Étymologie :
MOQUEUR, -EUSE, adj. et subst.
Étymol. et Hist. 1. 1280 subst. moqueour « railleur » (Clef d'amour, éd. A. Doutrepont, 2276) ; 2. 1559 adj. moqueur « qui est empreint de moquerie, qui manifeste de la moquerie » (J. Grévin, Pastorale, éd. L. Pinvert, p. 220) ; 3. 1676 subst. mocqueur « oiseau » (Extrait du Journal d'Angleterre contenant la description que M. Glover a envoyée de la Virginie ds Fr. mod. t. 23, p. 222). Dér. de moquer* ; suff. -eur2*. Cf. le fém. moquerresse ca 1330 (Guillaume de Digulleville, Pélerinage vie hum., éd. J. J. Stürzinger, 7633).
Lire également la définition du nom moqueur afin d'amorcer la réflexion symbolique.
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Zoologie :
Le site https://www.france-pittoresque.com/ propose une adaptation d'un article paru en 1834 qui présente les particularité du moqueur :
[...] Les plus célèbres moqueurs n’appartiennent pas à nos pays, mais aux parties tempérées de l’Amérique septentrionale ; tels sont le geai bleu, le manakin babillard, et surtout l’oiseau qu’on nomme par excellence le moqueur (turdus polyglottus). Le moqueur américain a tiré de bonne heure l’attention des Européens qui ont visité le Nouveau-Monde, en raison de la variété de ses notes, de l’étendue de sa voix, et surtout de la faculté qu’on lui attribue de pouvoir contrefaire le chant ou le cri des autres animaux. Suivant Fernandez, Nieremberg, Hans Sloane et autres écrivains, il ne se contente pas d’imiter simplement, il embellit tout ce qu’il reproduit, et donne à chaque son qu’il emprunte une grâce et une douceur particulières. Les indigènes eux-mêmes n’étaient pas moins sensibles à ces talents que les Européens ; et dans la langue mexicaine, par exemple, le moqueur était désigné par le nom de cencontlatotli, l’oiseau aux quatre cents langues. Le moqueur est de la même famille que notre grive commune (turdus musicus), oiseau qui lui-même est un très bon chanteur, et dont la voix est en Ecosse aussi célèbre que l’est chez nous celle du rossignol. Sa taille est à peu près celle du mauvis ; ses couleurs sont celles de la drenne, à cela près qu’il n’a pas le ventre grivelé. Sa robe n’a donc rien de brillant, et quoique ses formes soient assez élégantes, ce n’est réellement que par son chant qu’il peut attirer l’attention ; mais ce chant est d’une douceur et en même temps d’une puissance sans égales. Lorsque par une belle matinée l’oiseau perché sur le sommet d’un buisson, fait entendre sa voix sonore, tous les gazouillements qui partent des buissons voisins et qui dans une autre circonstance charmeraient l’oreille, sont alors oubliés. Le moqueur d’ailleurs compose à lui seul tout un orchestre, il fait parler successivement tous les instruments, et quelquefois même on dirait qu’il en fait parler plusieurs à la fois. Cette musique se prolonge sans interruption pendant des heures entières et l’oiseau lui-même en paraît transporté de plaisir. Tout son corps frémit ; ses ailes, à demi ouvertes, sont agitées d’une sorte de trémoussement convulsif ; parfois son extase monte à tel point, qu’il ne saurait rester en place, il bondit, il s’élève dans les airs, il y plane quelques instants en faisant entendre ses notes les plus brillantes, puis sa voix baisse par degrés pendant qu’il redescend insensiblement vers la branche d’où il était parti. A d’autres moments ce n’est plus un chant soutenu, ce sont des notes détachées, ce sont des phrases qui appartiennent à d’autres oiseaux, et qui trompent quelquefois le chasseur ; dans certains cas c’est le cri de l’épervier qu’il imite, et alors, assure-t-on, les petits oiseaux s’enfuient tout effrayés. En un mot, parmi tous les bruits de la forêt, il en est peu qui ne se retrouvent plus au moins ressemblants dans les différents timbres de la voix du moqueur. Cette variété d’intonation, qui est naturelle à l’oiseau, lui donne quand il est réduit en captivité une grande facilité pour reproduire ce qu’il entend ; dans ce cas, il devient réellement imitateur, et il l’est à un degré presque incroyable. Il siffle à la manière d’un jeune poulet, et la poule arrive les ailes traînantes et les plumes hérissées, toute prête à défendre sa progéniture. Il imite avec la même perfection l’aboiement du chien, le miaulement du chat. Il est d’ailleurs, comme tous les babillards, très peu difficile dans le choix de ce qu’il répète, et il ne s’inquiète guère de mettre de la suite dans ce qu’il dit ; aussi, après avoir imité avec une perfection inconcevable le chant du serin, il s’interrompra tout-à-coup au milieu d’une roulade, et fera entendre le cri d’une roue de brouette mal graissée ou le bruit de la scie du tailleur de pierre. Heureusement il ne renonce jamais entièrement à son chant naturel, et c’est même le seul qu’il fasse entendre la nuit ; car, de même que notre rossignol, il aime à chanter aux heures où tout est silencieux. Le moqueur ne fuit pas le voisinage de l’homme. Il n’est pas rare de trouver son nid dans un verger à peu de distance de la ferme ; il ne prend pas grand peine pour le cacher, et il est toujours prêt à le défendre même contre l’homme. Pris au piège, il s’apprivoise assez promptement, et son chant dans ce cas est plus parfait et se conserve plus pur de mélange étranger que lorsqu’il a été enlevé du nid et élevé loin des bois. Un moqueur remarquable par l’étendue de la voix se vend fort cher, et aux Etats-Unis on en a vu payer jusqu’à cinquante et même cent dollars (200 et 500 fr.) ; leur prix ordinaire est de 60 à 80 fr.
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Symbolisme :
Selon Ted Andrews, auteur de Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (Édition originale, 1993 ; traduction française, Éditions Dervy, 2017), le Moqueur a les caractéristiques suivantes :
Points clés : Trouver son chant sacré (but de l'âme) et identifier ses dons innés.
Cycle de puissance : Toute l'année - Jour et nuit.
Le moqueur est un oiseau rendu célèbre par la chanson et l'histoire. C'est un symbole traditionnel du Sud et quiconque a un moqueur pour totem devrait étudier le symbolisme de cette direction. Cet oiseau des bois a un chant magnifique.
En dépit de son apparence simple, la beauté du moqueur est unanimement reconnue. Et elle réside notamment dans son chant. Il a l'une des plus belles voix chantantes de tous les oiseaux, égale à celle du rossignol. Il a aussi un talent pour l'imitation. Les moqueurs peuvent imiter d'autres oiseaux, mais aussi des chats et même des chiens. Certains moqueurs ont un répertoire de plus de trente chants ou cris d'autres oiseaux. Les artistes imitateurs, comme Rich Little, devraient avoir un moqueur parmi leurs totems.
Les moqueurs vivent près des humains parce qu'ils n'en ont pas peur. Ils aiment aussi la compagnie, ce qui induit l'idée selon laquelle les chansons doivent se partager. Ils chantent toute l'année, même en vol, ce qui n'est pas fréquent chez les oiseaux. Ils sont aussi connus pour chanter au clair de lune.
Le moqueur peut vous enseigner le pouvoir du chant et de la voix. Il peut aussi vous apprendre de nouvelles langues, et à les chanter aussi naturellement que si elles étaient votre langue maternelle. Chaque fois que le moqueur se présente comme totem est un bon moment pour apprendre à clamer haut et fort nos talents. Quelle que soit la façon qu'ont les autres de vous voir, attendez-vous dans ces cas à ce que les gens remarquent vos actions - pas votre apparence.
Le moqueur peut vous permettre d'exprimer vos talents innés et de les exalter - de les "chanter". Grâce au moqueur, vous allez trouver votre propre chant sacré. En entonnant cet air sacré, vous aurez la sensation que la vie est plus gratifiante et plus signifiante. Même s'ils connaissent leur "chant sacré" intérieur (le but de leur vie), la plupart des gens ont peur d'agir sur celui-ci. Là encore, le moqueur peut vous aider à dépasser cette réserve.
Le moqueur est un oiseau courageux. Pendant la saison de reproduction (le développement de nos chants et dons intérieurs), il attaque des chats et d'autres prédateurs. Il ne tolère pas la moindre impudence et défend férocement son nid. Confiant en ses aptitudes, il engage le combat avec l'intrus.
A la différence de nombreux autres oiseaux, le moqueur peut pondre des œufs deux ou trois fois par an Cela nous dit encore que les occasions de suivre notre chant intérieur ne sont jamais perdues. Elles reviennent toujours.
Le moqueur est le maître des langages - verbaux et non-verbaux, chantés ou non. Il peut lire le langage du corps et vous apprendre à le faire. Il peut aussi vous enseigner les secrets de toute forme de communication afin d'avoir une vie encore plus réussie. Cette aptitude se traduit dans sa manière de trouver sa nourriture.
Sur ses épaules, il y a des taches blanches proéminentes. Quand il marche, il ouvre les aides occasionnellement, laissant paraître ces marques blanches. Elles reflètent la lumière solaire qui alarme et effarouche les insectes du secteur. Dès que ceux-ci réagissent et s'envolent, le moqueur les repère et s'en empare pour son repas.
Cette capacité à susciter subtilement des réactions chez les tiers fait encore partie de ce que cet oiseau peut vous enseigner. Il vous aidera également à chasser les insectes nuisibles de votre environnement et à voir où et qui ils sont. Le moqueur vous permet de remarquer des détails infimes que d'autres manqueront. Vous percevez le vrai chant des tiers.
Quand le moqueur arrive, cherchez les occasions de faire entendre votre chant. Suivez votre voie. Apprenez à saisir tout ce que vous pouvez et à y appliquer votre imagination et votre intuition, afin de les exprimer de la manière et avec la tonalité la plus harmonieuse pour vous et votre existence.
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Littérature :
Comme le titre de son roman l'indique, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (Edition originale, 1961), Nell Harper Lee utilise l'oiseau moqueur pour ses potentialités symboliques :
- Je préférerais que vous ne tiriez que sur des boîtes de conserves, dans le jardin, mais je sais que vous allez vous en prendre aux oiseaux. Tirez sur tous les geais bleus que vous voudrez, si vous arrivez à les toucher, mais souvenez-vous que c'est un péché que de tuer un oiseau moqueur.
Ce fut la seule fois où j'entendis Atticus dire qu'une chose était un péché et j'en parlai à Miss Maudie.
- Ton père a raison, dit-elle. Les moqueurs ne font rien d'autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur coeur. Voilà pourquoi c'est un péché de tuer un oiseau moqueur.
Clara sur son blog intitulé https://oulipsl.wordpress.com/ éclaircit la valeur de ce symbole dans le roman :
L’oiseau moqueur ? C’est celui qui chante pour les autres, c’est le symbole de l’innocence incomprise. Connu aussi sous le nom pompeux de « mime polyglotte », c’est un oiseau connu aux Etats-Unis pour être capable d’imiter le chant de ses compères. Mais surtout, c’est lui qui donne son nom au premier (et, jusqu’en juin 2015, à l’unique) roman d’Harper Lee.
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J’ai vu que le roman est inscrit, selon la Crime Writers’ Association (fondée dans les années 1950 par John Creasy) dans la liste des cent meilleurs romans policiers de tous les temps – et pourtant, je n’ai pas réussi à trouver de coupable. Ou du moins, je n’ai pas pu en trouver un seul. J’ai pu trouver des innocents, ces oiseaux sur qui l’on n’a pas hésité à tirer au nom de leur différence. J’ai trouvé des témoins impuissants, et parfois téméraires. J’ai trouvé un accusé (Tom), un reclus (Boo), ces deux oiseaux moqueurs montrés du doigt par des adultes qui agissent comme des enfants à la recherche d’un bouc émissaire. Mais un coupable, je ne crois pas qu’il y en ait, sinon le verdict du jugement, sinon la société implacable qui, fermement accrochée à ses vieilles créances, donne raison à l’injustice. Au chapitre 10, Atticus rappelle à ses enfants que « c’est un péché de tuer un oiseau moqueur », et Miss Maudie renchérit : « ils ne font que chanter pour nous de tout le cœur ». Et peut-être que c’est plus facile de s’en prendre à ceux-là, dont le cœur ne fait que chanter pour sa propre liberté.
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