Étymologie :
MOURON, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. xiie s. bot. morun (Gloss. Tours, 331 ds T.-L.) ; 2. 1768 mouron des petits oiseaux « morgeline » (Valm.) ; 3. 1878 « cheveux » (Rigaud, Dict. jargon paris., p. 62 : ne plus avoir de mouron sur la cage : « être chauve ») ; 4. 1948 se faire du mouron « se faire du souci » (Lacassagne, Devaux, Arg. « milieu », p. 247). Prob. empr. au m. néerl. muer, bot., néerl. muur, all. Miere, Meier, v. FEW t. 16, p. 571b. Le sens 4 est prob. issu du sens 3, cf. se faire des cheveux « se faire du souci ».
Lire également la définition du nom mouron afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Anagallis arvensis - Menuchon rouge - Menuet - Miroir du temps - Morgeline d'été - Mouron des champs - Mouron rouge - Mouron bleu -
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Botanique :
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Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques du Mouron rouge :
Propriétés Physiques. - Le mouron rouge dont il existe deux variétés, une à fleurs rouges (Phoenicea) que l'on appelle mâle et l'autre à fleurs bleues (Coerulea) dite femelle, est une plante inodore, d'une saveur d'abord douce, puis amère, nauséeuse et pourvue d'une certaine âcreté.
Usages médicaux. - Cette plante est assez énergique ; 12 grammes de son extrait ont enflammé la muqueuse stomacale d'un chien et déterminé sa mort (Orfila) ; 250 grammes de suc ont produit une superpurgation ; donnée abusivement aux oiseaux en place du mouron ordinaire, elle les tue rapidement.
Le mouron rouge a été vanté autrefois comme contre-poison de la morsure des vipères et des chiens enragés. On le donne encore aujourd'hui en Russie contre la rage. On le croyait efficace dans l'atonie des viscères, la goutte, l'hydropisie, la manie, l'épilepsie, la phtisie ; en application locale on l'a cru utile dans le traitement du cancer et des vieux ulcères. Cette plante qui n'est pas inerte mérite d'être soumise à quelques expériences nouvelles physiologiques et thérapeutiques.
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Usages traditionnels :
Selon Suzanne Amiguès, autrice d'un article intitulé "Quelques légumes de disette chez Aristophane et Plutarque." (In : Journal des savants, 1988, n° pp. 157-17) le mouron rouge pourrait être comestible :
La disette des temps de guerre et la condition misérable des petites gens ont amené les anciens Grecs à consommer des plantes que nous avons peine à croire comestibles. Les noms de ces « légumes » insolites ne sont pas toujours correctement rendus, même dans les traductions les plus autorisées.
Aux vers 236-239 des Guêpes, le coryphée qui conduit le cortège des vieux juges rappelle à un de ses camarades un souvenir lointain du siège de Byzance. H. Van Daële (éd. C.U.F. 1924) traduit le passage en ces termes : « ... à Byzance ensemble nous montions la garde, toi et moi ; puis, rôdant une nuit, nous volâmes à la boulangère son mortier ; puis nous fîmes cuire de la pimprenelle (tou xopxópou), après en avoir fait du petit bois ». Le lecteur curieux peut apprendre dans un dictionnaire encyclopédique usuel, le Larousse du XXe siècle par exemple, que « la pimprenelle commune (poterium sanguisorba) croît dans les prés secs. On en cultive souvent quelques pieds en bordure dans les jardins ; les feuilles jeunes et tendres sont mélangées à la salade ». Étant ainsi donné qu'encore de nos jours la pimprenelle se mange crue, on ne voit pas pourquoi de robustes garçons talonnés par la faim auraient éprouvé le besoin de la faire cuire. La difficulté tient en fait à la traduction de tou xopxópou.
Le grec nomme xopiopoç/xopxopoç : 1) le mouron (genre Anagallis L.), 2) la corette potagère (Corchorus olitorius L.). Selon D. Bois qui se réfère à A. de Candolle, la corette, actuellement cultivée en Egypte et en Syrie pour ses feuilles employées comme l'épinard, serait originaire de l'Inde occidentale et se serait répandue en Afrique et vers l'Anatolie « à la suite d'une introduction qui ne remonte peut-être pas au-delà de l'ère chrétienne ». Elle ne se trouvait donc pas en 469 sous les murs de Byzance. Le mouron s'y trouvait assurément, mais sa comestibilité est à première vue fort douteuse. La plante est en effet présentée dans les plus récents traités de matière médicale comme dangereuse pour de nombreux animaux et même pour l'homme. L'amertume intense que l'on garde longtemps dans la bouche après en avoir mâché une seule feuille pendant quelques instants suffirait d'ailleurs à dissuader de consommer la plante crue. Il faut une cuisson appropriée (ébullition prolongée ou dans une eau renouvelée plusieurs fois ?) pour la rendre mangeable. Sa consommation remonte à un passé lointain. A. Maurizio, Histoire de l'alimentation végétale depuis la préhistoire jusqu'à nos jours, Paris, 1932, mentionne (p. 139) la découverte d'Anagallis arvensis parmi les débris végétaux contenus dans un vase datant de l'époque de transition entre l'âge du bronze et l'âge du fer, et le fait figurer (p. 619) dans son tableau des « plantes du ramassage ».
Toutes ces données concordent parfaitement avec ce que Theophraste dit du xop^opoç (H. P. VII, 7, 2) : « La cuisson est nécessaire pour certaines plantes comme la mauve, la bette, la patience, l'ortie et le parthénion (...), ainsi que pour beaucoup d'autres encore, dont le corchoros, qui a la feuille du basilic et une amertume proverbiale » (1). C'est bien la plante dont parle aussi Aristophane puisque le proverbe en question nous a été conservé précisément par une scholie au v. 239 des Guêpes : [...] Il se retrouve avec un commentaire plus développé dans Suidas (ou Souda), x 2133 Adler : [...] ç « Le mouron : légume sauvage peu apprécié. D'où le proverbe ' Même le mouron au nombre des légumes '. (...) Ce proverbe se dit des gens obscurs et sans mérite qui prétendent à des honneurs trop grands pour eux ». (2)
Notes : 1) Dans Pline, XXI, 183, Corchorum Alexandrini cibi herba est, J. André (C.U.F. 1969) a raison de comprendre « La corette est une plante herbacée consommée par les Alexandrins ». Mais sa note explicative (n. 1 au § 183, p. 160) est inexacte en ce qui concerne Theophraste, H. P. VII, 7 [et non 9 comme l'indique cette note], 2 et Nicandre, Thér. 626. En effet le corchoros « qui a la feuille du basilic » ne peut être que le mouron, à petites feuilles lancéolées et entières, celles de la corette étant bien plus grandes, allongées et dentées (cf. V. Täckholm, Students' Flora of Egypt 2, Beirut, 1974, pl. 1 18). Même remarque sur la note 3 à Pline, XXI, 89 qui parle de « plantes communément mangées par les Egyptiens » — ce qui conviendrait pour la corette — tout en empruntant à H.P. VII, 7, 2 l'énumération parthenium, trychnum, corchorus ; quoi qu'ait voulu dire Pline, s'il se faisait une idée précise de ces plantes, le corchoros de Theophraste n'a rien à voir avec la corette. Pour Nicandre, Thér. 626, l'index de l'édition Gow-Scholfield, Cambridge, 1953, donne l'identification la plus vraisemblable : « xopxopoç Anagallis coerulea [A. arvensis Br.] ».
2) Les commentateurs anglophones trouvent en leur langue des proverbes de même sens général : « a tailor among the kings » (L.S.J.) ; « Is Saul also among the prophets ? » (A. Hort, Theophrastus. Enquiry into Plants (Loeb), t. II (1926), p. 105).
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Anecdote historique :
Symbolisme :
Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme du mouron :
MOURON ANAGALIS - RENDEZ-VOUS.
Dioscoride nous apprend que l'espèce de Mouron la plus commune était employée à faire sortir les fers de flèche qui étaient engagés dans les blessures, ce qui lui a fait donner le nom dérivé du grec anago, attirer .
Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :
Mouron rouge - Rendez-vous.
Les anciens appliquaient cette plante sur les plaies reçues dans les combats ; ils lui croyaient la propriété de faire sortir le fer des flèches des blessures, d’où vient que cette plante signifie rendez vous.
Emma Faucon, autrice d'un ouvrage intitulé Le langage des fleurs. (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) rapporte les équivalences de l'Horloge de Flore :
Il est des fleurs qui s'ouvrent invariablement à la même heure ; les horticulteurs profitent de cette horloge naturelle pour régler leur temps, et les amoureux emploient ce moyen pour indiquer le moment où ils passeront sous les fenêtres de celle à qui ils offrent leurs vœux.
Huit heures du matin = Le mouron rouge.
L'autrice s'intéresse ensuite au symbolisme de cette fleur dans le langage traditionnel :
Mouron rouge - Je vous écoute.
Le nom de mouron veut dire en grec oreille de rat, parce que les feuilles de celle plante ont cette ressemblance. Elle est amère et vénéneuse, de même que le mouron bleu ; leur extrait tue les chiens et tuerait de même les oiseaux s'ils mangeaient la feuille ou la fleur du mouron.
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Eliot Cowan, auteur de Soigner avec l'Esprit des Plantes, Une voie de guérison spirituelle (Édition originale 2014 ; traduction française Éditions Guy Trédaniel, 2019) raconte plusieurs histoires de guérison dont il a fait l'expérience à partir du moment où il est entré sur la voie de la Guérison avec l'Esprit des plantes :
"L'une de mes plantes favorites pour aider en cas de perturbation de l'élément Feu est le mouron rouge, Anagallis arvensis. C'est une plante commune du bord des chemins en Amérique, en Europe, et dans d'autres régions du monde. C'est une plante rampante, au port étalé, avec de petites fleurs en général de couleur saumon, un centre magenta, et des étamines jaune brillant. Elles s'ouvrent par temps ensoleillé et se ferment quand il fait sombre ou nuageux. Le goût de cette plante est amer et agressif et on dit qu'elle est plus ou moins toxique. Au total, c'est une plante avec laquelle il est difficile de devenir intime, mais qui en vaut bien la peine. Dans l'herboristerie anglaise, elle a la réputation de dissiper la mélancolie et, dans le Somerset, elle est encore connue aujourd'hui comme la "plante qui fait rire".
Mon voyage en rêve vers l'esprit de cette plante m'a fait traverser les longues étendues d'un espace froid et sombre jusqu'à ce que j'arrive sur une petite planète lointaine. Cette sphère semblait déserte jusqu'à ce que j'atteigne sa partie la plus éloignée, où j'ai aperçu un homme bourru, mal rasé, habillé d'un tee-shirt étroit et de pantalons noirs.
"Êtes-vous l'esprit du mouron rouge ? ai-je demandé.
- Qu'est-ce que ça peut te faire ?
- Eh bien, je...
- Écoute, mon pote, pourquoi ne décolles-tu pas plutôt pour le prochain Système solaire. Il y a de jolies fleurs par là-bas. Dégage."
Cela ne pouvait être que l'esprit du mouron rouge ! Il montrait la même amertume et la même autoprotection exagérée dans le rêve que dans la réalité éveillée. Je me souvins que la chaleur du soleil le faisait s'ouvrir et partager sa beauté.
"J'aime vos fleurs ! dis-je. Elles ont la combinaison de couleurs la plus dingue ! Cela me rend heureux de les regarder ! Vous devez être un type magnifique derrière cet abord bourru ! "
Il sourit légèrement et rougit. Je continuai, "Qu'est-ce que vous faites tout seul ici sur cette petite planète froide ?"
Une larme coula sur la joue dure du type. "Les gens sont tellement froids et sans cœur ! dit-il. Ils peuvent vous blesser si vous baissez la garde. Je prends tout à cœur - je suis juste trop vulnérable, je suppose."
Il n'avait pas besoin d'en dire plus pour me faire savoir qu'il était un remède pour le Maître du Cœur. Quand il vit que je comprenais, il renversa la tête en arrière et se mit à rire sans retenue.
"Puis-je vous utiliser ? demandai-je. Partagerez-vous votre remède avec les autres ?"
En guise de réponse, il prit mes mains, et nous dansâmes en rond, nous laissant aller à notre joie."
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Littérature :
Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque le mouron rouge :
13 juin
(Fontaine-la-Verte)
Sur le sentier bordé de ronces, je compte les baisers mouillés des mourons rouges. Ce sont des bouches de terre moqueuses, sur les lèvres desquelles, chaque fois que je passe, j'abandonne quelques molécules de moi-même.
Lèvres en feu
Des chemins sensuels
Mourons rouges
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