Étymologie :
MERLU(S),(MERLU, MERLUS), subst. masc.
Étymol. et Hist. 1333 mellus (Texte cité par G. Roques ds Sém. lex. et sém. gramm. en m. fr., Actes du colloque de Bruxelles 1978, p. 13) ; ca 1393 merlus, mellus (Ménagier de Paris, II, 199, 107 ds T.-L.). Peut-être issu du croisement de merlan* avec l'a. fr. lus, luz « brochet » (ca 1160, Moniage Guillaume, éd. W. Cloetta, I, 415 − Crespin, Thresor des trois langues, espagnole, françoise et italienne, 1637 d'apr. FEW t. 5, p. 436), lui-même du b. lat. lucius (ive s.). FEW, loc. cit., suggère que le fr. est empr. à l'a. prov. merlus qui est att. dès le milieu du xiiie s. (v. Rayn.) ; cependant, dans ce cas, l'origine de l'a. prov. reste obscure, merlan n'étant att. en prov. qu'à l'époque moderne.
COLIN, subst. masc.
Étymol. et Hist. Fin xive s.-1re moitié xve s. [v. éd. p. 186] (G. Tirel dit Taillevent, Viandier, éd. J. Pichon et G. Vicaire, ms Vatican, p. 245 : Colin. Comme morue). Soit issu, par substitution du suff. -in* au 2e élément du mot, du néerl. koolvis ou de l'angl. coalfish, littéralement « poisson-charbon (en raison de la couleur de son dos) » [d'où le m. fr. colfisch 1551, P. Belon, Hist. nat. des estranges poissons marins d'apr. Lar. Lang. fr.], soit plus prob. dér. avec suff. -in* du m. fr. cole « id. » (fin xive s., E. Deschamps, éd. G. Raynaud, VIII, 90, 51, attest. isolée), empr. au néerl. kole, forme abrégée de koolvis (v. De Vries Nederl. et FEW t. 16, p. 343a).
Autres noms : Merluccius merluccius ; Abadioa (basque) ; Âne ; Ânon ; Bardot ; Brochet de mer ; Canapé ; Carapet ; Colin ; Colinet ; Colinot ; Gade ; Gros merlan ; Hec ; Legatza (basque) ; Merlan (à tort) ; Merlonge ; Merlouche ; Merlouge ; Merlu blanc, Merlu commun ; Merlu européen ; Merluche ; Merluchen ; Merlusse ; Saumon blanc ;
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Edouard Le Danois propose une monographie intitulée "Le Merlu : résumé pratique de nos connaissances sur ce poisson" (Edtions Gaultier et Thébert, juin 1920) :
, un des créateurs de l'ichthyologie moderne nommait en latin le merlu : le brochet de la mer ou Maris lucius ; ce nom abrégé en Marlutius, puis en Merlucius a donné le nom actuel. De même dans les langues germaniques le nom du brochet : Hecht (hec, hake) lui a été appliqué.
Une autre ressemblance frappa les anciens dès Aristote : c'est celle du merlu et d'un âne : la coloration grise du poisson, la longue ligne noire qui parcourt son flanc, expliquent comment cette idée leur fût suggérée. Aussi ce nom d'âne, l'Onos d'Aristote, d'AEllien, d'Oppien, devient-il l'Asellus d'Ovide, de Pline et de Rondelet, et nous retrouverons ce même terme employé dans la langue pittoresque de nos pêcheurs. Enfin une particularité du merlu attira l'attention des marins, c'est la couleur noire de la bouche de ce poisson. De nombreux noms Anglo-Saxons, Celtiques, Scandinaves relatent ce caractère traduit en anglais : coal-mouth (colamoir, kulmule, kulmund, etc...).
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Ichtyologie :
Henriette Walter, autrice de « Insuffisances lexicales dans l'expression de la nature », (In : La linguistique, vol. 48, no. 2, 2012, pp. 71-79) revient sur l'appellation de "colin" :
C’est encore en français que l’on peut avoir du mal à identifier sans risque d’erreur deux autres poissons, qui peuvent tous deux malencontreusement être appelés colin : l’un d’entre eux est le lieu noir, ou colin, qui est proche de la morue, et dont le nom scientifique est Pollachius virens, où virens « vert » tient compte de la couleur vert foncé du dos de ce poisson. Mais colin est aussi le nom sous lequel, à Paris, on désigne le merlu, alors que le colin et le merlu sont deux espèces bien distinctes : si le lieu noir (ou colin) ressemble à la morue, le merlu, par sa mâchoire inférieure proéminente et sa voracité, rappellerait plutôt le brochet. C’est pourquoi on le nomme aussi parfois brochet de mer. Le nom scientifique du merlu, Merluccius merluccius, rappelle d’ailleurs en partie le nom du brochet en ancien français, qui était lus (ou luz). Toutes ces précisions doivent être considérées comme une mise en garde : en lisant le menu d’un restaurant, il faudra donc être vigilant !
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Sur le site My animals, la biologiste Ana Díaz Maqueda propose un article intitulé "Le merlu : types de migrations et alimentation" (publié le 21 décembre 2022) dans lequel elle distingue deux types de migration que les merlus effectuent :
Les merlus sont des poissons démersaux, qui vivent généralement à des profondeurs comprises entre 10 et 400 mètres. Cependant, des spécimens ont été trouvé à 1000 mètres de profondeur dans la mer Méditerranée. Ce large éventail est l’une des conséquences du premier type de migration des merlus.
En effet, les merlus réalisent deux types de migrations :
Migration nycthémérale : il s’agit d’une migration vers les eaux superficielles pendant la nuit et vers les profondeurs pendant la journée. Les spécimens adultes se nourrissent de petits poissons -anchois, harengs ou sardines- ou de calamars qui vont à la recherche de plancton océanique. D’autre part, le plancton dont se nourrissent leurs proies, émerge durant la nuit, attirant ainsi des centaines de poisson. Ce qui explique pourquoi le merlu remonte à la surface. Pendant la journée, ces poissons descendent dans la colonne d’eau jusqu’au fond boueux, où ils attendent la nuit, protégés par l’obscurité.
Migration annuelle : lorsque la période de reproduction arrive, les femelles et les mâles adultes -à partir de 7 et 5 ans, respectivement- migrent au début du printemps vers des eaux plus froides pour frayer. A cette période, les organes reproducteurs sont si développés qu’ils font pression sur l’appareil digestif et l’animal cesse de se nourrir. Quand ils atteignent les eaux froides depuis les eaux plus chaudes, les femelles et les mâles libèrent leurs gamètes qui vont féconder à l’extérieur.
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Symbolisme :
Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :
Selon une croyance du XVIIe siècle, la tête du merlu contient deux pierres (concrétions) qui, quand le poisson a été pris à la pleine lune, ont le pouvoir de guérir la fièvre : il suffit de les porter autour du cou, enveloppées dans un linge.
Dans un article intitulé "L'œil de Téléfoot - Le maillot tango de Lorient a 90 ans, mais son histoire est peu connue", écrit pour MyTF1 le 02/11/17, CReaFeed - Ilyes Ramdani résume l'histoire du FC Lorient et de sa mascotte :
L'histoire remonte au printemps 1926. Madame Cuissard – l'histoire n'aura pas retenu son prénom (1) – vend du poisson à Lorient. Parce que ses employés aiment le football, elle leur crée une équipe corpo qu'elle appelle "La Marée sportive". Gérée par le fils Cuissard, Joseph, l'affaire est un succès, au point que la petite écurie d'entreprise est transformée en club à part entière. C'est ainsi que naît le Football Club de Lorient, petit club amateur du Morbihan. Qui dit nouvelle entité dit également nouveau logo, nouvelles couleurs, nouvelle identité… Pour l'emblème, rien de très compliqué. A l'époque du foot corpo, les vendeurs de poisson avaient opté pour un grondin, du nom de ce cousin du rouget. Mais avec le changement de nom et le passage en football de compétition, les poissonniers font un bond en avant. Exit le grondin, place au prestigieux merlu, plus cher, plus prisé, plus classe.
Note personnelle : dans un article de l'Equipe écrit par F. L. D. et intitulé "La fondatrice des Merlus aura sa rue à Lorient" (daté du 2 avril 2021) on peut lire le chapô suivant : "Caroline Cuissard, à l'origine de la création du FC Lorient, en 1926, aura une rue à son nom dans la ville aux cinq ports.
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Le blog de Carmen Montet propose un article intitulé "Dictionnaire des signes : les poissons, crustacés et animaux aquatiques" (daté du 25 juin 2020) dans lequel on peut lire :
Merlu : symbole de jeunesse, associé aux enfants, à la vitalité, à la santé.
Mythologie :
Selon Philippe Walter auteur d'un ouvrage intitulé La fée Mélusine : le serpent et l'oiseau. (Editions Imago, 2008) :
Des récits mélusiniens de la région de Saint-Dié (Vosges) évoquent une dame Merlusse, dont le nom rappelle des poissons comme le merlu, le merlan, le merluchon. Est-ce à dire que la nature mythique de la fée s'expliquerait par cette