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Photo du rédacteurAnne

XII. Le Pendu / Ogmios

Dernière mise à jour : 29 sept.


18 avril 2022 : En ce lundi de Pâques, me vient l'idée de travailler sur le sacrifice, notion qu'Ulla Straessle nous avait proposé dans un stage de chamanisme celte à Goumois, dans le Jura suisse. Il ne me reste donc plus qu'à trouver quelle carte du Tarot pourrait le mieux symboliser cette notion et ensuite... à proposer l'hypothèse d'un équivalent celte...

Après quelques recherches et connexions, je propose donc que nous partions en voyage vers la Vache sacrée et la déesse-vache Damona pour lui demander ce qu'est le sacrifice, ce qu'il signifie ; puis que nous allions vers Lougous afin de savoir ce qui nous sépare de notre capacité à accepter le sacrifice ; pour enfin adopter nous-même la position du Pendu dans notre propre Arbre-monde et observer ce que cela induit...


30 septembre 2024 : 2e tour dans le cycle des arcanes : La carte de la Justice impose Lougous à nouveau... Il faudra donc trouver un autre équivalent pour la carte XII.




Étymologie :


  • PENDU, -UE, part. passé, adj. et subst.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 subst. « personne morte par pendaison » (Chanson Guillaume, éd. D. MacMillan, 344 : Li uns des penduz) ; 2. 1904 horlog. variation du plat au pendu (Nouv. Lar. ill., s.v. variation). Part. passé subst. de pendre*.


Lire également la définition du terme pendu afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Symbolisme :


Marie-Claire a la gentillesse de partager avec nous son travail de condensation par extraits choisis des Méditations sur les 22 Arcanes Majeures du Tarot d'un auteur qui a préféré garder l'anonymat (Éditions Aubier, 1980, 1984) :


Arcane XII : Le Pendu


« Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est de même de tout homme qui est né de l’esprit ». (Jean III)


Le Pendu représente un homme renversé, la tête en bas, pendu par un pied, avec la jambe droite repliée à hauteur du genou et les mains liées dans le dos. L’impression immédiate nous plonge dans le rapport entre l’homme et la gravitation. Chacun de nous est placé dans le système de gravitation cosmique qui détermine les possibilités et les limites de notre liberté. Rien ne s’oppose à la conception de la chute d’Adam comme passage du système de la gravitation spirituelle, dont le centre est Dieu, au système de gravitation terrestre, dont le centre est le Serpent. La chute, comme phénomène, peut bien être comprise comme le passage d’un champ de gravitation à un autre. L’Evangile désigne ceux dont la volonté est soumise à la gravitation de ce monde comme «enfants de ce monde» et ceux dont la volonté suit la gravitation du Ciel comme « enfants ou fils de la Lumière ». « La chair a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à ceux de la chair. Ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez. » (Galates 5, 17)

Le Pendu représente l’état de l’homme dans la vie duquel la gravitation d’en haut a remplacé celle d’en bas. La gravitation d’en haut est aussi réelle que celle d’en bas et l’état de l’être humain qui est passé, de son vivant, du champ de gravitation terrestre à celui du ciel est comparable à celui du Pendu. Il est à la fois un bienfait et un martyr bien réels tous les deux. L’exode dans le Désert n’était autre chose que la manifestation de l’appel irrésistible d’en haut à la solitude et à la vie entièrement vouée à la réalité spirituelle. La « tension de la solitude », le rapport entre la gravitation du Ciel et de la Terre, est l’élément propre aux âmes sous l’emprise de l’attraction d’en haut. C’est dans la solitude qu’elles pouvaient vivre càd développer la température spirituelle, respirer l’air spirituel, étancher leur soif spirituelle et rassasier leur faim spirituelle. L’attraction du Ciel est tellement réelle qu’elle peut saisir l’âme, mais aussi le corps physique.


Alors le corps est emporté et ne touche plus terre. « … Après avoir ramé environ vingt-cinq ou trente stades, ils voient Jésus marchant sur la mer et s’approchant de la barque. Et ils eurent peur. Mais Jésus leur dit : Je suis, n’ayez pas peur ! … » (Jean, 6, 16-20). « Je suis » est la formule de la révélation dans le monde de l’existence de l’essence divine de Jésus-Christ.« Je suis la gravitation, Je suis l’axe et celui qui se tient à moi ne sera jamais englouti ». La peur est due à la menace d’être englouti par les forces élémentaires de la gravitation inférieure, càd d’être emporté par le jeu des forces aveugles de la mer agitée qui est le champ électrique de la mort. Jésus montre qu’il y a un autre champ de gravitation que celui de la mort et celui qui le rejoint peut marcher sur les eaux càd transcender l’élément agité de ce monde, le champ de la gravitation électrique du Serpent.


Ce message contient, non seulement l’invitation à recourir au royaume des cieux, mais encore la déclaration solennelle de l’immortalité de l’âme en tant qu’elle est capable de s’élever au-dessus de la gravitation engloutissante et de marcher sur les eaux.« Je suis la gravitation, de même que le soleil dans le monde visible se porte lui-même et attire les planètes, de même Je suis le vrai soleil du monde invisible qui se porte lui-même et attire et soutient les autres êtres dans leur marche ». L’enstase, le recueillement profond de Jésus marchant sur les eaux ne l’éloigne pas des navigateurs sur la mer agitée de l’histoire et de l’évolution de même qu’elle ne le fait pas disparaître dans la mer calme du Nirvana. Bien au contraire, le Je suis comporte la marche jusqu’à la fin du monde vers la barque de ses disciples.


Il y a trois catégories de lévitation du corps humain ; le ravissement dû à la « gravitation céleste », la lévitation due au courant de l’électricité humaine émis volontairement (magie arbitraire) et involontairement (médiumnité). La lévitation magique arbitraire et la lévitation médiumnique s’effectuent par la force électrique émanant de l’organisme humain et agissant par repoussement, ce en quoi elles différent de la lévitation des saints qui est due à l’attraction d’en haut. Le centre duquel émane le courant nécessaire à la lévitation magique arbitraire est celui du lotus à quatre pétales où se trouve la puissance de la Kundalini, la force électrique latente. Or cette puissance du serpent peut être éveillée et dirigée soit en haut soit en bas et au dehors. Elle sert alors d’agent dans la lévitation.


La loi de la gravitation, de l’évolution et, en général de la vie terrestre, est l’enroulement càd la coagulation de l’étoffe mentale, psychique et physique autour des centres relatifs de gravitation tels la terre, la nation, l’individu, l’organisme tandis que la loi de la gravitation, de l’évolution et, en général, de la vie spirituelle est le rayonnement càd l’extension de l’étoffe mentale, psychique et physique à partir d’un centre absolu de gravitation céleste. « Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Matthieu XIII, 43). La gravitation terrestre, la chair pousse l’humanité vers l’idéal de l’enroulement c'est-à-dire de la possession, de la puissance et de la jouissance, et la gravitation céleste, l’esprit l’attire vers l’idéal du rayonnement càd de la pauvreté, de l’obéissance et de la chasteté.

L’homme qui vit sous la loi de la gravitation céleste présente deux caractéristiques ; il est suspendu et il est renversé. L’âme est suspendue entre le ciel et la terre, elle éprouve une solitude complète parce qu’elle est en dehors du monde aussi bien terrestre que céleste. Cette solitude est le point zéro entre les champs de gravitation terrestre et céleste. C’est de ce point zéro que l’âme s’élève en contemplation des choses célestes et divines ou descend pour agir dans le domaine terrestre et humain mais c’est bien là le lieu de son séjour permanent. La solitude du désert entre les deux mondes est sa demeure. Après l’élévation en contemplation des choses divines ou l’action menée sur terre, elle y retourne.


L’autre trait caractéristique de l’homme spirituel, c’est qu’il est renversé. Cela veut dire que le terrain solide sous ses pieds se trouve en haut tandis que le terrain d’en bas n’est perçu que par sa tête, que sa volonté est liée au ciel et se trouve en contact immédiat -non par l’intermédiaire de la pensée et du sentiment- avec le monde spirituel de sorte que son vouloir sait des choses que sa tête -sa pensée- ne sait pas encore et que c’est l’avenir -les desseins célestes pour le futur- qui opère dans et par sa volonté plutôt que l’expérience et la mémoire du passé. Il est l’homme dont la volonté est en haut au-dessus des puissances de sa tête : de la pensée, de l’imagination et de la mémoire. Il agit d’abord, puis il désire, puis il sent la valeur de son acte et, enfin, il le comprend.


Abraham quitta son pays et se rendit, en traversant le désert, en un pays étranger où, des siècles après lui, un peuple issu de lui devra trouver sa patrie et où encore, des siècles plus tard, l’œuvre du salut de l’humanité devra s’opérer. Savait-il tout cela ? Oui, en ce sens qu’il agissait comme s’il le savait. Non, en ce sens qu’il n’avait, dans sa pensée et dans son imagination, ni plan, ni programme. Or la certitude qui saisit d’abord la volonté et de là se répand sur le sentiment et sur la pensée, est précisément ce que l’apôtre Paul comprend sous le terme de « foi ». Selon lui, « la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. » Sa volonté savait tandis que son esprit et son imagination ne voyaient pas, n’avaient pas l’assurance qui leur est propre. Il obéit pourtant et partit sans savoir où il allait, il agit avant que sa pensée et son imagination eussent compris ce (ceux) qui était impliqué dans son acte. Quand il partit, sa tête suivait ses pieds, ses pieds étaient alors en haut en tant qu’ils exprimaient le commandement du ciel et sa tête leur obéissait et était tournée en bas en tant qu’elle ne voyait que les privations, les risques et les périls. Abraham se trouvait exactement dans l’état du Pendu de l’Arcane XII..


Pour que la volonté puisse percevoir, elle doit changer de centre de gravitation c'est-à-dire se transformer et de « ma » volonté devenir « ta » volonté. Seul l’acte intérieur de l’amour peut accomplir le changement du centre que la volonté sert ou autour duquel elle gravite. Au lien de graviter autour du centre « moi », elle peut s’orienter vers le centre « toi ». Cette transformation, effectuée par l’amour, est ce qu’on appelle obéissance. C’est par l’obéissance que la volonté peut percevoir la révélation d’en haut qui l’inspire, la dirige, la fortifie. C’est ainsi que la volonté des martyrs pouvait tout supporter et la volonté des thaumaturges pouvait tout accomplir. La vocation d’Abraham fut un tel acte de la révélation infuse. La volonté doit être déjà en état d’obéissance afin de pouvoir percevoir l’inspiration ou l’intuition d’en haut et recevoir l’empreinte de la vocation c'est-à-dire le don de la foi.

Le symbolisme est le seul moyen de rendre la pensée et l’imagination capables de n’être pas suspendues lorsque la volonté subit la révélation d’en haut mais de la rejoindre dans son acte d’obéissance réceptive, de sorte que l’âme ait, non seulement la révélation de la foi, mais encore qu’elle participe à cette révélation avec son entendement et sa mémoire. C’est ainsi que les Arcanes du Tarot constituent une école pratique d’éducation de l’imagination en vue de la rendre capable de participer, sur un pied d’égalité, avec la pensée solarisée et la volonté zodiacalisée, à la révélation d’en haut. Elle s’intellectualise alors c'est-à-dire qu’elle perd la chaleur fébrile qui lui est propre et devient lumineuse ; elle se sélénise c'est-à-dire devient lunaire. La zodiacalisation de la volonté, la solarisation de la pensée et la sélénisation de l’imagination veulent dire que la volonté devient l’organe de perception et de d’exécution de l’âme tournée vers Dieu comme l’est le zodiaque dans le macrocosme ; que la pensée devient chaude et lumineuse à la fois, comme l’est le soleil dans le macrocosme ; que l’imagination peut réfléchir la vérité comme la lune réfléchit le soleil dans le macrocosme. Il s’agit donc du sacrifice des trois puissances de l’âme au Ciel qui n’est rien d’autre que les trois vœux traditionnels d’obéissance ou sacrifice de la volonté, de pauvreté ou sacrifice de la pensée et de chasteté ou sacrifice de l’imagination. C’est ainsi que la volonté, la pensée et l’imagination deviennent des réflecteurs de la révélation d’en haut au lieu d’être des instruments de l’arbitraire humain.


Le Pendu représente d’abord l’homme dont la volonté est zodiacalisée ; c’est là l’événement spirituel décisif, la solarisation de la pensée et la sélénisation de l’imagination n’en étant que les conséquences. Les deux arbres, entre lesquels il se balance, portent douze cicatrices de branches coupées. Douze branches parce que le zodiaque est un duodénaire d’action et d’influence ; elles sont coupées parce que le Pendu est hors du champ de leur action et de leur influence et que leur essence est en lui. Les douze branches sont coupées et inactives extérieurement, étant devenues la volonté du Pendu. Il a absorbé le zodiaque, il est devenu lui-même le zodiaque. Il est le treizième, dans la volonté duquel les douze serviteurs de Dieu, qui sont les douze canaux de Sa volonté, sont présents.


Le douze est le nombre des modalités de la Volonté et de son action, le sept est le nombre des modalités de base du sentiment et de l’imagination, le trois est le nombre de la pensée et de la parole, le un est le nombre du Moi qui pense, qui sent et qui veut. La somme de ces nombres (1+3+7+12) est donc vingt-deux et non pas vingt-trois étant donné que le UN transcende, surpasse et embrasse les autres nombres. Voilà pourquoi le Tarot compte vingt-deux Arcanes majeurs, ni plus, ni moins. Le Tarot est donc l’unité commentée de vingt-deux manières symboliques. Le Pendu porte en lui la synthèse des douze modalités de l’action de la Volonté fondamentale et divine qui sont les causes efficientes et finales du rayonnement -le Feu-, de l’expression - l’Air -, de la mobilité -l’Eau - et de la stabilité - la Terre - spirituelles, psychiques et matérielles ou plutôt, il est porté par elle. C’est ce que signifie la réduction de douze à un c'est-à-dire que c’est être pendu, c’est être renversé et c’est vivre sous le signe de la gravitation céleste au lieu de la gravitation terrestre.


Le Pendu est le lien entre l’Etre et le non-Etre, les ténèbres et la Lumière créée. Il se trouve suspendu entre le potentiel et le réel et, c’est le potentiel qui est plus réel pour lui que le réel proprement dit. Il vit par la foi authentique « le don du noir parfait » c'est-à-dire le don de la certitude parfaite puisée du noir des ténèbres ultra-lumineuses. Il y a ténèbres et Ténèbres, les premières sont celles de l’ignorance et de la cécité, les dernières celles de la connaissance dépassant les puissances cognitives humaines ; elles se révèlent à la voyance intuitive. Elles sont ultra-lumineuses dans le sens où les rayons ultra-violets dépassent la visibilité de l’œil humain. Le Pendu est l’Arcane de la foi authentique car sa volonté est privée de son propre mouvement et ne peut qu’être mue d’en haut. Cette foi comporte la certitude absolue, surtout quand elle ne se limite pas à la volonté seule mais réussit à faire participer de son expérience l’entendement et l’imagination tandis que le raisonnement n’aboutit qu’à la certitude relative. Il y a d’autres méthodes de connaissance dites occultes ou supra-sensorielles ; l’expérience de la perception de ce qui est au-dehors et celle de la révélation de ce qui est au-dessus de l’âme ou la perception horizontale et la perception verticale.

Le cœur, le lotus à douze pétales, participe à la fois de ces deux types de vision ou, plutôt, il possède un troisième type de perception clairvoyante qui est la synthèse des deux autres car le cœur est le centre ou le lotus de l’amour. Le cœur abolit toutes les distances et distanciations de l’espace y compris celui de l’espace spirituel. Il perçoit les présences diverses comme des impressions et des nuances de la chaleur spirituelle. « Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures ? » (Luc XXIV, 13-33). Le lotus à douze pétales, le cœur, nous donne la certitude de la foi authentique qui naît dans le « feu d’Emmaüs » et par laquelle se manifeste la présence immédiate des Entités qui veulent faire route avec nous. Ce feu contient à la fois la lumière imperceptible de la vision intellectuelle et la lumière perceptible de la vision imaginaire dans leur synthèse que nous appelons le « feu d’Emmaüs ». Ne méprisez rien, ne rejetez rien si votre foi est authentique car, c’est elle, et elle seule, qui rend toutes choses vraiment utiles et qui leur donne la valeur qu’elles n’auraient pas sans elle !


Le Pendu représente individuellement la synthèse de la sainteté, de la justice et de l’initiation puisque sa volonté est organe du Ciel comme l’est celui du Saint, du Juste et de l’Initié. Il est le Job éternel, l’Eprouvé de siècle en siècle, celui qui représente l’humanité envers Dieu et Dieu envers l’humanité. Le Pendu est l’homme véritablement humain et son sort est celui de l’homme véritablement humain. Il est le représentant de l’humanité qui se trouve entre deux royaumes, celui de ce monde et celui des cieux. « ... Quand je n’aurai plus de chair, je verrai Dieu. Je le verrai, et il me sera favorable ; mes yeux le verront, et non ceux d’un autre ; mon âme languit d’attente en-dedans de moi. » (Job)

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Sur le site de Philippe Camoin, on peut trouver un petit fascicule intitulé Le Tarot de Marseille restauré ou "L'Art du Tarot" par Alexandro Jodorowsky qui propose une liste de mots clefs impressionnante, glanés selon les œuvres de différents auteurs :


XII. LE PENDU


Don de soi - Dieu sacrifié - Esprit dans la matière - Épreuve - Progrès imposé par la douleur - Nature qui arrive à tout par la mort et la renaissance - Ne pas pouvoir naître - Fœtus - Choix difficile - Cacher quelque chose

- Couper des branches pour croître - Être attaché à un passé illusoire - Ne pas pouvoir avancer ni reculer - Vivre dans le présent infini et éternel - Prisonnier de son orgueil - Vivification de la nature par un agent spirituel et extérieur - Ce qui est en haut identique à ce qui est en bas - Ne pas vouloir couper le cordon ombilical - Involution préludant à toute évolution - Âme transformant sa chute en ascension - Esprit transcendant l’espace et le temps et les limitations - Parvenir au vide mental - Descendre de l’intellect au ventre - Vision du mystique - Sainteté - Suicide - Déception - Repousse sa participation à la vie - Défendre une cause - Sacrifice personnel - Indécision sur le plan affectif - Arrêt préparant une transition - Transformation - Passage du concret à l’abstrait - Non-affectivité - Arrêt du pouvoir d’action - Ne pas pouvoir mûrir - Rappel du passé - Peur du futur - Manque de détermination - Abandon de quelque chose - Projet caché - Homme renversant son action pour l’orienter vers la spiritualité dans un sentiment d’attente et d’abnégation - Narcissisme - Masturbé qui se sent coupable - Adoration de son propre phallus - Égoïsme - Éjaculation précoce - Célibataire - Suspension de la sexualité - Problèmes avec le sexe opposé - Fils de parents divorcés - Prophète - Amour non partagé - Remords - Expiation - Mort violente - Intelligence stable - Transformation de la personnalité - Résistance aux influences spirituelles - Autopunition - Hypocrisie - Sagesse intuitive - Artiste - Suspension du désir - Se plier à la volonté de Dieu - Être n’ayant plus son libre-arbitre emprisonné mentalement - Réussite possible dans un projet - Manque de désir - Un homme qui se rend compte de ses erreurs mais les empêche - Vie en attente - Transition qui ne se réalise pas - Ennui - Préoccupé par son ego - Se croit très attaché à quelque chose mais ne l’est en réalité que parce qu’il le veut bien - Fausse liberté - Individu se dégageant de l’égoïsme instinctif pour s’élever jusqu’au divin - Sacrifice rédempteur - Télépathie - Illuminé - Artiste qui conçoit une œuvre mais ne peut la réaliser - Amour non partagé - Homme entre deux appels - Conscience ouverte à la réalité intérieure - Attend la vision directe de la lumière - Criminel s’enfuyant - Bonheur au milieu du malheur - Renaissance - Veut retourner au ventre maternel - Messager du ciel - Esprit de la terre - Dieu incarné - Dévotion - Cadavre qui ne pourrit pas. -Relation entre le divin et l’universel - Exercices pour changer le point de vue - Création de l’homme par l’homme même - Adepte - Châtiment d’un traître - Patriotisme - Régénération - Naissance - Efforts et sacrifices qui se font pour essayer d’obtenir quelque chose qui ne peut s’obtenir - Don des idées spirituelles sans aucune récompense - Forces intérieures reçues par la prière - Foie - Soupçons et jalousies non fondés. Intrigues.

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Alexandro Jodorowsky et Marianne Costa, dans La Voie du Tarot (Éditions Albin Michel, 2004) proposent l'interprétation suivante :


XII - Le Pendu

Arrêt ; Méditation ; Don de soi


Le Pendu, Arcane XII, correspond au deuxième degré de la seconde série décimale, équivalent à La Papesse dans la première série. Comme elle, il indique un état d'accumulation, d'arrêt et de réclusion. Comme La Papesse, il s'est écarté du monde des humains, auquel il n'est plus relié que par la corde qui l'attache, entre les deux arbres qui le soutiennent, à un linteau de couleur chair. Nous avons vu qu'à partir de l'Arcane XI, tous les numéros vont accomplir une descente vers la source de la force originelle, dans les abîmes de l'inconscient. Le Pendu obéit à cette attraction vers le bas et, par sa nature accumulative (le 2), il l'exprime dans un arrêt total, suspendu la tête en bas, les cheveux plongeant vers les profondeurs comme pour s'y enraciner.

Si La Papesse couve, Le Pendu est couvé : il entre en gestation pour faire naître l'être nouveau. Nous retrouvons ici la symbolique de l'œuf, présent dans l'Arcane II. Si La Papesse est mère, Le Pendu est fils. On peut imaginer Le Pendu en gestation dans dans l'œuf de l'Arcane II. Suspendu entre ciel et terre, il attend de naitre. La position des jambes rappelle un peu celle de L'Empereur : l'une est tendue, l'autre pliée. Mais le croisement des jambes de L'Empereur est dynamique, une jambe devant, prête à passer à l'action. Le Pendu au contraire plie une jambe derrière l'autre pour mieux s'immobiliser. De même ses mains, symboles de sa capacité d'agir, sont croisées derrière son dos : il ne fait pas, il ne choisit pas.


Mots-clefs : Sacrifice ; Arrêt ; Ne pas choisir ; Gestation ; Fœtus ; Méditation ; Don de soi ; Profondeur ; Renversé ; Attendre ; Délai ; Suspension ; Repos...


Des deux côtés du personnage, nous voyons des branches coupées, sacrifiées. Pour cette naissance matérielle ou spirituelle qui se prépare, un arrêt est nécessaire. Cela peut être l'arrêt provoqué par une maladie comme celui que l'on consent librement dans la méditation. Sur un plan spirituel, Le Pendu, cesse de s'identifier à la comédie du monde et à son propre théâtre névrotiques, il offre en sacrifice au travail intérieur les inquiétudes de son ego. En ce sens, sa chute est une ascension.

On peut aussi voir dans ce renversement de son corps physique, un renversement du regard et des perspectives : l'intellect est mis à bas, le rationnel cesse de dominer la conduite cependant que l'esprit se rend réceptif, comme en témoigne le jaune sombre des cheveux, à la sagesse intérieure profonde. Le point de vue sur la vie change. On se détache d'une vision du monde héritée de l'enfance avec son cortège d'illusions et de projections, pour entrer dans sa propre vérité essentielle. Vu sous cet angle, Le Pendu nous renverra souvent, dans la lecture, à interroger à la prise de conscience des liens du consultant avec son arbre généalogique. La position du personnage, la tête en bas, rappelle celle du fœtus dans le ventre maternel, et pourra inciter le tarologue à interroger le consultant sur les circonstances de sa gestation et de sa naissance, ou sur des grossesses qu'il ou elle a vécues de manière traumatique dans son histoire. Les deux arbres aux branches coupées peuvent être interprétées comme les deux « arbres » ou lignées maternelle et paternelle, auxquelles la situation névrotique et els abus nous laissent pendus, impuissants et sacrifiés, cachant derrière notre dos, comme le pendu avec ses mains invisibles, des secrets honteux. Cette carte exprimera parfois la culpabilité, les crimes imaginaires symbolisés par les douze blessures sanglantes des arbres, et le châtiment que l'on s'impose ou encore le sacrifice auquel on se sent condamné. La lecture populaire traditionnelle imagine que de l'argent s'échappe des poches du Pendu, qu'il perd ses richesses. Une lecture plus symbolique y verra le sacrifice des « richesses » illusoires de l'ego.

Le Pendu peut aussi évoquer la figure du Christ, [d'où la confirmation de la concordance avec le jour de Pâques] et à travers elle le thème du don de soi. Les douze branches coupées symboliseraient alors les douze apôtres, que l'on a parfois identifiés aux douze déviations de l'ego, autour du Christ représentant le moi universel androgyne. Les marques d'androgynat abondent : les poches du Pendu sont en forme de croissant de lune, mais l'une reçoit alors que l'autre donne : l'une est active et l'autre réceptive. La corde qui l'attache et le soutient est double : d'un côté, à notre gauche, elle se termine par un symbole phallique, et de l'autre, à notre droite, par une forme qui rappelle le symbole du féminin. Par ailleurs, cette même corde porte, à son point d'attache avec le talon du Pendu, un triangle inscrit dans un cercle, pour nous signifier qu'il est rattaché à l'esprit, à l'androgynat spirituel. Et ce, des pieds à la tête, puisque dans ses cheveux nous découvrons, en jaune clair parmi les mèches jaune sombre, un symbole rond solaire et une petite lune.

Cependant, sachant que le Tarot est traversé par l'influence des trois grandes religions monothéistes, on pourra également voir dans les dix boutons de l'habit du Pendu, une allusion à la tradition cabalistique et aux dix séphirots de l'Arbre de Vie. Le premier bouton en partant du cou porte un point, origine de toute création. Puis alternent, dans les quatre suivants, un élément réceptif et un élément actif. Le sixième bouton qui correspondrait à la séphira Tipheret, a la forme d'un soleil à huit rayons, perfection de la beauté qui unit tous les autres éléments. Puis, à nouveau, un élément réceptif et un élément actif, suivis d'un neuvième bouton portant une lune, et d'un dixième où est inscrit un carré, symbole de la terre. La méditation du Pendu lui donne accès à la sagesse universelle qui repose en lui.


Dans une lecture : Cette carte indique un moment d'arrêt que l'on peut mettre à profit pour approfondir ses projets, sa connaissance de soi, son travail intérieur. Elle peut aussi faire référence à un blocage, à une incapacité d'agir. Souvent, elle signalera que ce n'est pas le moment de faire un choix, que la situation ou notre propre regard a besoin de mûrir encore. Le Pendu peut être vu littéralement comme le reflet ou le miroir de l'Arcane XXI, Le Monde, où la position des jambes est similaire. Mas la femme au cœur de la mandorle du Monde danse, alors que Le Pendu est arrêté : il représente l'immobilité complémentaire au mouvement, le fœtus dans le ventre maternel, ou encore le contact profond avec soi-même d'où naît toute réalisation dans le monde.


Et si Le Pendu parlait... « Je suis dans cette position parce que je le veux. C'est moi qui ai coupé les branches. J'ai délivré mes mains du désir de saisir, de m'approprier, de retenir. Sans abandonner le monde, je me suis retiré de lui. Avec moi vous pouvez trouver la volonté d'entrer dans l'état où il n'y a plus de volonté. Où les mots, les émotions, les relations, les désirs, les besoins ne vous attachent plus. Pour me détacher, j'ai coupé tous les liens sauf celui qui m'unit à la Conscience.

« J'ai la sensation de tomber éternellement vers moi-même. A travers le labyrinthe des mots je me cherche, je suis celui qui qui pense et non ce qui est pensé. Je ne suis pas les sentiments, je les observe depuis une sphère intangible où il n'y a que la paix. A une distance infinie de la rivière des désirs, je ne connais que l'indifférence. Je ne suis pas un corps, mais celui qui l'habite. Pour arriver à moi-même, je suis un chasseur qui sacrifie la proie. je trouve la brûlante action dans l'infinie non-action.

« Je traverse la douleur pour trouver la force du sacrifice. Peu à peu je me défais de tout ce que l'on pourrait appeler « moi ». Je rentre en moi-même incessamment, comme dans une forêt enchantée. Je ne possède rien, je ne connais rien, je ne sais rien, je ne veux rien, je ne peux rien.

« Cependant des univers entiers me traversent, viennent me remplir de leurs tourbillons, puis s'en vont. Je suis le ciel infini qui laisse passer les nuages. Qu'est-ce qu'il me reste ? Un seul regard, sans objet, conscient de lui-même, faisant de lui-même la dernière et ultime réalité. Alors j'éclate en pure lumière. Alors je devine l'axe d'une danse totale, l'eau bénite où viennent boire les assoiffés.

« C'est à ce moment-là que je suis l'air pur qui chasse les atmosphères empoisonnées. C'est à ce moment-là que mon corps attaché devient source cataclysmique de la vie éternelle.

« Je ne suis plus qu'un cœur qui bat, qui propulse la beauté vers les confins de la création. Je deviens la douceur paisible dans toute douleur, l'incessante gratitude, la porte qui conduit les victimes à l'extase. Le chemin en pente par lequel on se glisse vers le haut. La lumière vive qui circule dans l'obscurité du sang. »


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Parmi les interprétations traditionnelles


Arrêt - Attente - Immobilité - Le moment d'agir n'est pas venu - Cacher quelque chose - Autopunition - Fœtus en gestation - Secret - Retournement des perspectives - Voir d'un autre point de vue - Ne pas choisir - Repos - Maladie - Grossesse - Conditions de la gestation du consultant - Attache à l'arbre généalogique - Prière - Sacrifice - Don de soi - Méditation profonde - Non-faire - Forces intérieures reçues par la prière...

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Symbolisme celte :


C'est grâce à l'article de Bernard Sergent, intitulé "L’arbre au pourri." (In : Etudes Celtiques, vol. 29, 1992. Actes du IXe congrès international d'études celtiques. Paris, 7-12 juillet 1991. Deuxième partie : Linguistique, littératures, pp. 391-402) que l'assimilation du Pendu à Lougous prend son sens (en particulier avec le parallèle établit avec Odin dans la mythologie scandinave) :


Lucain, dans un passage de la Pharsale (I, 444-446) mentionne trois dieux gaulois à qui l’on offrait des sacrifices sanglants : Teutates, Esus, et Taranis. Ce texte est écrit vers 62-65 après J.-C. Le contexte indique clairement que, pour Lucain, chacun de ces trois dieux recevait des sacrifices hu¬ mains. Il n’en précise pas les modes. [...]

Le premier scholiaste précise - sans indiquer nullement ses sources - les modes sacrificiels : pour Teutates, identifié par lui à Mercure, on asphyxiait des hommes dans une cuve pleine; pour Taranis, identifié à Dispater, on brûlait un certain nombre d’hommes dans des cages de bois ; enfin, pour Esus, identifié à Mars, je cite, homo in arbore suspenditur usque donec per cruorem membra digesserit , c’est-à-dire que des hommes sont suspendus à des arbres jusqu’à ce que la mort survienne par effusion de sang et décomposition des membres.

Le second scholiaste ne détaille pas les sacrifices, note, sans plus fournir de sources, leur atténuation au cours des âges, et modifie les identifications : si pour lui Taranis reste Dispater et Jupiter, par contre il inverse les identifications précédentes : pour lui Hésus est Mercure et Teutates Mars.


[...] Si Bran semble incarner un être primordial dont la décapitation donne naissance au monde, l’opposition du clair et du sombre évoque l’alternance temporelle du jour et de la nuit, c’est-à-dire aussi de la vie et de la mort. En tant que Corvidé, Bran semble représenter l’indistinction de la lumière et de l’obscurité avant l’acte cosmogonique, qui consisterait donc, comme dans la Genèse, à séparer la lumière des ténèbres. Par son plumage noir luisant et par son avidité pour ce qui brille, le corbeau participe à la fois du ciel et des profondeurs. Il est l’être primordial dont la tête (penno-) représente l’origine et la souveraineté qui en découle. Le mot gaulois a d’ailleurs certainement cette connotation tout comme son équivalent latin caput. C’est cette équivalence de la tête et de l’origine qui sous-tend le symbolisme phallique de la tête que Claude Sterckx en lumière chez les Celtes. Quand l’armée mythique passe en Irlande et arrive près d’une rivière infranchissable, on demande à Bran-le-Béni s’il compte construire un pont. Et il répond : il n’y a qu’à « faire un pont de ce chef » (« que celui qui est tête soit pont »). C’est moi qui servirai de pont. » Ce jeu de mots perdu laisse transparaître que la tête du héros primordial représente aussi la voûte céleste, et aussi que Bran en tant que père originel peut être le maître du passage de la mort fertile (« la virtualité » selon Sterckx) à la vie et de la vie à la mort. Sa décapitation est donc envisageable comme le paroxysme d’un sacrifice cosmique qui sépare la lumière des ténèbres en donnant naissance au soleil.

[…]

Chez les Celtes insulaires, la décapitation apparaît comme une épreuve symbolique imposée au guerrier : Cúchulainn coupe la tête du géant Uath qui la ramasse en annonçant qu’il rendra la pareille au héros. De même, dans Sir Gawain and the green Knight, un chevalier vêtu de vert apparaît au cours d’un repas donné la veille de Noël à la cour du roi Arthur, et demande qui osera le décapiter. Gauvain s’avance et lui coupe la tête. Celui-ci la ramasse et part en conviant le héros à subir le même sort l’année suivante. […] La décapitation correspond au passage d’un cycle du temps à l’autre, à la séparation du temps en une période claire et une période sombre. Comme si le passage cyclique de la vie à la mort et de la mort à la vie était travesti comme un enchaînement de crimes d’honneur. Le héros est sacrificateur et sacrifié, vif et mort.

[...]

La lecture la plus acribique décèle, dans le court membre de phrase latin, la triple opération composant le sacrifice humain à Esus :

  • la suspension de la victime dans un arbre ( in arbore ·, si c’était « à un arbre », on aurait eu *arbori)

  • la perte de sang, causée, assez inévitablement, par une blessure délibérée.

  • la dislocation des membres, leur décomposition, ce qui ne peut résulter ni de la suspension, ni de la perte de sang en elles-mêmes, mais, a priori , d’un pourrissement du corps laissé sur l’arbre un temps suffisant (cf. la notion de durée impliquée dans usque donec).

Il suffit alors, en ayant ces données en tête, de se tourner vers les textes insulaires pour les identifier dans un mythe, et l’un des plus célèbres : celui de Lieu Llaw Gyffes dans le Mabinogi de Math, fils de Mathonwy.

On sait en effet comment celui-ci avait épousé Blodeuwedd ; comment celle-ci tomba amoureuse de Gronw Pebyr ; comment les amants complotèrent l’assassinat de Lleu, et purent la réaliser malgré 1’« invulnérabilité conditionnelle » dont il bénéficiait. Et voici le récit de la mort de Lleu :


« Lleu sortit du bain, mit ses chausses et posa un pied sur le bord de la cuve, et l’autre sur le dos du bouc. Gronw se leva alors, à l’abri de la colline qu’on appelle Brynn Kygergyr, et, appuyé sur un genou, il le frappa de la lance empoisonnée, et l’atteignit si violemment dans le flanc, que la hampe sauta, et que le fer resta dans le corps. Lleu s’envola sous la forme d’un oiseau en jetant un cri strident, affreux, et on ne le revit plus ».


Mais l’essentiel est la suite de l’aventure : Gwyddyon, le protecteur de Lieu Llaw Gyffes, cherche Lleu mort, et grâce aux renseignements obtenus d’un porcher - être de l’autre monde parvient, en suivant une truie – être chtonien - à un arbre :


« Gwyddyon vint sous l’arbre et regarda ce que mangeait la truie. Il vit que c’était de la chair pourrie et des vers. Il leva les yeux vers le haut de l’arbre et aperçut un aigle au sommet. A chaque fois que l’aigle se secouait, il laissait tomber des vers et de la chair en décomposition que mangeait la truie. Gwyddyon pensa que l’aigle n’était autre que Lleu, et chanta cet englyn :

Chêne qui pousse entre deux glens, l’air et le vallon sont sombres et agités : si je ne me trompe, ces débris décomposés sont ceux de Lieu.

L’aigle se laissa aller jusqu’au milieu de l’arbre. Gwyddyon chanta un second englyn : Chêne qui pousse sur cette terre élevée, que la pluie ne peut plus mouiller, n’a pas amolli, qui a supporté cent quatre-vingts tempêtes : à son sommet est Lieu Llaw Gyffes.

L’aigle se laissa aller jusque sur la branche la plus basse de l’arbre. Gwyddyon chanta un troisième englyn :

Chêne qui pousse sur la pente... Si je ne me trompe, Lleu viendra dans mon giron.

L’aigle se laissa tomber sur les genoux de Gwyddyon. D’un coup de sa baguette enchantée, Gwyddyon lui rendit sa forme naturelle. On n’avait jamais vu quelqu’un présentant plus triste aspect : il n’avait que la peau sur les os ».

Or, nous avons là, transposés en mythe divin tous les éléments discernables dans le sacrifice à Esus de la scholie :

  • une blessure, qui, dans le mythe, expédie immédiatement Lleu dans l’Autre Monde. - Il devient alors oiseau.

  • une « installation » dans un arbre - non pas une « suspension », Lleu, oiseau divin, se pose sur le sommet de l’arbre. Dans l’économie du mythe, Lleu, disparu, ne peut être « suspendu par personne. Inversement, si, à ce mythe, répondait un rite, l’homme représentant le dieu devait bien être attaché, suspenditur, à l’arbre - surtout si c’était à son corps défendant, et a fortiori s’il était déjà mort.

  • un pourrissement - dont il faut croire qu’il a commencé immédiatement après le coup de lance mortel, et que Gwyddyon l’interrompt par ses incantations. Lleu est bien mort, l’opération (druidique) de Gwyddyon le fait ressusciter : il sera bientôt roi.

Il n’y a donc pas pendaison rituelle et écartèlement dans les textes insulaires. Mais il y a bien pourrissement sur un arbre après un coup de lance mortel.

Conclusions. Elles sont notables :

1. Esus est Lleu. Lequel est la forme galloise de Lug. Donc Esus est Lug. Lug est le dieu gaulois identifié par les Romains à Mercure. Le cercle se referme : c’est bien à Mercure qu’est dédiée la stèle de Trêves où sont représentés le dieu (anonyme) et le taureau aux trois grues. C’est bien à Mercure que la seconde scholie bernoise identifie Esus. Et c’est encore Mercure le dieu de Lezoux sur la statue duquel on pense devoir lire le nom d’Esus : c’est le plus important des dieux celtiques.

2. [...]

3. Au sujet du sacrifice à Esus et de la pendaison présumée, la comparaison avec Odinn est venue souvent sous la plume des auteurs. A bon droit :

a) parce qu’Odinn, dieu qui s’est lui-même pendu à l’Arbre du monde, est aussi le dieu des pendus, Hangagod, Hangatyr, heimthingadr hanga, et le dieu à qui l’on sacrifiait quantité d’hommes par pendaison. Cela nous enseigne le rapport du rite de la scholie de Lucain au mythe de Lleu ; à Lug, dieu tué par la lance, mis sur l’arbre, pourrissant, on sacrifiait des hommes en les perçant de la lance - tout comme Odinn se le fit et pour qui on le fait -, on les suspendait à un arbre, on les laissait pourrir. Il y a identification du sacrifié et du dédicataire du sacrifice.


b) parce qu’Odinn est aux Germains ce que Lug est aux Celtes : le dieu souverain, mort et ressuscité, et les deux récits ont d’étroits parallèles. J’ai étudié ailleurs - et sans penser alors à Esus et à ses victimes - ce thème de la « passion du dieu suprême ».


4. Le texte du Mabinogi donne la raison du sacrifice décrit par la scholie : il s’agit d’un sacrifice royal, à valeur initiatique. Le sacrifié représente le futur roi. - Dans la réalité rituelle, on doit penser que l’homme sacrifié et laissé à pourrir était un substitut du roi, comme il en a existé dans diverses civilisations indo-européennes.

5. Il est possible de dater, calendairement, les trois sacrifices de la scholie de Lucain :


— la noyade dans le chaudron appartient aux mythes de Samain, au 1er novembre en calendrier chrétien.

— l’incinération d’hommes et d’autres êtres vivants, connue par César et par la scholie à Lucain, se rattache incontestablement aux rites de Beltene, localisés au 1er mai.

— un sacrifice à Lug ne peut avoir alors eu lieu que lors de la grande fête de Lug, Lugnasad, au 1er août.

*

*

Dans le livret accompagnant le jeu de cartes du Tarot des Druides de Philip et Stephanie Carr-Gomm (Édition originale 2004 ; traduction française : Édition Véga, 2014), on trouve le petit texte explicatif suivant :


Le Message : Allez maintenant plus loin et abandonnez vos efforts. La véritable liberté et indépendance sont trouvées grâce à l'abandon.


Mots-clefs : Renversement des valeurs ou des attitudes - Patience - Abandon ou Sacrifice - Paix - Indépendance.


Signification : Paix, compréhension et patience.

Les graines de l'inspiration seront bientôt moissonnées lors d'une période d'activité créative couronnée de succès -

Vous connaîtrez des sentiments profonds qui semblent n'avoir pas grand-chose à voir avec votre situation quotidienne, à mesure que votre conscience intérieure et sensibilité se développent -

Lâcher-prise des attentes pour découvrir davantage sur une situation particulière -

Un renversement radical des valeurs ou des attitudes.


***

Mots-clefs : Incapacité à lâcher-prise - Déni de parties de soi - Manque de conscience de soi ou d'intuition - « Victimisation ».


Sens inversé : Action avec un motif égoïste - Vous faites de votre mieux, mais vous vous sentez vulnérable, car vous n'agissez pas en pleine conscience et avec intégrité - Impression d'être un martyr ou une victime - Sentiment d'être déraciné ou ennuyé - Vos priorités et votre attitude envers la vie peuvent avoir des conséquences négatives sur votre situation.

*

*

Gérard Poitrenaud, dans un article intitulé "Lugus, dieu aux oiseaux ? Notice sur les dieux celtes, 2" (2016) établit un lien entre Lugus et le roitelet :


Concluons que le roitelet peut être rapproché de Lugus, car il est un dernier venu minuscule et un maître de l’ordonnance cyclique de l’univers dispensatrice de fécondité. Il embrasse les contraires : petit et grand comme l’amour et comme l’instant qui contient le principe du temps, fort et faible, au plus haut des cieux et sous la terre, vainqueur et vaincu, pur et impur ; il se distingue par le double sens et l’ambivalence de ses paroles, de ses échappatoires, de ses subterfuges et de son comique. La chasse au roitelet — le 26 décembre en Angleterre, le 31 décembre à Llofriu en Catalogne et le 1er de l’an en Écosse — apparaît comme un sacrifice lié au passage de l’ancienne à la nouvelle année et à l’abondance attendue. L’offrande aux dieux du petit roi semble être le principe fécondant qui amorcer les bienfaits d’un grand roi et l’abondance pour l’année à venir. Il est trop question de jeunes garçons chasseurs de roi et rois chassés : on peut envisager que le roitelet porté triomphalement pas les jeunes garçons a remplacé l’un de ces jeunes rois de la fève choisis par le sort, qui représentent une promesse d’abondance à venir, comme le germe et le gâteau. Il y a un rapport profond entre le rituel de fin d’année de l’oiseau royal et celui de la fève passée aujourd’hui dans la galette des Rois. Le roitelet déchiré, partagé et donné à manger une fois l’an à toute la population est donc dans la lignée de Doummouzi, d’Adonis et de Dionysos un dieu fécondant qui meurt et qui renaît en mettant en œuvre le retour de l’abondance suivant un cycle éternel. Deux personnages divins se rencontrent dans la saturnale celtique : le vieux « roi » sans âge et le jeune « roi » consubstantiel dont le sacrifice contribue au rajeunissement, à un renouvellement qui est aussi le renouvellement de l’année et le renouvellement du temps. C’est aussi le culte du serpent cornu Crom Cruach qui dans l’Irlande préchrétienne exige des sacrifices humains en échange de la fertilité. On a rapproché ailleurs ce double aspect du puer senex thématis à propos de Cernunnos. Le dieu aux oiseaux peut être jeune et imberbe ou barbu et d’âge mûr. Selon Bernard Sergent, cette ambivalence exprime les deux stations du dieu, avant et après l’épreuve initiatique ou le sacrifice primordial. Le sacrifice du dieu jeune met en évidence sa faculté de créer et de se régénérer, tandis que sa maturité montre son apothéose en tant que souverain suprême et éternel. De même, le caractère sexuel et phallique de la chasse au roitelet et des rituels de son élévation sont associés au renouvellement du temps et de l’abondance universelle

[…]

Lleu est un dieu qui meurt et revient à la vie dans le Mabinogi de Math fils de Mathonwy qu’on a déjà vu. Tout se passe comme si la mort et la vie étaient les deux domaines de son règne, qu’il avait à parcourir. Son épouse infidèle Blodeuwedd (« visage de fleurs ») lui soutire le secret que la seule arme qui peut le tuer est un javelot fabriqué tout au long d’une année en n’y consacrant que le temps d’une élévation à la messe du dimanche. La lance, la rapidité extraordinaire et la maîtrise du temps ou du non-temps de l’Autre monde semblent donc être les trois éléments de son être profond : la lance mystérieuse est-elle l’arbrisseau poussé en un an dans le bois sacré, c’est-à-dire dans le domaine des dieux en dehors du temps ? Les autres éléments du secret trahi par Blodeuwedd, à savoir sa position un pied sur le dos d’un bouc et l’autre sur le bord d’un baquet révèlent d’autres attributs divins ; et c’est cette mise au jour qui rend le dieu vulnérable. On ne saurait ignorer l’aspect sexuel de la mise en scène, entrevue par Bernard Sergent et que devait saisir l’ancien public habitué à comprendre à demi-mot ce qui ne pouvait pas être dit ouvertement : la position délicate pendant laquelle Lleu peut être tué est semble-t-il pendant son union avec la femme-fleur. Et cette mort n’est pas une mort définitive, si on la comprend comme la fin de sa vie de jeune homme et son passage à l’âge adulte à travers une phase d’impureté symbolisée par « l’aigle pourrissant » et par la truie qui vient tous les jours manger sa chair. Toujours est-il que, lorsque son rival, le chasseur Gronw Pebyr, le tue ainsi « perché », il se transforme en aigle et s’envole, révélant par la même ce qu’on pourrait appeler son être profond plutôt que son âme.

*

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Kristoffer Hugues, dans Les secrets du tarot celtique (Llewellyn Publications, 2017 ; Éditions De Vinci, 2021) présente le Pendu,


Abandonnez corps, cœur et esprit


Affirmation : Je connais la vraie valeur du sacrifice


Mots-clefs : Sacrifice - Lâcher-prise - Abandon.


Voyez la rivière de la Mère couler derrière l'Arbre du Monde, son passage du temps ignoré du cœur de l'homme. Et maintenant, regardez-moi : pendu à cet arbre, Fou transformé, oscillant entre les grands piliers et le portail de la Mort, du plus grand mystère de la Vie.

Je me soumets à l'Awen qui irradie de mon front et par lequel je scintille, m'abandonnant au courant de lumière qui circule à travers mon esprit. Je le reconnais, et il s'exprime à travers moi. Soumettez-vous aux forces de la nature et reconnaissez la nature de l'arbre qui fait également office de gibet. Ce qui donne la vie pet aussi la retirer. Les gens viennent jusqu'à cet arbre y déposer des offrandes, des bouts de tissu qui balancent sous la brise. Mais le don ultime est celui du sacrifice ; connaissez-vous sa nature ?

Je suis le chemin qui mène la gloire, et derrière moi se tiennent la Mère et la force créatrice. Comme Gwydion, qui s'est fié à son instinct et fut mené à l'Arbre du Monde, n'oubliez pas que parfois, c'est la magie qui apporte clarté, inspiration et transformation. Fiez-vous aux arbres pour en tirer la sagesse de tous les temps.


Interprétation : Il y a de toute évidence une connexion profonde au problème ; cette lame suggère en effet que vous savez de quoi vous parlez. Mais vous devez appréhender cette situation avec votre individualité propre. Très souvent, nous sommes poussés à adopter des schémas de conformité par par simple sentiment d'obligation, mais parfois, nous n'avons pas d'autre choix que de nous individualiser et d'assumer ce pouvoir. Vous aurez peut-être besoin de temps pour intégrer spirituellement parlant le voyage que vous avez mené jusqu'ici, en particulier si la question à trait à des problèmes essentiels et à des interrogations de nature spirituelle. pour y voir suffisamment clair, il faut à tout prix de la confiance dans l'équation. Faites-vous confiance, et acceptez que les autres puissent avoir confiance en vous.

Inversée, cette lame suggère que vous menez une lutte intérieure sans encore vous être arrêté à ce qui pose vraiment problème. Il vous faut donc prendre un peu de recul afin de réévaluer la situation. Avez-vous confiance en vos propres capacités ? Vos valeurs sont-elles les vôtres, ou les assumez-vous par simple question de principe ? Pourquoi campez-vous-sur vos positions ?

*

*

Marine Lafon et Sandrine de Borman proposent une équivalence entre les 22 arcanes majeures du Tarot et 22 plantes majeures chez les Celtes dans un Tarot des plantes sauvages, Initiations végétales pour s'éveiller à soi (Tana Éditions, 2022) ; ainsi le Pendu est associé au Coquelicot.




A propos du Sacrifice :


Voici un article en date du 21 mars 2022 du site Jepense.org qui propose une synthèse intéressante sur la question :


Le sacrifice en spiritualité : comment l’interpréter ? Quel est la signification du sacrifice dans la Bible et les différentes religions ? Quel sens symbolique ?

Le « sacrifice » peut être abordé de différentes manières :

  • c’est d’abord une offrande à une divinité, à travers un rite de mise à mort, de destruction ou d’abandon de la chose offerte,

  • le sacrifice peut aussi être le don de soi, relevant d’une démarche intérieure (effort, discipline, ascèse) et/ou tournée vers les autres (dévouement, générosité, charité).

Dans les deux cas, le sacrifice est un abandon : abandon d’un être ou d’un objet précieux pour l’offrir à une divinité, ou abandon de soi-même et de son individualité pour aller vers quelque chose de plus grand et de plus noble.

Le mot « sacrifice » vient du latin sacrificare qui signifie « faire sacré ». L’irruption du sacré est ici essentielle : le sacrifice confère une dimension des plus élevées à l’objet ou l’être offert.

On remarquera que c’est le plus souvent un être innocent qui est sacrifié (un bélier, un taureau, un agneau ou même un enfant dans les civilisations précolombiennes) : ainsi, le sacrifice montre la détermination de l’Homme à gagner cette innocence.

Plus l’objet est précieux, plus la perte sera grande, plus le potentiel d’élévation spirituelle sera important. Le vocabulaire du sacrifice comporte, entre autres, les termes suivants :

  • l’immolation : c’est la mise à mort d’une victime. On parle d’immolation par le feu, par l’eau ou par la terre,

  • la libation : c’est l’action de répandre un liquide (du vin, de l’huile, du lait) en offrande à une divinité,

  • l’oblation : c’est l’acte d’offrir quelque chose à une divinité, par exemple le pain et le vin de l’eucharistie, ou encore un mannequin qu’on brûle (Burning Man),

  • l’hostie : dans l’Antiquité, l’hostie désignait la victime immolée,

  • la propitiation : c’est le fait de rendre une divinité « propice » à travers un acte sacrificiel. Chez les Hébreux, la fête des Propitiations était célébrée le dixième jour du septième mois religieux,

  • l’holocauste : chez les Hébreux, l’holocauste était un sacrifice religieux consistant à brûler un animal sur l’autel du Temple de Jérusalem.

« Holocauste » est parfois utilisé de façon controversée pour désigner le génocide des Juifs par les nazis, comme pour suggérer un sacrifice voulu par Dieu : le sacrifice consisterait alors à accepter sa propre mort, son propre assassinat.


Le sacrifice dans les différentes traditions religieuses et spirituelles : Présent à toutes les époques et dans toutes les cultures, le sacrifice est un témoignage de dépendance, de soumission, de repentir ou d’amour de l’Homme pour ce qui le dépasse : Dieu, les esprits, la Nature.

Le bien offert devient sacré et inaccessible. Le geste même est sacré : il détourne l’individu de ses attachements, de ses envies et de ses instincts.

L’exemple le plus évident est celui d’Abraham acceptant de sacrifier son fils Isaac pour obéir à l’injonction divine (Livre de la Genèse). Au dernier moment, un ange arrête le geste du patriarche (cf. Le Sacrifice d’Isaac du Caravage en tête de cet article). Une légende similaire existait dans la Grèce antique. Ici, le sacrifice peut être interprété comme un test, une mise à l’épreuve.

L’Ancien Testament mentionne cinq principaux types de sacrifices (Livre du Lévitique) :

  • l’holocauste : sacrifice volontaire d’un taureau, d’un oiseau ou d’un bélier,

  • l’offrande végétale : offrande d’un produit de l’agriculture,

  • le sacrifice de communion : sacrifice d’un animal suivi d’un repas communautaire,

  • le sacrifice d’expiation : sacrifice obligatoire d’un jeune taureau, d’un bouc, d’une chèvre, de deux pigeons ou tourterelles, ou encore de deux litres de fleur de farine pour se purifier d’un péché,

  • et le sacrifice de culpabilité : sacrifice obligatoire d’un bélier pour expier certains péchés.

Mais les textes précisent en même temps que ces sacrifices ne peuvent jamais mener à la perfection. L’Epître aux Hébreux (Hébreux 9 et 10) parle d’un seul sacrifice pour les péchés : celui du Christ. Rappelons que l’Ancien Testament annonçait déjà la venue du messie et sa fin tragique.


Le sacrifice de Jésus : Jésus, agneau de Dieu, accepte son arrestation, sa chute et son humiliation : il se sacrifie pour montrer l’exemple et racheter les péchés des hommes.

Ainsi, Jésus montre le chemin de l’Esprit au sein de la matière : l’injustice doit être acceptée, le mal doit être embrassé, tout doit être pardonné. Telle est la voie de l’éveil et du bonheur.

Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. (Matthieu 16, 24-25).

Enfin, pour Jésus, le véritable sacrifice consiste en la miséricorde, c’est-à-dire en la compassion :

Allez, et apprenez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. (Matthieu 9, 13).


Le sacrifice en franc-maçonnerie : En franc-maçonnerie, le sacrifice renvoie à celui de Maître Hiram, qui est mort pour avoir refusé de livrer les secrets aux trois mauvais Compagnons, lesquels symbolisent l’ignorance, le fanatisme et l’ambition.

Le sacrifice renvoie alors à une résistance intérieure contre ces Compagnons qui, en réalité, se cachent au fond de nous-même. Il s’agira de les démasquer et de les mettre à distance.

Autrement dit, le franc-maçon est celui qui se méfie de lui-même avant de se méfier des autres. Eveillé, il sait se remettre en cause, dépasser ses opinions, changer d’avis, abandonner ses préjugés : tel est le sens maçonnique du sacrifice.

De même, en alchimie spirituelle, le sacrifice correspond à l’Œuvre au noir, qui consiste en une dissolution ou une séparation : c’est le détachement du corps, la rupture avec la partie illusionnée de soi-même. C’est la libération de l’âme par la mort symbolique.

Sacrifice et martyre : La question du sacrifice se pose aussi en temps de trouble, de conflit ou de guerre.

Un martyr est un individu qui accepte de mourir pour sa foi ou son idéal. Il devient alors un héros. Posant les armes, reconnaissant sa défaite matérielle, il accède à la victoire spirituelle. Se faisant victime, il se délie de toute culpabilité : le paradis lui est ouvert.

Mais ce type de sacrifice peut parfois dévier vers un certain fanatisme, notamment lorsqu’il entraîne l’autre dans sa chute, à l’image des kamikazes japonais ou des terroristes préparant des attentats suicide. On s’éloigne alors du sens spirituel du sacrifice.


Le sacrifice en spiritualité : son sens profond : Tout sacrifice implique un effort, un dépassement : il s’agit de renoncer à quelque chose qui nous était utile, précieux, essentiel, vital, ou auquel on s’était attaché.

On peut voir le sacrifice comme un échange qui implique un prix à payer : les choses matérielles doivent être abandonnées contre la promesse d’accéder aux vérités spirituelles.

C’est la raison pour laquelle l’objet sacrifié devient sacré, c’est-à-dire parfait et inaliénable : il se spiritualise, comme nous nous spiritualisons nous-même.

L’ultime sacrifice concerne notre propre personne, qui par définition constitue ce que nous avons de plus cher. Là encore, nous renonçons au corps-matière pour nous élever vers les choses de l’esprit. Le sacrifice participe d’un chemin de compréhension et d’éveil : il nous ouvre la porte des mystères.

On peut aussi voir le sacrifice comme une forme d’hommage rendu, de reconnaissance à l’égard de ce qui nous dépasse.

Le symbolisme du sacrifice a à voir avec celui :

  • du sang,

  • du feu,

  • du pain (l’hostie),

  • du vin,

  • de la porte,

  • du paradis ou Royaume de Dieu,

  • de la croix de Jésus en tant qu’instrument du supplice et du salut,

  • des scarifications,

  • du taureau (tauroctonie dans le culte de Mithra ; tauromachie),

  • de l’agneau , du bélier, de la chèvre.

Conclusion sur le sacrifice en spiritualité : L’objet du sacrifice est la purification de l’âme par le renoncement à la matière et à l’individualité. Le sacrifice permet de rompre le lien faussé que nous avions avec le monde : il nous lave de nos illusions et de nos péchés, il nous confère la victoire sur notre animalité.

Se sacrifier, c’est traverser la douleur et accepter de mourir, symboliquement ou réellement. C’est renoncer à avoir raison, à posséder, à décider. C’est mettre de côté son ego. C’est se remettre en cause, tolérer, pardonner. C’est aussi accepter son destin, reconnaître le parfait ordre des choses et s’en remettre à Dieu.

Ainsi, le sacrifice marque un recentrage, un retour à l’unité divine et cosmique. C’est d’abord et avant tout un chemin intérieur, une voie qui mène à la paix et à l’amour, et qui passe donc par l’autre.

Le sacrifice est rarement exempt de souffrance : mais paradoxalement, c’est une souffrance qui épanouit, une soumission qui libère.

Le sacrifice le plus beau, le plus profond est peut être celui qui est inconscient : c’est l’élan spontané vers les autres et vers Dieu, marquant l’entrée dans la Vie véritable, une plénitude authentique dans laquelle la souffrance a fini par disparaître.


Citation sur le thème du sacrifice en spiritualité :

La liberté est dans le sacrifice au nom de l’amour. (Andreï Tarkovski)

La générosité, c’est toujours le sacrifice de soi, il en est l’essence. (Henry de Montherlant).

Il n’y a de sacrifices valables que ceux sur lesquels on se tait. (Henry de Montherlant).

L’humilité est l’autel sur lequel Dieu veut qu’on lui offre des sacrifices. (François de La Rochefoucauld).

La charité n’est une vertu que dans la mesure où elle est sacrifice. (Firmin Van Den Bosch).

*

*




Le sacrifice chez les Celtes :


Selon Jean-Louis Brunaux, auteur d'un article intitulé "Sacrifices humains chez les Gaulois. Réalités du sacrifice, réalités." ( In : Le sacrifice humain en Egypte ancienne et ailleurs, Editions Soleb, 2005) :


Le sacrifice humain, en tant que pratique rituelle exceptionnelle, utilisée dans des buts très particuliers (divination, purification d’une armée ou d’une ville, action de grâce, etc.) ou à la faveur d’événements (guerre, famine, fléau naturel, etc.) ne pose donc, à mon avis, aucun problème. Sur ce point, les Gaulois paraissent n’avoir point beaucoup différé de leurs voisins grecs et romains qui, jusqu’à la fin du iie siècle avant J.-C., pratiquèrent de tels rites. Peut-être moins souvent qu’en Gaule, mais nous n’en sommes même pas sûrs.

Les seules difficultés que soulève aujourd’hui ce dossier viennent des archéologues eux-mêmes, qui supposent voire affirment que l’offrande de victimes humaines était courante en Gaule et que bon nombre de vestiges archéologiques en témoignent (dernièrement : Lambot et Méniel, 2000)

[…]

La donnée fondamentale est qu’il s’agit d’une offrande à un dieu. Pour qu’une offrande matérielle ou qu’un sacrifice lui soit offert, le dieu doit être présent physiquement là où se déroule le rite. Par « physiquement » il faut entendre sa représentation (sa statue, son symbole, un bois sacré où il est censé se trouver) et/ou le domaine qui lui est propre (l’espace sacré, le sanctuaire ou le temple). Pour que le rite se déroule conformément aux règles religieuses habituelles, celles de la plupart des civilisations antiques (en tout cas celles des Celtes), celui-ci doit utiliser l’intermédiaire habituel entre les dieux et les hommes qu’est l’autel. L’autel peut prendre des formes différentes, parfois monumentales, parfois simplement mobilières (table portative par exemple). Mais nous savons que chez les Celtes, il apparaît généralement sous la forme d’une structure creuse (une ou plusieurs fosses en forme de silo), en tout cas sous une forme qui laisse des traces archéologiques. Cette forme d’offrande qu’est le sacrifice est le geste d’une communauté plus ou moins large qui, de cette manière, communique avec le dieu par ce simple don, par des prières, par la consommation d’une partie de la victime ou par celle d’autres offrandes alimentaires. Cette communauté temporaire des hommes et des dieux suppose un lieu adapté : c’est généralement le lieu sacré qui est configuré de façon à accueillir la communauté participante. Cela peut être aussi un lieu aménagé pour cette occasion précise, une sorte de sanctuaire provisoire, mais qui lui aussi est susceptible de laisser des traces détectables par l’archéologue. S’il y a eu une consommation commune par les hommes et les dieux, elle est évidemment propre à laisser des vestiges. Dans le cas du sacrifice humain, la victime n’est pas consommée par les humains. Elle l’est, en revanche, par le dieu, évidemment de façon symbolique, mais qui prend une forme matérielle: soit la dépouille humaine est enfouie pour rejoindre la demeure souterraine du dieu, si celui-ci est de nature chthonienne, soit elle est brûlée ou découpée. Dans tous les cas, il est peu probable que soit retrouvée la totalité des restes osseux. […]

Je pense, comme plusieurs historiens actuels des religions, qu’il faut s’en tenir à une définition très stricte du sacrifice humain, qui seule permettra de faire progresser nos analyses. Le sacrifice humain est une offrande faite à un dieu précis. Le don à la divinité se traduit par la mort de l’individu. La dépouille humaine acquiert immédiatement un statut particulier : elle appartient au domaine sacré et ne peut en sortir qu’à la faveur de rites de désacralisation.

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Dans L'Oracle de la sagesse gauloise (Éditions Le Courrier du Livre, 2021) écrit par Caroline Duban et illustré par Lawrence Rasson, une carte est consacrée au sacrifice :


Le Sacrifice : De sacer facere, « faire [rendre] sacré »

Le terme peut paraître terrifiant, car il vient à l'esprit les sacrifices d'êtres vivants, animaux ou humains. cependant, ce type d'offrandes ne correspond qu'à un ensemble de gestes et d'objets rituels destinés à transformer les matières - y compris la chair - en don consacré, une nourriture matérielle et spirituelle pour la divinité. En Gaule, les sanctuaires sont originellement marqués dans le paysage par un fossé symbolique plutôt qu'efficient. Aucun système de défense ne complète la fosse encadrant l'aire définie. Une palissade peut simplement renforcer la séparation entre le sacré et le profane.

La carte présente ici un dépôt votif bien exceptionnel et plutôt rare en Gaule. La plupart des dépôts en milieux humides correspondent à des enfouissements volontaires ou accidentels, résultant de la perte de matériel de la mort d'un soldat avec son armement, et dont le corps a coulé au fond de l'eau... La preuve que les objets découverts dans les rivières ou les lacs sont des offrandes n'est pas aussi évidente. Bien des explications écartent les affirmations trop hâtives, mais il reste tout de même quelques exceptions. Cette carte est inspirée d'un ensemble de vases, de pots et de pièces d'armement exhumé des tréfonds du lac d'Andéol, dans le Gévaudan. C'est à Grégoire de Tours, évêque du VIe siècle, que l'on doit d'avoir gardé en mémoire la pratique d'un culte des eaux autour de ce lac qui se déroulait au mois de juillet :


« Sur le territoire des Gabales il existait une montagne appelée Hilaire où se trouvait un grand lac. A une époque donnée, une multitude de paysans, comme s'ils lui faisaient des offrandes, venaient y jeter des étoffes, des vêtements d'hommes, quelques(uns des toisons de laine, les plus nombreux des fourmes de fromage, des gâteaux de cire, des miches de pain et toutes sortes de choses qu'il serait trop long d'énumérer, chacun selon ses moyens. Ils arrivaient sur leurs chariots, avec boissons et nourriture, égorgeaient des animaux et festoyaient pendant trois jours. » (Grégoire de Tours, De Gloria confessorum)


Un fanum (sanctuaire gallo-romain), s'élevait en bordure d'un plateau faisant face au lac. Les fouilles menées en 1953 ont relevé des statuettes d'animaux (des chevaux, un lion, un bœuf, des volailles, un bélier), des divinités féminines (notamment une Vénus et une Minerve à l'égide ornée d'une tête de Gorgone) et plusieurs personnages masculins, dont deux portaient des capuchons de style gaulois (le cucullus, ancêtre du mot cagoule). Des pièces de monnaies datées entre Ier siècle av. J.-C. et le IVe siècle de notre ère accompagnaient l'ensemble.

Il est vrai que les objets offerts conviendraient davantage à une population pastorale qu'à la classe guerrière : on n'a relevé aucune pointe de flèche ou pièce d'armement.

un grand nombre d'aiguilles et de fibules constituent les dépôts votifs dans des zones humides. Les contextes de ces présents autorisent à les apparenter à une offrande devant assurer la fertilité. Le chas de l'aiguille et la forme particulière des fibules renvoient à l'organe féminin.

Malgré tout, on a retrouvé des dépôts dont les pièces d'armement ont été volontairement tordues, entaillées ou brisées. Ces gestes sont plutôt le fait de population d'Europe du Nord, comme dans le Jutland, bien moins souvent en Europe moyenne ; de plus, la plupart de ces dépôts se retrouvent dans des fosses sacrées, et non des lacs. Même lorsque de tels objets sont retrouvés dans les milieux humides, l'intention initiale laisse encore des zones d'ombre. Il y a tout naturellement l'usure d'un harnachement par les différentes combats et celle que l'eau va créer sur le métal pendant des siècles. Briser une arme, abîmer un tranchant, tordre le fer est-il un acharnement sur l'ennemi, un geste superstitieux évitant de permettre à l'ancien propriétaire de se venger dans l'au-delà ? on peut aussi se demander s'il ne s'agit pas d'un mouvement protecteur, empêchant ainsi quiconque de se servir à nouveau de l'objet. Tordre une arme avant de la plonger dans l'eau souligne-t-il la douleur de la perte ?

Un nombre important de casques de l'Âge du Fer ont été trouvés dans des zones humides, mais le site de Montbellet a révélé la présence d'une centaine d'épées du second Âge du Fer, retirée du lit de la Saône. Tant d'explications peuvent être données, par manque de contextualisaiton ou de documentation. Des rituels sont bel et bien attestés, mais leur vocation reste en majorité, une énigme.


Interprétation : La carte du sacrifice vous étonnera certainement, car elle ne signifie pas ce que son titre sous-entend. Elle vous invite à ne pas sauter sur la première occasion, à ne pas conclure trop rapidement à cause d'apparences trompeuses ou qui vous paraîtraient trop évidentes. Dans un conflit, une version vous suffit-elle à déterminer tous les tenants et aboutissants de l'affaire ? Il est évident qu'il vous manque une grande partie des informations pour comprendre l'intégralité de l'événement. Retenez votre envie de vouloir prendre parti, de donner votre avis au risque de le regretter après. N'allez pas vous fâcher avec les personnes concernées, soit parce qu'elles auront mal perçu votre manque de tact, votre impulsivité, soit parce que celles que vous souhaitiez défendre se trouvaient gênées suit à votre intervention. Sachez que, mal dosée, une réaction peut faire plus de dégâts que l'incident d'origine. Vos sentiments sont louables, à n'en point douter, mais cette carte vous apprend à maîtriser votre pensée, vos qualités d'appréciation et de décision, vos capacités d'observation, d'écoute et de jugement. Le meilleur comportement à adopter est de rester en retrait. Il ne vous en coûtera rien de prêter l'oreille à vos interlocuteurs, de les réconforter ; mais retenez bien que tout ce qui vous sera dit peut être déformé, à moins que votre confident ait sa propre perception de la situation et, qu'en toute bonne foi, il vous en fasse part, aussi erronée soit-elle.

En gardant une attitude tempérée, vous parviendrez à déterminer quelques bribes de vérité dans toute cette histoire. Tout comme il est possible de distinguer les dépôt votifs réels des dépôts accidentels ou à vocation autre que cultuelle, vous délierez des nœuds, mais vous ne pourrez pas venir à bout de toute la pelote, ce n'est pas votre rôle.

Enfin, sachez que garder vos distances laissera aussi la liberté nécessaire aux protagonistes pour éclairer des zones nébuleuses de leur personnalité ou de leur relation. Vouloir trop interagir entre eux reviendrait à anéantir le but principal de cet enseignement de vie. Un événement similaire serait inévitablement mis en place afin de reprendre la leçon là où elle a été interrompue. Nou sommes tous et toutes de grands enfants à l'école, chacun dans son existence, et il n'est pas toujours possible de demander à ses camarades de classe de faire nos devoirs à notre place ! Ce n'est pas un service à se rendre... Il faudra bien, un jour ou l'autre, rattraper le retard d'expérience accumulé. En revanche, il n'est pas interdit d'expliquer la leçon autrement afin qu'elle soit plus facilement assimilée. Pour cela, écoute et conseils sont les bienvenus, à condition que ces derniers ne poussent pas votre interlocuteur à une action malheureuse pour lui ou pour l'autre partie. La solution est déjà connue de la personne concernée, mais mettre le doigt dessus reste de son ressort.

Dans un autre contexte, l'offrande votive symbolise une connexion sacrée avec un lieu, une personne, un entité. Il y a des choses qui ne s'expliquent pas autrement que par un lien indéfectible entre ces deux pendants, et vous êtes probablement l'un des deux. Cette connexion, que vous l'ayez créée, qu'elle soit (sur)naturelle, que vous en ayez conscience ou non, a une particularité qui vous est sacrée. Restez attentif à vos ressentis, votre intuition vous sert d'intermédiaire entre cet élément indéfinissable, ce sentiment indescriptible et vous. Entretenez cette connexion par le médium qui vous correspond le mieux. La méditation passive ou active peut prendre bien des formes, et il vous échoie de garder une certaine régularité dans la pratique pour maintenir cette sensibilité bien éveillée. Elle ne peut jamais totalement s'éteindre, seulement se mettre en repos si votre rythme de vie vous impose une distanciation. Pensez toujours à la réactiver dès que possible, car elle vous simplifie la vie à bien des égards.

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LIttérature :


Dans son roman policier intitulé L'Île des âmes (Rizzoli de Mondalori Libri S.p.A., 2019 ; Éditions Gallmeister, 2021), Piergiorgio Pulixi explique le lien entre le culte de Dionysos et les sacrifices humains :


- ... Je disais donc que, pendant les célébrations en son honneur à Eleusis, dans la Grèce antique, une victime était décvorée vivante pour rappeler son sacrifice - selon la mythologie grecque, Dionysos avait été livré en banquet aux Titans - dans un rituel qui mettait en scène la résurrection de la divinité. C'était un dieu cruel et sanguinaire, qui s'est transformé progressivement en un dieu de l'ivresse et de l'extase. Ses adorateurs acquéraient la certitude de la vie après la mort et s'agitaient en tous sens pour sortir d'eux-mêmes et se trouver possédés par lui. A travers la danse, la musique, le sexe, le vin et...

- Le sacrifice de sang, le devança Eva.

- Voilà. Tout comme les rites dionysiaques, les carnavals sardes, qui sont des célébrations aux fortes connotations tribales, exhibent une victime. Le nom lui-même du carnaval en sarde, carrasegare ou carresecarre, rappelle le sacrifice : carre' et segare signifie "chair vivante à lacérer".

Eva Croce lança un regard inquisiteur à sa collègue, qui acquiesça imperceptiblement, confirmant les paroles de l'homme.

- Héraclite soutenait que Dionysos et Hadès, roi des Enfers, étaient la même divinité, dédoublée et divisée. Hérodote disait à peu près la même chose de Dionysos et Osiris. Mais pour tous, sa force muette et sauvage était représentée par le taureau. En Sardaigne, on a commencé à lui donner le nom de Maimone, considéré comme une divinité pluviale.

- Pourquoi aller jusqu'au sacrifice humain ? demanda Mara.

- Parce que le rituel suppose le sacrifice d'une victime à la divinité, afin d'entrer en communion avec elle. C'est le sang de la victime qui établit le contact. S'il n'y a pas de sang, il n'y a pas de contact avec le sacré, avec le divin.

- Mais donc, dans l'Antiquité, on sacrifiait aussi des gens ici, en Sardaigne ? demanda Eva, abasourdie.

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