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Le Sansonnet

Dernière mise à jour : 23 mars



Étymologie :


Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1480 ornith. tarins sansonnés (Mist. St Quentin, éd. H. Chatelain, 3540) ; 1539 sansonnet (Cl. Marot, Eglogue, III, 65 ds Œuvres lyriques, éd. C. A. Mayer, p. 346) ; b) 1532 « pet discret » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, II, 45, p. 27) ; 2. 1743 « petit maquereau » (Trév.). Dimin. de sanson « étourneau », ca 1480 (Mist. St Quentin, éd. cit., 13184) ; peut-être du n. propre Samson, personnage de l'Ancien Testament (FEW t. 11, p. 144b), l'oiseau étant souvent tenu en cage − ce qui rappelle la captivité de Samson − et ayant aussi la réputation d'étourderie ; hyp. réfutée par Guir. Étymol. 1967, p. 47 et par Caillebaut ds Trav. Ling. Gand, 1980, n°7, pp. 145-146 qui y voit un croisement avec sassonet « crible », l'oiseau étant criblé de petites taches.


Lire également la définition du nom sansonnet afin d'amorcer la réflexion symbolique.

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Expressions populaires :

Claude Duneton, dans son best-seller La Puce à l'oreille (Éditions Balland, 2001) nous éclaire sur le sens d'expressions populaires bien connues :


De la roupie de sansonnet : La roupie de sansonnet c'est rien du tout, une bagatelle, une quantité presque nulle, souvent employée dans une comparaison négative comme le fait Zola dans L'Assommoir : « Le zingueur voulut verser le café lui-même. Il sentait joliment fort, ce n'était pas de la roupie de sansonnet. »

On sait que la roupie, au sens propre Et si j'ose dire, est « l'humeur qui découle des fosses nasales, et qui pend au nez par gouttes », autrement dit la « chandelle ». C'est assez écœurant ; « la jeune paysanne crache sur son menton ; elle a au nez une roupie gluante qu'elle essuie avec sa manche », décrit Fénelon qui était allé voir les pauvres de près. Le mot est ancien :


Si bourse eust tant de rübies

Comme li nez af de rupies,

riche sereit...

dit un texte du XIIIe ; et Colleyre en 1536 :


Par ce temps froit, or, argent m'ont en haine ;

Roupye au nez, la toux, et courte alaine

M'ont assaliy...


Donc on comprend fort bien que la roupie en elle-même représente une valeur assez négligeable. Mais pourquoi sous-entendre que celle du sansonnet est encore plus médiocre ?... On a dit autrefois « de la roupie de singe », ce qui s'entend, l'animal étant parfois roupieux de nature. Mais le sansonnet est un vulgaire petit étourneau dont one ne sache pas qu'il soit particulièrement morveux !... A moins qu'il n'y ait là un jeu de mots bien déguisé : de la roupie de « sens-son-nez » ? C'est bizarre tout de même...

Curieux aussi qu'en certains endroits « roupie » ait désigné le rouge-gorge, particulièrement dans la région d'Angers.

Enfin, l'essentiel c'est d'avoir la santé !

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Symbolisme :


Selon J. H. Probst-Biraben, auteur de "Les rites d'obtention de la pluie dans la province de Constantine." Journal des Africanistes, vol 2 n°1 (1932) : pp. 95-102 :


Dans le cas où une source accompagne le tombeau du Saint, la visite est compliquée d'un symbolisme clair. Si le Saint a fait naître une fontaine, ou lui a communiqué une baraka (l'équivalent musulman du mапа), des propriétés miraculeuses, à plus forte raison peut-il intercéder auprès d'Allah pour obtenir la pluie. Sa baraka, bénédiction à effets magiques, est ainsi doublement efficace.

Il y a des sources au marabout de Sidi Bou Roghab près de Constantine, une dans le lit de la rivière ou oued Biskra, à Sidi Zerzour. Notons que l'un signifie l'homme au corbeau et l'autre l'homme au sansonnet, ce qui donne à penser qu'ils ont succédé à des dieux à figure d'oiseaux, vénérés en ces lieux, ou à des génies de la nature à formes animales, peut- être plus anciens que la venue des Phéniciens et des Carthaginois, qui ont peut-être introduit le culte du Serpent dans l'Afrique du Nord. Sont-ils un écho affaibli des croyances égyptiennes ? Rien ne permet ni de l'affirmer, ni de le nier.

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Littérature :


Chute du démon


Je le pistais depuis une heure,

Lui préparant un guet-apens.

Ha ! j'allais rire à ses dépens.

Mais lui… Que j'aimerais qu'il pleure...


Dans une existence meilleure,

je l'enverrais, tout palpitant...

Il entre… Aussitôt, haletant,

Je l'empoigne comme il m'effleure...


Vil sansonnet ! oiseau maudit !

Ta fin s'approche cette nuit !...

- Déjà sa face était livide,


Et je ricanais comme un loup...

J'ouvris la fenêtre d'un coup

Et le projetai dans le vide...


Boris Vian, "Chute du démon" in Cent sonnets, entre 1940 et 1944.

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Le Sansonnet synthétique


L'oiseau blanc dont le vol fit renaître la vie

Planait, tenant au bec un rameau gris bleuté

Il trouva sur sa route un moucheron, porté

Par les ailes du vent, dont son âme ravie


Conçut de s'emparer l'irrésistible envie.

Hélas ! Il en cuisit à sa frêle santé,

Car Lucifer le noir à l'esprit avorté

Saisit l'instant fatal où la bête dévie


De sa route, pour l'attraper par les deux pattes.

il lui plonge la tête en un bain d'écarlate,

Lui arrache la queue, lui met un mentonnet,


Tache son bec de vert et de jaune ses lombes.

Dieu ! Tu avais créé l'immaculée colombe

Satan, dans son audace, en fit un sansonnet...


Boris Vian, "Le Sansonnet synthétique" in Cent sonnets, entre 1940 et 1944.

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L'Antéchrist


On me dit : « Cet oiseau, vous l'attaquez sans trêve

Vous le peigner sous un jour dénué d'attrait

Que feriez-vous donc si l' "affreux sansonnet"

N'existait pas ? » Et je réponds : « C'est un beau rêve. »


On me dit : « Cet oiseau, vous souhaitiez qu'il crève

Que feriez-vous donc si le pauvre en crevait ?

Le remords nuit et jour qui vous tourmenterait

Ne gâcherait-il point une vie déjà brève ? »


Et je réponds : « Ciel ! Je voudrais le voir pendu !

Il est l'œuf répugnant que mon crâne a pondu ;

Il sue la haine jaune, et sa forme maudite


Au Jour du Dernier jour restera sans changer

Car Dieu dont l'âme pure (1) est parfois interdite

Voyant le sansonnet, n'osera le juger. »


1) Dieu, c'est moi (voir plus loin l'Evangile selon cinq sonnets).


Boris Vian, "L'Antéchrist" in Cent sonnets, entre 1940 et 1944.

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Naissances


Il naît aussi des sansonnets immondes

Alentour des fosses d'aisance pleines ;

Il en naît sur les morts, sur les gangrènes

Comme sur tout ce qui pourrit au monde.


Partout les vers, en la machine ronde,

Eclosent en sansonnets très obscènes

Et chaque jour, il en vient à la Seine

Par les égouts, dans l'eau nauséabonde.


Nul ne les voit. Sourdement cela grouille.

Comme le fer lépreux meurt sous la rouille

Le globe entier s'en va rongé par eux.


S'il vient qu'un soir un sansonnet me tue,

Ne jetez pas mon cadavre à la rue

Détruisez-moi, je serai plus heureux...


Boris Vian, "Naissances" in Cent sonnets, entre 1940 et 1944.

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