Le Papillon citron
- Anne
- 18 juil. 2024
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 juil. 2024
Autres noms : Gonepteryx rhamni - Citron - Limon - Piéride du Nerprun -
Zoologie :
Annick Boidron, dans un article intitulé "Premiers papillons, premiers citrons" (publié le 28 mars 2018 sur le site Au jardin des quatre moineaux) nous apprend que :
Il est antigel : Dès que l'hiver arrive, certains papillons adultes migrent vers des cieux plus cléments. D'autres s'abritent dans les maisons et beaucoup meurent. Le petit citron, lui, se suspend simplement sous une feuille de lierre ou de ronce... et attend. Il est capable de modifier ses fluides corporels pour les rendre antigels et éviter les dégâts. Mais dès le premier rayon de soleil, il se réchauffe et reprend vie. Son petit corps tout noir et velu l'aide à emmagasiner la chaleur collectée par ses grandes ailes, qu'il oriente vers le soleil (1).
Note : 1) Dr. Giuseppe MAZZA, Journalist - Scientific photographer, Gonepteryx rhamni, URL : http://www.photomazza.com/?Gonepteryx-rhamni&lang=en
Vincent Albouy, auteur d'un ouvrage intitulé Les papillons (Éditions Artémis, 2007) attire notre attention sur la stratégie de camouflage du citron :
Forme, couleur, dessin des nervures, tout dans les ailes refermées du citron (Gonepteryx rhamni) fait penser à une feuille. Le camouflage est parfait en hiver quand les feuilles mortes jonchent le sol et s'accrochent aux buissons bas.
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Croyances populaires :
Annick Boidron, dans un article intitulé "Premiers papillons, premiers citrons" (publié le 28 mars 2018 sur le site Au jardin des quatre moineaux) rapporte deux superstitions fatales au citron :
Une bête superstition : Il existe une croyance selon laquelle, si on ne tue pas le premier papillon aperçu au printemps, la malchance nous poursuivra toute l'année (1). Si on en croit une autre, le même acte barbare nous protégerait des couleuvres (2). Le citron n'étant pas au courant de ces bêtises est presque toujours le premier papillon qui volète au printemps. Il ne se méfie pas et paf ! C'est quasi toujours lui l'innocente victime.
Notes : 1) William Hone, The first butterfly, The Table Book, Volume 1, p 677, W. Hone, 1827.
2) Marie-Charlotte Delmas, Dictionnaire de la France mystérieuse, Volume 1, Place des éditeurs, 20 oct. 2016
Symbolisme :
Gérard Guilliot, auteur d'un article intitulé "Le citron, un papillon pressé" (Zoom-Nature) fait du Citron le symbole annonciateur du printemps :
Le mâle du citron est le symbole de la première belle journée d’avant-printemps (parfois dès la fin janvier), une de ces journées qui annonce le printemps même s’il reste encore lointain : un éclair jaune qui patrouille à toute allure le long des chemins, à l’abri des haies, dans les sous-bois, en suivant les lisières. Il porte merveilleusement bien son nom avec sa livrée jaune citron vif sur ses ailes au contour géométrique, juste rehaussées d’un point orange vif sur les ailes postérieures. Les femelles d’un blanc verdâtre n’apparaissent souvent que plusieurs semaines plus tard.
Dans l'article intitulé "Type de papillon et signification : Si vous voyez souvent des papillons, voici ce que cela peut signifier" de Cyril Renault (Ouest-France, 6 septembre 2016, mis à jour le 9 juillet 2024) on peut lire :
Papillon Citron (Gonepteryx rhamni) : Avec ses ailes jaunes vives, le Papillon Citron est souvent associé à la joie, au bonheur et à l’énergie positive. Il symbolise également la lumière et la vitalité.
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Un papillon jaune est souvent associé à la joie, au bonheur et à la vitalité. Il symbolise la lumière, le soleil et l’énergie positive. La présence d’un papillon jaune peut être interprétée comme un signe de bonnes nouvelles à venir, de nouvelles opportunités et de créativité. Il rappelle également la nécessité de rester optimiste et de chercher la joie dans les petites choses de la vie.
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Sur le site d'Alysa Graphique, intitulé Éditions des Fées, on peut lire les affirmations suivantes :
Très souvent, les anges et les fées utilisent des papillons pour nous rappeler leur présence et pour envoyer des signaux pour nous guider dans la vie. [...] Les papillons captent toujours notre attention, alors les anges utilisent ces messagers du royaume physique afin de nous apporter leurs messages de l’esprit. Et donc… Quand vous voyez un papillon, faites attention !.
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Papillon jaune – Il signifie la codépendance et la coopération. Les papillons jaunes ne sont pas des signes faciles car ils prédisent un changement de vie soudain.
Littérature :
Voici l'incipit de Pera palas (Cherche Midi Éditeur, 2012), roman de Gérard Oberlé :
Ce matin-là, en traversant son parc, Chassignet aperçut le premier papillon citron de l'année, celui que les savants nomment Gonepteryx rhamni, appellation quelque peu jurassique pour une créature aussi délicate.
Depuis son enfance, il éprouvait une tendresse particulière pour ce vaillant parpaillot qui, gauche et engourdi après une frustrante hibernation, est toujours le premier à prendre l'air quand le givre couvre encore les prés et les pentes nord des toitures. Ce jaunet glouton, si impatient de butiner dans les friches, c'est la première œillade du printemps, un coup de soleil précoce, une furtive invite à la folâtrerie.
Annick Jauer, autrice de "L’imaginaire du voyage dans ”Le Roman d’un enfant” (1890) de Pierre Loti. (In : Sylvie Requemora, Loïc Guyon. Image et voyage : de la Méditerranée aux Indes, PUP, pp. 249-260, 2012)
[...] Or, la modalité la plus évidente de cryptage dans Le Roman d’un enfant a encore à voir avec l’image puisqu’il s’agit de la superposition : les images se trouvent souvent superposées : « Vraiment je crains de parler trop souvent de ces associations incohérentes d’images qui m’étaient jadis si habituelles ». Le narrateur évoque ici l’association « papillon citron-aurore/ domaine de Bories/ chanson triste du grand cousin » qui se faisait sans cesse dans son esprit, à partir du jour où les petits d’Hermangarde lui offrirent pour sa collection ce papillon jaune aurore si particulier ; Bruno Vercier a montré16 que cette superposition fonctionnait en fait comme un souvenir-écran, visant à occulter le mariage de la sœur trop aimée avec le cousin du Midi Armand Bon. Or, le fait est complètement occulté : ni le mariage ni même la rencontre ne sont mentionnés par le narrateur. Le Roman d’un enfant s’achève donc effectivement au moment où le jeune Julien décide de sa vocation de marin, mais cette décision est motivée par la séparation effective d’avec sa sœur. La superposition des images (qui n’est pas due qu’à la simultanéité des événements de ce moment de sa vie, mais aussi à leur charge symbolique -le papillon offert est mort et pourtant il a pour nom « aurore » parce qu’il « porte, sur les ailes supérieures, une sorte de nuage délicieusement rose, d’une teinte de soleil levant ».)17 L’épisode est donc ici fondamental du point de vue de la constitution du sujet : le jeune Julien, privé de sa sœur trop aimée, va s’orienter vers autre chose, l’Ailleurs du voyage en même temps que l’Ailleurs de l’écriture, qui gardera toujours quelque chose du papillon citron-aurore (mêlant la vie et la mort) et de la chanson triste du cousin : « quand je reçus [le papillon] de leurs mains, […] on entendait […] mon grand cousin qui chantait, d’une voix atténuée en fausset plaintif de montagnard. Il se faisait quelquefois cette voix-là, qui me causait maintenant une mélancolie étrange dans le silence des derniers midis de septembre. Et c’était toujours pour recommencer la même vieille chanson : « Ah !ah !la bonne histoire… » qu’il laissait aussitôt mourir sans l’achever jamais. » Peut-être même pourrait-on dire que l’écriture de Loti se veut une tentative de restitution de cette voix de fausset, via quelques incorrections syntaxiques ou terminologiques...
[...]
Sans le cryptage, il serait impossible de rendre compte des « insondables dessous », de « l’indécise profondeur » de l’être ; or, c’est la tâche qui incombe à l’écriture, qui sera alors seule à même de trouver, en le réalisant, l’Ailleurs auquel aspire l’écrivain.
A cet égard, le papillon « citron-aurore », que l’enfant mettra dans son musée et qui y côtoiera donc le journal intime puisque lui aussi se trouve dans le musée de l’enfant (lieu qui n’est pas « souillé » par ses livres et ses cahiers de collège), ce papillon, donc, est bien le symbole de son écriture, de l’art d’écrire auquel il tente d’accéder pour tenter de rendre la vie, de rendre compte de sa vie. Lisons le passage où l’auteur mentionne pour la première fois son goût pour les papillons : c’est au début du chapitre XVI : « Les papillons, ces pauvres papillons de plus en plus démodés de nos jours, ont joué un rôle de longue haleine dans ma vie d’enfant, je suis confus de l’avouer ; et avec eux les mouches, les scarabées, les demoiselles, toutes les bestioles des fleurs et de l’herbe. Bien que cela me fît de la peine de les tuer, j’en composais des collections, et on me voyait constamment la papillonnette en main » 21. Les papillons, comparés aux autres insectes, ont ceci de particulier qu’ils sont éphémères, bien entendu, et le but de l’écrivain est bien sûr de fixer l’éphémère –avec les papillons comme avec l’écriture. On constatera aussi que c’est un quasi-néologisme qu’emploie Loti pour désigner l’instrument avec lequel il les chasse (une note de Bruno Vercier précise en effet que le terme est donné par le TLF comme un hapax présent seulement chez Loti) : ce néologisme peut être lu comme l’expression du désir de trouver une écriture originale (personnelle) pour rendre compte de sa vie. Surtout, prêtons attention à ce qui suit : « pourtant, les caricatures de Töpffer sur ce sujet me donnaient à réfléchir, et quand Lucette, me rencontrant avec quelque papillon au chapeau, m’appelait de son air incomparablement narquois : « Monsieur Cryptogame », cela m’humiliait beaucoup ». Le « cryptage » est donc mentionné lui aussi, via Töpffer, à l’endroit même où il est question de papillons, symbole de l’écriture ! Il n’y a pas loin en effet de « cryptogame » à « cryptographe » ou « cryptogramme » !
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Mais de tous les papillons de sa collection, c’est le papillon citron-aurore qui va révéler le vrai rapport du jeune artiste à l’écriture : ce papillon destiné à être collectionné est mort, certes, mais ses ailes supérieures comportent une sorte de « nuage délicieusement rose, d’une teinte de soleil levant », ce qui vient bien sûr s’opposer à la mort… de plus, ses couleurs sont « fraîches », et il a été attrapé « sur les regains d’automne ». Le terme « regain », qui désigne précisément la deuxième pousse du foin après la coupe, suggère à nouveau cette vie que le créateur voudrait insuffler à l’écriture. Seule l’écriture est donc capable de saisir la vie en la transformant en immortalité : Le Roman d’un enfant se termine en effet sur une nouvelle évocation de ce papillon, « qui existait toujours sous sa vitre, au fond de mon musée d’enfant ; qui était resté à sa même place, avec des couleurs aussi fraîches, pendant que j’avais couru par toutes les mers ». Enfin… tels ne sont pas vraiment les derniers mots : ils sont plutôt, pour le désenchantement, celui de la vie réelle –et non pour l’immortalité de l’art.
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