Étymologie :
NOMBRIL, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. a) 1155 anat. nomblil (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 737) ; ca 1165 nombril (Benoît de Ste-Maure, Troie, 10865 ds T.-L.) ; 1580 entr'ouvertes jusqu'au nombril « ayant un décolleté très profond » (Montaigne, Essais, éd. Villey-Saulnier, II, XII, p. 457) ; 1959 être décolletée jusqu'au nombril (Rob.) ; 1869 s'admirer le nombril (Lautréam., Chants Maldoror, p.194) ; b) 1842 fig. «centre de quelque chose» le nombril de la mer (Hugo, Rhin, p.212) ; 2. 1581 hérald. (De Bara, Le Blason des Armoiries, p. 22 : diverses places en l'escu [...] place, dicte du nombril, ou bas de la fesse) ; 3. a) 1690 bot. « partie où son enfermés les pépins d'un fruit » (Fur.) ; b) 1721 id. « cavité à la partie des fruits opposée à la queue » (Trév.). D'un lat. pop. *ŭmbĭlīcŭlus, dér. du lat. class. ŭmbĭlīcus, v. ombilic par une série d'altérations ; à partir du lat. pop. *ŭmbĭlīcŭlus on a eu régulièrement umblil (cf. Brut, ms. Munich, 1178 ds Gdf. Compl.), puis par agglutination de l'art. déf. élidé *lonblil (d'où par dissimilation la forme lonbril rencontrée dans des var. ms. de Chr. de Troyes, v. T.-L.) et par agglutination de l'art. indéf. nomblil (Wace, loc. cit.), d'où est issue, par dissimilation du 1er-l-, la forme moderne.
OMBILIC, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1. xives. ombelic « nombril » (Fragm. d'un liv. de medecine, ms. Berne, A 95, fo11 vods Gdf. Compl.) ; 1520 [éd. 1534] ombilic (Le Guidon en francoys, 73b ds Rom. Forsch. t. 32, p. 115) ; 2. 1590 [éd. 1628] bot. ombilic de Venus (Paré, éd. J. F. Malgaigne, III, p.188) ; 3. a) 1762 « dépression à la base ou au sommet de certains fruits » (Ac.) ; b) 1868 « petite élévation que présente le centre du chapeau de certains champignons » (Littré) ; 4. 1840 math. (Ac. Compl. 1842) ; 5. 1884 « point saillant d'un bouclier » (Adeline, Lex. termes art) ; 1889 « point saillant d'un plat » (Havard t. 3) ; 6. 1928 géol. (E. de Martonne, L. Aufrère, L'Extension des régions privées d'écoulement vers l'océan, p. 4 ds Quem. DDL t. 22). Empr. au lat. umbilicus « nombril », attesté aussi, entre autres, aux sens correspondants à 2 et 3, dér. de umbo « toute pièce faisant saillie sur une surface » et en partic. « bosse de bouclier ».
Autres noms : Umbilicus rupestris - Candelles - Carinet - Cotylédon - Coucoumelle - Crêpe à musique - Cymbalion - Escudet - Gobelet - Herbe au chantre - Jardin d'Aphrodite - Ombilic - Ombilic de Vénus - Ombilic des rochers - Ouillette - Oreille-d'abbé -
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Vertus médicinales :
A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les propriétés thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :
Ouillette. Cotylédon. Nombril de Vénus.
Plante grasse venant sur les rochers, en forme d'ouillette, tige de 0 m. 10 a 0 m. 15 de hauteur, fleur monopétale en cloche allongée en tuyau et découpée en plusieurs pointes. Les semences sont très petites ressemblant à de la poussière.
VERTUS : Les feuilles écrasées ou le suc est rafraichissant, répercussif dans les hémorroïdes. Cuites avec de la graisse de porc et mises en cataplasme sur les abcès, les fait percer très promptement.
Usages traditionnels :
Sur le site de l'Association Plantes sauvages 43, on peut lire cet article très intéressant :
Cueillette : Le nombril de vénus pousse très lentement, c’est une plante fragile. Soyez délicat lors de la cueillette. Prélevez les feuilles avec un couteau, pour éviter d’arracher la plante. Et bien sûr ne prélevez seulement la quantité que vous allez consommer. La cueillette se fait d’octobre en mai, jusqu’au début de la floraison, ensuite les feuilles deviennent amères et âcres. La forme de la feuille si caractéristique interdit toute confusion avec une autre plante sauvage.
Usage culinaire : D’un point de vue nutritionnel, le nombril de vénus est riche en oméga 3, en antioxydants, en tanins, en vitamine C et en minéraux (calcium, potassium, silicium et fer). Les feuilles charnues et tendres ont un goût acidulé et agréable. Crues, elles agrémentent les salades en particulier avec du riz. Comme les feuilles peuvent atteindre une taille appréciable, on peut les utiliser comme support à toutes sortes de garnitures (pesto, houmous, tapenade, pâtés végétaux…). Décorées de quelques fleurs (soucis, alliaire, violette…) elles feront des toasts gourmands et colorés pour l’apéro. Cuites elles peuvent permettre d’épaissir des soupes ou des sauces.
Bon à savoir : Gérard Ducerf, botaniste et cueilleur averti, conseille de consommer les légumes riches en acide oxalique (oseille, bette, chénopodes, renouée bistorte…) avec du nombril de vénus car il est un antidote à cet acide dont l’excès peut être responsable de calculs, de goutte, de polyarthrite rhumatoïde, de fibromyalgie et de déminéralisation.
Usage médicinal : Pour certains herboristes, il est l’aloe vera local car comme cette plante médicinale utile pour les soins de la peau, le nombril de venus est riche en eau et en mucilage. Cicatrisante, la feuille est utilisée comme pansement sur les coupures et les brûlures. Pour se faire, on enlève précautionneusement la petite peau qui recouvre le limbe sur les surfaces interne et externe.
Usage rigolo : Certains l’appellent aussi crêpe à musique car la feuille tendue entre les 2 pouces, produit des sifflements.
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Julian Barnard, auteur d'un ouvrage intitulé Sur les traces du Dr Bach et de ses fleurs (© Julian Barnard, 2002 ; Éditions Ulmus, 2002 pour la traduction française) évoque le cheminement du Dr Bach qui choisit pendant un temps le Nombril de Vénus comme élixir possible :
Le Cotyledon umbilicus (la plante s'appelle maintenant Cotyledon rupestris) fut d'abord désignée par Bach comme remède contre l'épilepsie, l'hystérie et les conséquences des traitements au bromure. Il notait qu'il avait un effet bénéfique car il « restaurait la jovialité naturelle du patient » - cette jovialité qui avait probablement été ternie par le bromure. Le Cotyledon (son nom commun est Nombril de Vénus) n'avait aucun effet thérapeutique connu et n'est référencé dans aucun texte d'herboriste ou de pharmacopée. Aussi la sélection de Bach était, si l'on peut dire, originale. Cette plante pousse communément sur les murs en pierres sèches du Pays de Galles et dans le sud-ouest de l'Angleterre et on peut la trouver assez facilement d'Albergavenny-Crickhowell, là où peut-être Bach la découvrit aux côtés de l'Impatiente, la Clématite et la Mimule. Bach préparait le Nombril de Vénus par trituration homéopathique et l'on peut supposer qu'il apprenait les qualités des plantes à travers les tests homéopathiques : en observant leurs effets quand il goûtait un peu de la plante crue. Récemment lorsque je menais une expérience similaire, j'ai eu une nette sensation de désorientation, la sensation d'être drogué, mais pas d'hystérie.
Au début le Nombril de vénus semblait correspondre, pour Bach, à l'un des archétypes ou l'une des qualités spirituelles prévues. Il l'appela « L'hystérique ». Il s'adresse à un type de personnes qui manquent de stabilité émotionnelle, elles sont excitables, nerveuses, donc inutiles en cas d'urgence car elles s'énervent pour un rien. Bach paraissait travailler sur un portrait émotionnel qui serait cohérent avec l'instabilité de l'épileptique : « de nombreux cas d'épilepsie, hystéro-épilepsie et de paralysie entrent dans ce groupe ». Mais il a dû décider qu'il ne correspondait pas exactement aux remèdes-types qu'il recherchait ; ce n'était pas le genre de leçon d'âme pour laquelle on s'incarne. Apparemment il n'avait pas encore décidé s'il allait fonder ses nouveaux remèdes sur l'observation médicale ou sur les grandes leçons d'âme. Mais il allait choisir ces dernières : c'est pourquoi le Cyprès et le Nombril de Vénus allaient devoir s'en aller.
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Symbolisme :
Anne-Marie Prieur, autrice de "La Toilette de Vénus" (in Bulletin de la Société Botanique et Mycologique de la région chambérienne, n°13, 2008, pp. 6-7) s'amuse à recenser les plantes en lien avec la toilette de la déesse :
Des balades dans la nature tout en herborisant et de curieuses découvertes : les cheveux de Vénus, son peigne, son miroir, son nombril, son sabot : il y a vraiment de quoi se poser des questions. Vénus a-t-elle fait sa toilette dans la nature en nous laissant quelques beaux souvenirs ?
Voir un monde dans un grain de sable
Et un paradis dans une fleur sauvage
Tenir l’Infini dans la paume de sa main
Et l’Éternité dans une heure. William Blake
Les fleurs sont dotées d’une forte symbolique et ont joué un rôle important dans les mythes et les légendes. Même les scientifiques, soucieux de descriptions minutieuses de la structure anatomique du monde végétal et d’un classement très rigoureux, ont laissé parler leur imagination dans l’appellation de certaines plantes. Si bien qu’encore aujourd’hui, ces mêmes appellations continuent de faire rêver.
Déesse de l’amour et de la beauté, Aphrodite chez les Grecs, Vénus chez les Romains, n’a laissé personne indifférent. Poètes, peintres et sculpteurs ont laissé parler leur imagination pour nous léguer de magnifiques œuvres (Botticelli et Milo pour ne citer que les plus célèbres). Mais aussi astrologues, médecins et botanistes lui ont rendu hommage en perpétuant son nom. Et c’est en déterminant les plantes que l’on peut découvrir que mythologie et botanique ne sont pas deux mondes totalement différents. Sensibles aux charmes de Vénus, Dioscoride, médecin grec du 1er siècle et Pline, naturaliste romain de la même époque, attribuèrent à certaines plantes des propriétés en relation avec la beauté de la déesse.
[...] Quittant alors ses vêtements, on vit apparaître son nombril. Ce sont deux étranges crassulacées qui furent désignées pour lui faire honneur Umbilicus horizontalis, nombril de Vénus et Umbilicus rupestris, ombilic de Vénus. Ces plantes qui poussent sur les rochers et les vieux murs possèdent des feuilles à l’aspect particulier. De forme quasiment ronde et peltée (le pétiole se rattache au limbe par le centre inférieur), épaisses et ondulées sur le bord, les feuilles partent presque toutes de la base. La feuille se trouve ainsi déprimée en son centre. Sa ressemblance avec un ombilic ne pouvait être qu’évidente. Ses fleurs pendantes forment une grappe allongée couvrant au moins la moitié de la hauteur de la pousse pour Umbilicus horizontalis et plus de la moitié de la pousse pour Umbilicus rupestris. Les feuilles de cette dernière furent employées en médecine comme diurétique. À l’heure actuelle, elle ne serait employée qu’en usage externe pour soigner les plaies. Nous ne les trouvons pas en Savoie.
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Ana M. Cabo-González, autrice de « Quand les propriétés des plantes défiaient l’entendement », (Annales islamologiques, 51 | 2017, pp. 39-51) s'intéresse notamment aux propriétés merveilleuses des plantes :
Nous avons aussi trouvé dans la littérature scientifique des plantes qui sont devenues des philtres d’amour, c’est-à-dire des potions qui permettent d’obtenir l’amour d’une autre personne. Par exemple, le cédratier (utruǧǧ, Citrus medica L.). [...]
Les mêmes propriétés merveilleuses sont attribuées au « nombril de Vénus » (Umbilicus rupestris Dandy) aussi appelé « jardin d’Aphrodite », à « la dionysiaque » (Ornithopus compressus L.), à la mignonette sauvage (Reseda phyteuma L.) et au cyclamen (Cyclamen graecum, Link. et C. europaeum L.).
Dans La Vie érotique de mon potager (Éditions Terre Vivante, 2019), Xavier Mathias ajoute quelques précisions sur le Nombril de Vénus :
Vénus portait-elle des pantalons taille basse ou de bien courtes tuniques pour que l'on reconnaisse son nombril dans cette adorable petite vivace qui saura se contenter de l'interstice d'un mur ? Ou « nombril » est-il un délicat euphémisme désignant en réalité le sexe féminin ? Si l'on se réfère à l'utilisation de cette sobre plante spontanée pour confectionner des philtres d'amour, la Théorie des signatures nous invite à pencher plutôt pour la seconde hypothèse.
Plus simplement, le nombril de Vénus (Umbilicus rupestris) devient acide en été, mais sera un régal toutes les autres saisons mêlé à vos salades ou mescluns.
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Mythologie :
Tony Goupil, dans un article intitulé "Croyances phytoreligieuses et phytomythologiques : plantes des dieux et herbes mythologiques" (Revue électronique annuelle de la Société botanique du Centre-Ouest - Evaxiana n°3 - 2016), détermine une liste des plantes dédiées à Vénus :
Vénus, à la suite de Jupiter, est la déesse féminine qui s’est vue attribuer le plus grand nombre de plantes. Je ne ferais que les citer. Le « char de Vénus » (Aconitum napellus), le « peigne de Vénus » (Scandix pecten-veneris), le « nombril de Vénus » (Umbilicus rupestris), le « miroir de Vénus » (Legousia speculum-veneris), les « cheveux de Vénus » (Adiantum capillus-veneris), l’« attrape-mouches de Vénus » (Dionaea muscipula), le « téton de Vénus » (tomate et Prunus persica). On peut encore citer les « sourcils de Vénus » (Supercilium veneris) pour l’Achillée millefeuille et le Myriophylle en épi, la menthe sauvage par Aphrodites stephanos (couronne d’Aphrodite), la « naissance de Vénus » pour Rosa alba, le « bouquet de Vénus » pour Rosa ou simplement « Vénus » pour Cornus kousa.
J’ajouterais à cette liste la Cardère sauvage (Dipsacus fullonum) qui porte les noms de « lavoir de Venus », « cuvette de Vénus », « baignoire de Vénus ». Rabelais dans son Tiers Livre évoque quant à lui le nom de « cuve de Vénus ». La baignoire de Vénus, Lavacrum veneris en latin ou Aphrodites lutron en grec, est liée à cette déesse, car le suc de cette plante était utilisé comme remède de beauté.
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La Toilette de Vénus : Cheveux de Vénus ; Peigne-de-Vénus ; Miroir-de-Vénus ; Nombril-de-Vénus ; Sabot-de-Vénus ;