Étymologie :
MORIO, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1803 (Boiste). Empr. au lat. sc. mod. morio (cf. Linné Syst. Nat. 1770, t. 1, 2e part., p. 722, 1193 et 1221), lui-même prob. tiré de Maurus, v. maure, à cause de la couleur sombre de ce papillon.
Lire également la définition du nom morio afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Nymphalis antiopa - Chenille épineuse de l'orme - Manteau-de-deuil - Manteau royal - Nymphale morio - Vanesse Antiope - Vanesse morio - Velours -
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Zoologie :
Dans l'article intitulé "Des centaines de chenilles de Nymphalis antiopa (L.) dans les saules." (Lépidoptères - Revue des Lépidoptéristes de France, Vol. 19 – N°47, Décembre 2010) de Pieter Kan et Brigitte Kan-van Limburg Stirum, on peut lire que :
Nymphalis antiopa, le Morio (ou Manteau royal), appartient à la famille des Nymphalidae. Avec une envergure d’environ 70 mm, c’est la plus grande Vanesse d’Europe. Le Morio est répandu dans toute la France, bien qu’il se fasse de plus en plus rare dans toutes les régions de plaines et notamment en Île-de-France, où il est protégé (Arrêté du 22 juillet 1993).
Au niveau mondial, le Morio est répandu dans tout l’hémisphère Nord, dans une très grande partie de l’Europe, de l’Asie tempérée et de l’Amérique du Nord. En Norvège, aux Pays-Bas et dans le Sud de l’Angleterre, c’est un migrateur occasionnel. Ce papillon est capable de voler sur de grandes distances. On le trouve jusqu’à 2000 m d’altitude (TOLMAN & LEWINGTON, 1999). Il vole en une seule génération de la fin juin jusqu’au mois de mars de l’année suivante, car il hiberne sous forme d’imago, blotti dans un tas de bois, un arbre creux ou une grange abandonnée.
Très mobile, il fréquente surtout les lisières forestières ensoleillées ainsi que des vallons proches des cours d’eau. Le vol nuptial et l’accouplement ont lieu après l’hibernation, de fin mars à début mai. Différentes espèces de saules (Salix caprea, S. alba, S. eleagnos et S. purpurea) sont utilisées comme plante-hôte mais aussi le peuplier (Populus nigra) et parfois le bouleau (Betula pendula) (LAFRANCHIS, 2000).
[...]
Nymphalis antiopa subit actuellement une régression importante dans une grande partie de son aire. En France, la régression est manifeste dans toutes les régions de plaine, du Nord au Sud, mais l’espèce se porte mieux dans les régions de collines et de montagnes de l’Est, des Vosges et du Jura (local) jusqu’à la Haute Provence et les Alpes-Maritimes, où il peut encore être abondant (BENCE et al., 2009) ; comme en Gironde. Les raisons du déclin sont probablement multiples mais pas toujours évidentes. Elles sont partiellement climatiques (l’espèce est holarctique, forestière à affinités euro-sibériennes), mais sa relative abondance dans le Midi est de ce fait étonnante, probablement liée à la qualité des milieux et à l’utilisation moindre de pesticides dans ces zones de collines peu cultivées. Les saules, bouleaux et peupliers, ses principales plante-hôtes, sont loin de régresser.
D’autres causes de déclin ont été évoquées, comme l’utilisation de pesticides ou de médicaments à usage vétérinaire, rendant les crottins toxiques pour certaines espèces d’insectes.
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L'espèce du morio possède une seule génération, qui peut s’observer de mars à octobre. Les papillons adultes vont ensuite hiverner jusqu’au printemps ce qui lui permet d'avoir une durée de vie de 10 à 11 mois. Les Morios affectionnent particulièrement les forêts et milieux un peu humides. On peut l’observer en France jusqu’à 2000 mètres d’altitude mais il est devenu vraiment rare désormais.
Une particularité à noter chez cette espèce : le morio se nourrit des écoulements de sève sur les blessures d’arbres et apprécie les fruits tombés à l’automne. Il ne butine que rarement les fleurs contrairement à la majorité des autres papillons.
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Mythologie :
Selon Le blog de Jean-Yves Cordier :
Peu d'arguments dans l'étude de l'onomastique de Linné ne permettent de préciser si nous avons ici affaire à Antiope de Thèbes, ou à l'Amazone Antiope, épouse de Thésée. Les deux légendes sont rapportées par Hygin, dont les Fables sont l'une des sources principales de l'auteur suédois. (— Classical mythology in the « Systema Naturae » of Linnaeus, pp. 333-357 par John L. Heller).
De même, parmi les 34 noms choisis par Linné pour ses Nymphales phalerati, on ne décèle pas de ligne directrice permettant de choisir l'une ou l'autre des héroïnes homonymes.
Peut-on considérer qu'une Amazone n'est pas une Nymphe, et qu'Antiope fille du dieu-fleuve Asopos rentre mieux dans le groupe des Nymphales de Linné ? On choisira selon ses préférences, et on découvrira les récits mythologiques selon sa curiosité, mais nous quittons ici le champ de la zoonymie des lépidoptères et de l'étude des œuvres de Linné.
J'aime le récit d'Apollodore Livre III, 5,5 (Hugo Bratelli, 2002) car il s'achève par l'évocation du sort de Laïos , fils de Labdacos et père d'Œdipe : tout le destin d'Œdipe s'y inscrit dans les fatalités transgénérationnelles. Oedipe sera "exposé" (abandonné aux bêtes sauvages) sur le mont Cythéron comme Amphion et Zéthos et il en gardera le pied gonflé (oedi-pes). Du boiteux ( sens de labdacos) au gaucher (sens de laïos), l'écart par rapport à la norme se développe ici :
Antiope était la fille de Nyctée, et Zeus fit l'amour avec elle. Quand elle fut enceinte, son père la chassa, et la jeune femme se réfugia à Sicyone, auprès du roi Épopée qu'elle épousa. Lors d'un accès de désespoir, Nyctée se donna la mort, ayant laissé à Lycos le soin de punir Épopée et Antiope. C'est ainsi que Lycos marcha sur Sicyone qu'il conquit ; il tua Épopée, et captura Antiope. En cours de route, près d'Éleuthères en Béotie, Antiope mit au monde deux jumeaux. Ils furent aussitôt exposés, mais un bouvier les trouva et les éleva ; il les appela l'un Zéthos et l'autre Amphion. Zéthos s'occupait du bétail ; Amphion, lui, s'entraînait au chant lyrique, avec l'instrument que lui avait donné Hermès. Lycos et sa femme Dircé avaient enfermé Antiope, et la maltraitaient continuellement. Or un jour, les liens qui maintenaient Antiope se défirent tout seuls ; la femme s'enfuit en cachette ; elle arriva à la cabane des deux garçons, et leur demanda l'hospitalité. Quand Zéthos et Amphion surent qu'il s'agissait de leur mère, ils tuèrent Lycos, et attachèrent Dircé à un taureau, puis ils jetèrent son cadavre au fond d'une source qui, de son nom, s'appela Dircé. Ayant pris le pouvoir, les deux frères fortifièrent la ville : les pierres suivaient le son de la lyre d'Amphion. Laïos fut expulsé de la ville ; il fut accueilli par Pélops, dans le Péloponnèse. Laïos enseigna à Chrysippe, le fils de Pélops, comment guider un char. Mais il tomba amoureux de lui, et l'enleva.
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Littérature :
Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque la beauté du monde :
14 février
(La Bastide)
Un papillon morio boit sur la margelle humide d'un bassin d'eau verte, au-dessus de Menton : satin noir bordé de dentelle blanche, fragment de nuit sur pierre moussue...
La vie n'est qu'une accumulation d'images. On entasse de la beauté au congélateur de la mémoire. On puise dans les réserves tant qu'on respire. Et on liquide le stock.
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HABIT DE DEUIL
(NYMPHALIS ANTIOPA)
Comme ça pèse sous le verre :
les plaques grises des ailes
pressées par l’envol, ardoise
ou veine du bois
affinée jusqu’au noyau
quand ce papillon
parsemé de ruisseaux,
son habit ourlé d’un éclair proche,
porte la douleur comme la légèreté porte
son noir sauvage
dans le plein air
entre deux sommeils.
« Christina Pugh », Po&sie, vol. 114, n°4, 2005, pp. 56-60 ; traduit de l’anglais par Véronique Berthon et Emmanuel Laugier.
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Voir aussi l'article plus général sur les Papillons.