Étymologie :
MOUSSERON, subst. masc.
Étymol. et Hist. Ca 1225 moisserons (Hist. de Guillaume Le Maréchal, éd. P. Meyer, 18451) ; cf. ca 1180 a. francoprov. moisserun (Girart de Roussillon, éd. W.-M. Hackett, 1096) ; ca 1380 mouceron (Roques t. 2 1938, B.N. lat. 13032, 4614) ; 1532 mousseron (Rabelais, Pantagruel, éd. V.-L. Saulnier, chap. 20, p. 163). D'un b. lat. *mussario (cf. cat. moixarnǒ ), indirectement attesté au vie s. sous la forme mussiriones (v. TLL, André, Bot. et Romania t. 39, p. 87), les mss. du xie s. qui contiennent ce passage portent aussi musariones.
TRICHOLOME, subst. masc.
* Dans l'article "TRICH(O)-, TRICH(I)-,(TRICH-, TRICHO-, TRICHI-), élém. formant
Élém. tiré du gr. θ ρ ι ́ ξ, τ ρ ι χ ο ́ ς « poil, cheveu », entrant dans la constr. de termes sc. dont le signifié a un rapport avec les poils, les cheveux et, en sc. nat., avec les cils.
Tricholome (-lome, du gr. λ ω ̃ μ α « frange »), subst. masc.
Genre de champignons basidiomycètes, comportant de nombreuses espèces comestibles`` (Lar. encyclop.). La disposition sur une circonférence (...) des Tricholomes de la Saint-Georges dans les prés (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 162).
Lire également la définition du nom mousseron afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Calocybe gambosa - Avrilet - Avrillot - Avriot - Blanquet - Braguet - Braquet - Brignolle - Champignon muscat - Courcouliette - Courioulettes (Roussillon) - Maggin - Misseron - Moussaïrigo (Toulouse) - Moussaïrou - Mousseron blanc - Mousseron de la Saint-Georges - Mousseron de printemps - Mousseron de Provence - Mousseron vrai - Muscat - Saint-Georges - Tricholome de la Saint-Georges -
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Mycologie :
Lyra Ceoltoir, dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) propose la description suivante du Tricholome de la Saint-Georges :
Aussi connu sous son nom de « mousseron », qui aiguille sur sa propension à pousser dans la mousse, e tricholome de la Saint-Georges est l'un des champignons les plus précoces, poussant dès le mois d'avril, aux alentours, justement, de la Saint-Georges (le 23 avril). Fidèle au poste, c'est un ami régulier qui revient chaque année au même endroit en formant des colonies parfois étendues, dessinant souvent les fameux ronds de sorcière. Il est si emblématique du monde des champignons que c'est son nom de mousseron qui donna l'anglais mushrom dès les années 1590. « Tricholome », lui, vient du grec trichos (« cheveux ») et lôma (« frange »), en référence à ses lames échancrées, fortement attachées à son pied, sur lequel elles forment comme une frange chevelue.
Vie de champignon : Son nom scientifique, lui, est issu du grec kalos, « beau » et kubê, « tête », signifiant « beau chapeau » et du latin gambosus, que l'on pourrait traduire par « jambe qui a un sacré pied », sans doute en référence à son pied charnu. Un joli chapeau bien dodu, voilà qui en dresse un portrait assez fidèle !
Son chapeau, bosselé et irrégulier, s'étale sur un diamètre de 5 à 15 centimètres et sa cuticule nue, mate, est assez épaisse, recourbant sa marge sur le dessous. Sa couleur uniforme, varie en fonction de sa croissance d'un blanc beige à un abricot pâle, évoquant la croûte d'un pain à peine cuit. Ses lames sont blanches, crème en vieillissant, minces et très serrées. Son pied de 3 à 8 centimètres de haut est trapu (de 1 à 3 centimètres de diamètre), blanc parfois légèrement strié, souvent renflé vers le bas.
Sa chair dense, tendre et ferme, est d'un blanc pur et dégage une forte odeur de farine fraîche mêlée d'accents végétaux (en fonction du substrat sur lequel il pousse) et sa saveur est agréable, assez forte. Ce caractère dans l'assiette en fait un champignon très recherché des gourmands, qui conseillent généralement de le faire revenir à la poêle pour éliminer le maximum de son eau avant de lui ajouter un peu de crème fraîche battue avec un jaune d'œuf.
Il pousse tôt dans la saison, de fin avril à juin en fonction de la zone géographique, avec parfois une deuxième pousse aux alentours de juillet, voire une troisième plus rare, vers octobre. Il vit dans les prés, souvent le long des haies ou en lisières de bois, ainsi que dans les vergers (en particulier de pommiers, Malus domestica), en formant des colonies serrées. Il semble apprécier particulièrement la compagnie des ormes (Ulmus sp.) et des aubépines (Cratagus sp.), et forme souvent des ronds de sorcière.
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Usages traditionnels :
F.S. Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) nous rappelle un édit inattendu :
L'empereur Claude n'est pas, du reste, le seul souverain qui ait eu un goût prononcé pour les champignons. Le pape Clément VII avait, dit Bruyerin, une telle passion pour les champignons qui viennent au printemps, les Mousserons ou les Morilles sans doute, que tous les jours il s'en faisait servir des plats entiers. Il avait rendu un édit qui défendait à tous les sujets de l'État romain d'en cueillir, dans la crainte d'en voir manquer l'espèce. Il mangeait aussi des melons immodérément. Sa mort prématurée fut invoquée comme une preuve certaine que la manière de vivre a de l'influence sur la durée de l'existence. Tombé malade par suite d'abus de ces aliments, tout l'art de Curtius, médecin des plus savants de cette époque, ne put, ajoute Bruyerin, lui conserver la vie.
Symbolisme :
Dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) Lyra Ceoltoir rend compte de son expérience magique avec les champignons :
Dans le chaudron : Le Tricholome de la Saint-Georges est un champignon, de caractère, emblématique de son genre, et peut donc représenter le « champignon par défaut » dans les sortilèges en lien avec le monde fongique. En raison de son statut d'excellent comestible, il peut être dégusté rituellement et entrer dans des recettes de kitchen witchery, au travers desquelles il apporte force, puissance, énergie et dynamisme
Lié au printemps, il est particulièrement associé au sabbat de Beltaine, où il représente les rondes, les danses et les réjouissances emblématiques des festivités du er mai. C'est donc tout naturellement qu'il s'intégrera aux sortilèges d'amitié, d'amour, de joie, de fertilité et de fécondité, idée renforcée par sa pousse en groupes serrés et sa fidélité à un lieu.
Naturellement, comme tous les champignons poussant en ronds de sorcière, il dynamie les sortilèges, accroît leur puissance et aide à se connecter aux autres mondes, dont ces cercles semblent constituer un portail d'entrée (ou de sortie !).
Le Message de l'Autre Monde : « Je suis le printemps. Si les hirondelles ne l'annoncent pas, je m'en chargerai, même si je m'y prends un peu plus tard. Cependant, c'est une patience saine, car j'attends d'être sûr et certain que la belle saison s'est bel et bien installée avant de crier la joie sur tous les toits. Je danse alors des rondes de réjouissances et de fertilité, célébrant la mort de l'hiver et le retour de la saison claire. Réjouis-toi avec moi, danse en ma compagnie, suis-moi sur le chemin de Faërie, car il y a beaucoup à apprendre et à découvrir quand le jour prend le pas sur la nuit. »
Sortilège : Festin de Beltaine
Pour partager entre quatre joyeux convives un délicieux repas féerique lors d'un pique-nique printanier, nettoyez environ 300 grammes de tricholomes de la saint-Georges et coupez-les en lamelles en leur chantant une chanson guillerette et fleurie. Faites-les revenir à la poêle à feu vif dans une petite noix de beurre jusqu'à ce qu'ils aient réduit de moitié, puis baissez le feu, salez, poivrez et réservez.
Dans un saladier, fouettez 3 gros œufs avec de la crème de coco épaisse ou de la crème fraîche, 10 cl. de lait et de la ciboulette ciselée (Allium schoenoprassem). Étalez une pâte brisée dans un moule adapté et piquez-la avec une fourchette en dessinant un sigil approprié ou des runes, un symbole, un monogramme, un mot-clef, etc. en fonction de la bénédiction que vous souhaitez attirer sur votre célébration.
Disposez les champignons sur le fond et recouvrez avec l'appareil, en récitant une petite incantation printanière annonçant le rituel que vous avez prévu à l'occasion de Beltaine. Si vous décidez de dresser un traditionnel mât de mai, vous pourriez dire :
« Premier jour de mai, doux sabbat printanier,
Qui allume en nos cœurs la joie des jours meilleurs,
Nous dresserons dans les prés le mât enchanté,
Et autour danserons pour appeler le bonheur. »
Cuisez votre tarte au four une quarantaine de minutes à 180°C. Partagez cette tarte avec vos proches juste après vos rituels de sabbat, pour vous ancrer et clôturer en beauté vos célébrations de Beltaine.
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Littérature :
Wiliam Shakespeare, dans La Tempête (1611 ; traduction de M. Guizot – Éditions Didier et Cie, 1864), Acte V, scène 1, cite ces fameux ronds de sorcières comme création des fées :
PROSPERO. – Vous, fées des collines et des ruisseaux, des lacs tranquilles et des bocages ; et vous qui, sur les sables où votre pied ne laisse point d’empreinte, poursuivez Neptune lorsqu’il retire ses flots, et fuyez devant lui à son retour ; vous, petites marionnettes, qui tracez au clair de la lune ces ronds (1) d’herbe amère que la brebis refuse de brouter ; et vous dont le passe-temps est de faire naître à minuit les mousserons, et que réjouit le son solennel du couvre-feu ; secondé par vous, j’ai pu, quelque faible que soit votre empire, obscurcir le soleil dans la splendeur de son midi, [...]
Note de l'édition de 1864 : 1) Ces ronds ou petits cercles tracés sur les prairies sont fort communs dans les dunes de l’Angleterre : on remarque qu’ils sont plus élevés et d’une herbe plus épaisse et plus amère que l’herbe qui croît alentour, et les brebis n’y veulent pas paître. Le peuple les appelle fairy circles, cercles des fées, et les croit formés par les danses nocturnes des lutins. On en voit de pareils dans la Bourgogne. Partout où se trouvent ces ronds, on est sûr de trouver des mousserons.
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Dans Anna Karénine (1877), Léon Tostoï fait de la promenade pour cueillir des champignons une occasion manquée de dévoiler ses sentiments :
Après avoir indiqué les bons endroits aux enfants, elle se leva et rejoignit Serge ; ils firent silencieusement quelques pas ; Warinka, étouffée par l’émotion, se doutait de ce que Kosnichef avait sur le cœur. Tout à coup, quoiqu’elle n’eût guère envie de parler, elle rompit le silence pour dire presque involontairement :
« Si vous n’avez rien trouvé, c’est qu’il y a toujours moins de champignons dans l’intérieur du bois que sur la lisière. »
Kosnichef soupira sans répondre, cette phrase insignifiante lui déplaisait ; ils continuèrent à marcher, s’éloignant toujours plus des enfants. Le moment était propice pour une explication, et Serge Ivanitch, en voyant l’air troublé et les yeux baissés de la jeune fille, s’avoua même qu’il l’offensait en se taisant ; il s’efforça de se rappeler ses réflexions sur le mariage, mais, au lieu des paroles qu’il avait préparées, il demanda :
« Quelle différence y a-t-il entre un cèpe et un mousseron ? »
Les lèvres de Warinka tremblèrent en répondant :
« Il n’y a de différence que dans le pied. »
Tous deux sentirent que c’en était fait ; les mots qui devaient les unir ne seraient pas prononcés, et l’émotion violente qui les agitait se calma peu à peu.
« Le pied du mousseron fait penser à une barbe noire mal rasée, dit tranquillement Serge Ivanitch.
– C’est vrai », répondit Warinka avec un sourire.
Puis leur promenade se dirigea involontairement du côté des enfants. Warinka était confuse et blessée, mais cependant soulagée. Serge Ivanitch repassait dans son esprit ses raisonnements sur le mariage, et les trouvait faux. Il ne pouvait être infidèle au souvenir de Marie.
« Doucement, enfants, doucement », cria Levine voyant les enfants se précipiter vers Kitty avec des cris de joie.
Note personnelle. Le mousseron étant un terme équivoque en mycologie, nous ne sommes pas certains que c'est ici le tricholome de la Saint-Georges qui est désigné.
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