Étymologie :
PHALLUS, subst. masc.
Étymol. et Hist. A. 1. 1570 fallot « membre viril » (G. Hervet, Sainct Augustin. De la Cité de Dieu, p. 180) ; 1605 phalle (Le Loyer, Hist. des spectres, 214 ds Fonds Barbier : les Phalles, membres virils des hommes) ; 1860 phallus (Goncourt, Journal, p. 831) ; 2. 1752 phalle antiq., ethnol. « représentation du membre viril » (Trév.) ; 1765 phallus (Encyclop.) ; 3. 1946 psychanal. (Mounier, Traité caract., p. 144). B. 1. 1615 phallus bot. Phallus d'Holande « sorte de champignon, le Phallus Hadriani » (J. Dalechamp, Hist. gén. des plantes, l. 12, chap. 14, t. 2, p. 286) ; 2. 1791 phallus bot. « sorte de champignon, le Phallus impudicus » (Valmont de Bomare, Dict. raisonné universel d'hist. nat., t. 3, p. 214 ds FEW t.8, p. 359). Empr. au lat. phallus « représentation du membre viril que l'on portait dans les fêtes en l'honneur de Bacchus », lui-même empr. au gr. φ α λ λ ο ́ ς, même sens. Au sens A 1, fallot traduit le lat. fascinum « membre viril » (St Augustin, Civ. VI, 9). Au sens B 1, empr. au lat. sc. Phallus (Hadrianus Junius, Phalli, ex fungorum genere in Hollandiae sabuletis passim crescentis descriptio, Delphis, 1564).
Lire également la définition du nom phallus afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Mutinus caninus - Bite de chien - Mutin du chien - Phalle de chien - Satyre des chiens - Satyre du chien -
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Mycologie :
Description du Phallus du chien disponible sur le site de la Société mycologique du Dauphiné :
Symbolisme :
Mythologie :
Selon Marie-Karine Lhommé, autrice d'un article intitulé "De Mutinus Titinus à Priape ou les métamorphoses antiques et modernes d’un dieu oublié." (In : Onomastique et intertextualité dans la littérature latine. Actes de la journée d'étude tenue à la Maison de l'Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux, le 14 mars 2005. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2009. pp. 195-220. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen ancien. Série philologique, 41) :
Seuls deux antiquaires de la fin de la République, Varron au livre XIV de ses Antiquités divines, puis Verrius Flaccus dans son De uerborum significatione, ont exhumé un nom peu connu, celui du dieu très ancien et presque oublié qu’était à leur époque Mutinus Titinus. [...]
Si ces dieux sont classés, par Varron vraisemblablement, dans un ordre chronologique, le dieu appelé Mutunus ou Tutunus intervient après que la jeune épouse a dénoué sa ceinture. La comparaison avec le Priape des Grecs apparaît pour la première fois chez Augustin, même si en 2, 14, Priape était déjà apparu parmi le cortège des dei peregrini. Elle entraîne plus loin le remplacement du nom de Mutinus ou Tutunus par celui de Priape. [...]
Bilan : le dieu de Varron chez les chrétiens
Les quelques phrases que les quatre auteurs chrétiens consacrent à Mutinus permettent de dresser le bilan suivant :
le nom du dieu est variable. Il s’agit tantôt d’un seul des deux noms, Mutunus (Apol.), Tutinus (Inst. diu.), Tutunus (Adu. nat.), tantôt des deux reliés par une conjonction de coordination : et Mutunus et Tutunus (Ad. nat.), Mutuno atque Tutuno (Adu. nat.), Mutunus uel Tutunus (Ciu. dei). Augustin utilise trois fois le nom de Priape à la place de celui de Mutunus. Le fait que le nom du dieu soit lié par un uel ou un et peut expliquer qu’il ait été pris pour deux entités différentes et, à ce titre, réduit à l’un de ses deux noms. Ce dédoublement du dieu remonte peut-être à Varron, puisque les quatre auteurs le reproduisent ;
chez Augustin seul est rapportée l’équivalence avec Priape, qui est apud Graecos Priapus. Cela est assez étonnant car, bien que Priape soit senti comme un dieu étranger chez Augustin (en 2, 14) et chez tous les auteurs latins, il est un dieu très courant dans les jardins romains, au point de constituer l’élément indispensable de ces enclos (voir par exemple Columelle, Res rustica 10, 27-34). Pourquoi dans ces conditions recourir à l’identification avec le Priape des Grecs ? Pour Varron, cette interprétation n’aurait pas grand sens, lui qui essaie de distinguer les caractéristiques propres à chaque dieu secondaire romain 24. La seule solution serait d’envisager un détour par l’étymologie : le mot grec signifierait la même chose que Mutinus ou Titinus pour un Romain, mais il ne semble pas exister de semblable jeu de mots en grec. De plus, le Priape des Grecs ne donne pas l’impression d’être spécialement présent le jour des noces. Pour saint Augustin, remplacer le nom inconnu de Mutinus par celui, plus sulfureux, de Priape, ne présente que des avantages. Mutinus et Priape ont en commun le phallus, et Priape est un nom bien plus connu. Peu avant Augustin, Jérôme, dans deux traités, assimilait Belphégor au Priape des Latins. [...]
Priape, on le voit, est donc un nom chargé d’un bien plus grand pouvoir d’évocation que Mutinus, surtout pour des chrétiens dénonçant l’immoralité de la religion païenne. L’interpretatio que rapporte Augustin me semble donc plutôt être la sienne propre que celle trouvée dans l’original de Varron. Par conséquent, une conjecture comme celle de L. Hermann, qui vise à rétablir le nom de Mutinus dans un vers des Priapées, doit être définitivement rejetée. Mutinus, qui apparaît dans la chambre nuptiale, n’a rien à faire dans le jardin du Priape des Priapées ;
le sexe de Mutinus Titinus est ainsi désigné : sinus pudendus chez Lactance, immania pudenda horrensque fascinum chez Arnobe, inmanissimum et turpissimum fascinum, puis scapus chez Augustin. On sent chez Lactance une certaine retenue, alors qu’Arnobe, qui aime « l’évocation gaillarde des choses de l’amour » (Vermander 1982, p. 49), utilise deux expressions différentes, dont le fascinum, phallus artificiel, mot qui apparaît chez Horace, Pétrone (pour désigner un sexe humain), ou dans les Priapées, et l’adjectif substantivé pudenda. Enfin, Augustin recourt à un terme métaphorique, la tige, la gaule, scapus, auquel sont adjoints deux adjectifs au superlatif. Le pudor est présent dans tous les textes. Parfois ce sont les attributs priapiques qui sont qualifiés de pudenda (sinus pudendus chez Lactance, immania pudenda chez Arnobe) ; Tertullien ne dit rien du rite honteux en question, se contentant de l’exclamation pro pudor pour couvrir les actions de Mutunus, Tutunus, Pertunda, Subigus et Prema ; Lactance dit que c’est la pudicitia des jeunes mariées qui est donnée à goûter au dieu ; pour Augustin c’est sa uerecundia ; juste après avoir parlé de Mutunus et Tutunus, assimilés à Priape, Augustin en bilan ajoute si non pudet. Il utilise le superlatif de inmanis associé à celui de turpis pour désigner le sexe de Mutunus et, ironiquement, qualifie la coutume des matrones de honestissimus et religiosissimus. Tous ces jugements de valeur, aux formulations assez variables, doivent avoir été ajoutés par les écrivains chrétiens ;
les femmes qui suivent ce rite sont des nouae nuptae : Tertullien indique que l’on se trouve dans une liste de dieux nuptiales. Lactance met en scène les nubentes, Arnobe, les matronae uestrae, mettant ainsi une distance entre matrones chrétiennes et matrones païennes, Augustin, les coniuges, puis trois fois la noua nupta, selon une coutume attribuée aux matronae ;
l’action est la suivante : in sinu praesidere chez Lactance, pudendis et fascino inequitare chez Arnobe, super fascinum sedere et super scapum sedere. Le verbe inequitare, chevaucher, très suggestif, est sans doute ajouté par Arnobe. Le verbe sedere, ou praesidere est lui, beaucoup plus neutre ;
à deux reprises, une consécutive indique les limites d’un tel rituel : pour Lactance, ut illarum pudicitiam prior deus delibasse uideatur ; pour Augustin, ut non solum fecunditas, sed nec uirginitas adimatur. La précision de cette restriction, qui contredit le verbe inequitare donné par Arnobe, semble indiquer qu’il n’y a pas défloration par un phallus artificiel. Le dieu semble seulement avoir goûté à la pudeur de la jeune fille, et sa uirginitas n’est même pas ôtée par ce rite. Il s’agit plus de mimer, de faire semblant, que de faire subir à la jeune fille une défloration anticipée ;
quel est alors le but de l’opération ? Chez Arnobe, une proposition infinitive décrivant le geste rituel précède l’expression auspicabile ducitis et optatis. Cette défloration simulée serait donc de bon augure, juste avant la première étreinte réelle.
Si donc on essaie de chercher sous les mots parfois très crus de ces quatre auteurs le texte d’origine de Varron, on ne peut que deviner un rite qui consistait à faire s’asseoir, lors de la nuit de noces, la jeune mariée sur une représentation du dieu Mutinus Titinus, dont on ne sait même pas si elle était anthropomorphique ou se résumait à un phallus artificiel. Le tout pour placer sous de bons auspices l’union des deux époux. Le nom du dieu était vraisemblablement déjà double chez Varron, ce qui explique les déformations variées qu’on lui fait subir, et l’irruption de Priape chez Augustin est probablement due au désir de trouver un nom plus évocateur.
[...]
Conclusion : Mutinus Titinus était un dieu mineur oublié des Romains qui détruisirent son sanctuaire sur la Vélia après 27 av. J.-C. Mais il fut sauvé par deux notices de deux auteurs à leur tour perdues, Varron (Antiquitates diuinarum rerum) et Verrius (De uerborum significatione). La notice de Varron, utilisée par les chrétiens à des fins polémiques, entraîna saint Augustin à métamorphoser, pour le rendre plus infâme encore, Mutinus Titinus en Priape. La notice fragmentaire de Festus, relue et reconstituée par les philologues et archéologues, multiplia parfois ses lieux de culte (Scaliger, Orsini, Palmer) ou le transforma en Liber (Palmer). Trop mineur pour survivre sous son propre nom, il se métamorphosa donc sous la plume de certains auteurs en dieux proches de sa caractéristique phallique. Son double nom, à l’étymologie incertaine, est interprété aujourd’hui par les linguistes comme se rapportant au sexe masculin et à Titus Tatius, mais il pouvait déjà l’avoir été par Varron et Verrius qui n’avaient pas à leur disposition beaucoup d’indices sur ce culte archaïque et trop peu important pour avoir été sauvé par Auguste. La tradition de ce nom de Mutinus Titinus est donc bien étonnante, puisque ce dieu, voué à disparaître chez ceux qui le vénéraient, a survécu grâce à ses ennemis en religion, les chrétiens, et grâce aux philologues et archéologues désireux de reconstituer la Vélia et d’identifier la figure barbue inconnue d’un denier de Q. Titius.
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