perdre dans ce qui est extérieur à toi... Il est temps de changer ! Ferme les yeux et vient tout près de toi, oriente-toi vers tes profondeurs : c'est là seulement que tu trouveras la solution, la Vie même !" On ne peut naître vraiment à la vie aussi longtemps qu'on se noie dans la superficie du monde extérieur. Le Melon incite l'homme à faire un choix définitif et à rester tout près de son propre JE.

Il se dirige vers le dedans et y trouve la réponse.

A suivre....

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


MELON. — Selon les croyances des Arabes, ce fruit se trouve au paradis, où il signifie que Dieu est un et qu’Ali est un véritable prophète. C’est ce que nous apprend le petit livre Arabia, composé pales deux Maronites Gabriel et Jean Amstelodami, 1633, p. 12) : « Inter cætera esum cucurbitarum suadebat (Ben Sidi Ali), sed melongenarmm (1) cibus supra omnia ei placebat, qui, teste eodem, quem modo laudavimus, authore, hominum sagacia aut imbecilla ingenia ex multo aut exiguo in edendis melongenis amore dimetiebatur, impudenterque hanc fruticem in paradiso deliciarum se vidisse affirmabat, nam cum semel vi esset carcere detentus (inquit Ben Sidi Ali) Gabriel Angelus de coelo descendens illum in deliciarum hortum, quem Gennet elenaam vocant, transtulit, ubi inter coeteras fruticem hanc vidit, poscentique ab Angelo causam propter quam ibi esset consita, respondit, quia Dei unitatem inter coeteras plantas ac te verum esse prophetam confessa est. » Le voyageur romain Sebastiani, du XVIIe siècle, arrivé au mont Carmel, en terre sainte, observa dans un champ des melons devenus comme des pierres, par la malédiction de saint Élie : « Nella sommità del Monte, sopra il Convento è un larghissimo campo, nel quale si trovano veri Meloni impietriti (come dicono) per maleditione di S. Elia, quando il Padrone, per non dargliene pur uno, gli disse ch’eran Pietre, ed egli gli rispose che sarebbero tali. Ne ho veduti e spezzati alcuni, e trovatili veramente meravigliosi. » (Prima spedizione all’ Indie Orientali, Roma, 1666). A cause de leurs nombreuses semences, le melon et le melon d’eau ont été considérés aussi comme des symboles de la génération ; et, comme il arrive souvent dans le langage populaire que ce qui sert à représenter la puissance génératrice exprime en même temps la bêtise, — la courge, la citrouille et le melon, fruits qui se multiplient avec une grande facilité à cause de leurs nombreuses semences, ont donné lieu à d’autres significations moins flatteuses : dans la langue italienne, de zucca on a fait zuccone « tête vide, imbécile » ; aux mots citrouille et citriuolo se rattache l’italien citrullo « sot » ; de même, on dit mellone de quelqu’un qui est bête, et mellonaggine d’une grande bêtise. Nous avons vu, dans la mythologie zoologique, les animaux les plus sensuels passer aussi pour les plus bêtes ; l’âne surtout a subi les conséquences funestes d’une pareille transition de langage.

On ne sait pas s’il s’agit du concombre ou du melon d’eau (en Toscane cocomero ; le nom du concombre est citriuolo), lorsque Porta recommande, pour enlever la fièvre aux enfants, de placer tout autour des petits malades une rangée cucumerorum, qui attireront sur eux-mêmes toute la chaleur de la fièvre. Le melon d’eau joue un certain rôle, à vrai dire quelque peu forcé, dans un conte populaire inédit toscan qui court près des sources du Tibre. Le voici, en résumé : « Il y avait jadis trois pauvres sœurs qui tissaient. Le roi passe par là, et entend de la rue l’une des sœurs qui disait : « Si je pouvais épouser le cuisinier du roi, je mangerais bien » ; la seconde disait : « Je me contenterais du boulanger du roi, pour manger du pain “blanc” » ; la cadette ajoute : « Si le fils Elu roi m’épousait, je lui ferais trois enfants, avec des cheveux d’or et des dents “d’argent”. » Les trois noces se font immédiatement. Les deux sœurs aînées (comme dans le mythe de Psyché, dans le conte de la Belle et la Bête, et dans la légende de Lear) envient leur cadette et se mettent d’accord pour la perdre. Le jeune roi part pour la guerre ; la jeune reine accouche d’un premier enfant aux cheveux d’or, avec les dents d’argent ; on le lui enlève, et on écrit au jeune roi que la reine est accouchée d’un chat mort. La seconde fois, on remplace l’enfant par un morceau de bois ; la troisième, à une petite fille ravissante, on substitue un serpent. Le jeune roi se fâche ; il ordonne d’enfermer la reine dans une prison étroite comme une tombe, et de lui donner à boire de l’eau sale. Les trois enfants sont jetés à la mer dans une boîte. Un jardinier qui allait puiser de l’eau pour arroser son jardin trouve la boîte et l’emporte ; les enfants sont élevés au milieu du jardin et deviennent des jardiniers. Un jour passe par là une bonne petite vieille ; elle loue beaucoup le jardin, en regrettant cependant trois choses qui y manquent : l’eau qui danse, l’arbre qui joue, le petit oiseau qui parle. Les deux garçons partent à la recherche de ces trois choses merveilleuses. Chemin faisant, ils rencontrent le roi tout triste qui va à la chasse pour se distraire. Le roi les observe avec curiosité ; il parle avec eux ; les enfants l’embrassent et l’engagent à les visiter dans leur jardin, et ils continuent leur chemin. Ils rencontrent de nouveau la bonne petite vieille qui leur indique l’endroit où se trouve l’eau qui danse, en les prévenant cependant de ne pas se retourner après avoir puisé l’eau, pour ne pas devenir des statues de pierre. La seconde fois les enfants vont cueillir une feuille de l’arbre qui joue, feuille qui, en tombant dans leur jardin, deviendra en une seule nuit « un arbre qui joue ». La seconde fois encore ils rencontrent le roi et la bonne petite vieille. Enfin ils vont à la recherche du petit oiseau qui parle ; ils rencontrent de nouveau le roi, qu’ils engagent à dîner chez eux pour le lendemain, et la petite vieille qui leur apprend la manière d’attraper le petit oiseau qui parle, qui se trouve déjà sur l’arbre qui joue. Il faudra lui jeter un lacet ; l’oiseau le prendra pour de la nourriture, et ainsi attrapé, il volera sur l’épaule du frère cadet. Le lendemain le roi vient dîner. Le petit oiseau qui parle, placé sur l’épaule du frère cadet, lui dit d’aller cueillir un melon d’eau dans le jardin et de l’apporter au roi, pour qu’il le partage. Le roi coupe le melon ; au lieu de semences il y trouve une masse de pierreries : « Comment, s’écria-t-il, est-il possible qu’un melon d’eau produise des pierres précieuses ? — Et comment, reparut l’oiseau, est-il donc possible qu’une femme accouche d’un chat, d’un morceau de bois et d’un serpent ? Voici tes propres enfants ; va donc délivrer la pauvre reine qui est innocente ; l’envie des deux sœurs a été la cause de tout le mal. » Le roi fut très ému ; il accourut auprès de sa femme, en lui demandant pardon de l’avoir fait tant souffrir, et il ordonna des fêtes de réjouissances ; mais, en même temps, il ordonna de livrer au feu les deux méchantes sœurs envieuses. » (Voir, dans les Mille et une nuits de Galland, une histoire tout à fait semblable, pour le sujet et les détails, sauf le melon : Les deux sœurs jalouses de leur cadette.)


Note : 1) Melongena, en italien melanzana, est plus particulièrement l’aubergine ; mais ici il paraît qu’il s’agit de melons.

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Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


La croyance si répandue à la fascination féminine existe aussi en matière de semailles ; dans le Tarn, il faut se cacher d'une femme quand on sème des melons, ou ils ne seraient pas mangeables.

[...] Les plantes figurent dans les récits comiques : la citrouille couvée par un garçon simple qui la prend pour un œuf d'où un animal doit sortir est populaire en diverses provinces ; en Picardie, c'est un melon.

 

Galina Kabakova, autrice de D'un conte l'autre. (© Flies France, 2018) étudie les contes d'origine qui mettent les plantes à l'honneur :


Un autre motif étiologique qui va impacter le destin de la plante, c’est la vantardise. Elle peut se réaliser dans un dialogue entre une plante et un personnage sacré ou, plus fréquemment, sous forme de joute ou de « dialogues comparatifs », comme les définit Marie-Louise Ténèze, entre les plantes. [...]

Ou encore le champignon ou le melon se vante de sa croissance rapide devant le chêne. Le melon dépasse le chêne, mais le gel le fait tomber, tandis que le chêne lui survit (Ukraine, Verxratskij 1899 : 153).

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Littérature :


Dans son roman autobiographique intitulé Poil de carotte (1894), Jules Renard se remémore avec sobriété des souvenirs douloureux de son enfance :


Les lapins

- Il ne reste plus de melon pour toi, dit madame Lepic ; d'ailleurs, tu es comme moi, tu ne l'aimes pas.

- Ça se trouve bien, se dit Poil de Carotte.

On lui impose ainsi des goûts et des dégoûts. En principe, il doit aimer seulement ce qu'aime sa mère. Quand arrive le fromage :

- Je suis bien sûre, dit madame Lepic, que Poil de Carotte n'en mangera pas.

Et Poil de Carotte pense :

- Puisqu'elle en est sûre, ce n'est pas la peine d'essayer.

En outre, il sait que ce serait dangereux. Et n'a-t-il pas le temps de satisfaire ses plus bizarres caprices dans des endroits connus de lui seul ? Au dessert, madame Lepic lui dit :

- Va porter ces tranches de melon à ces lapins.

Poil de Carotte fait la commission au petit pas, en tenant l'assiette bien horizontale afin de ne rien renverser. A son entrée sous leur toit, les lapins, coiffés en tapageurs, les oreilles sur l'oreille, le nez en l'air, les pattes de devant raides comme s'ils allaient jouer du tambour, s'empressent autour de lui.

- Oh ! attendez, dit Poil de Carotte; un moment, s'il vous plaît, partageons.

S'étant assis d'abord sur un tas de crottes, de séneçon rongé jusqu'à la racine, de trognons de choux, de feuilles de mauve, il leur donne les graines de melon et boit le jus lui-même : c'est doux comme du vin doux.

Puis il racle avec les dents ce que sa famille a laissé aux tranches de jaune sucré, tout ce qui peut fondre encore, et il passe le vert aux lapins en rond sur leur derrière.

La porte du petit toit est fermée. Le soleil des siestes enfile les trous des tuiles et trempe le bout de ses rayons dans l'ombre fraîche.

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