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Le Serpolet

Dernière mise à jour : 11 oct.


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Étymologie :


  • SERPOLET, subst. masc.

Étymol. et Hist. Ca 1500 serpoullet (Jard. de Santé, I, 429 ds Gdf. Compl.) ; 1510-12 serpolet (J. Lemaire de Belges, Illustrations de Gaule, II, VIII ds Œuvres, éd. J. Steicher, t. 2, p. 82). Dér., à l'aide du suff. -et*, du m. fr. serpol « thym sauvage » (1387-91 Gaston Phébus, Chasse, éd. G. Tilander, 6, 48, p. 80), issu, prob. par l'intermédiaire de l'a. prov. (1er quart xiiie s. serpol Daude de Pradas, Dels auzels cassadors, éd. E. Monaci, 2297 et 2807 ; mil. xiiie s. [ms.] sarpol, Recettes méd., éd. Cl. Brunel ds Romania t. 83 1962, § 37, p. 151), du lat. serpullum « serpolet » (empr. au gr. ε ́ ρ π υ λ λ ο ν « id. », de ε ́ ρ π ε ι ν « se traîner péniblement », avec s- comme dans serpere « ramper » (gr. ε ́ ρ π ε ι ν)).


Lire également la définition du nom serpolet pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Thymus serpyllum - Herbe aux moutons - Poleur (Wallonie) - Pouliet - Serpolet - Serpoule - Thym sauvage -

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Selon Alain Christol, auteur d'un article intitulé '"Matris animula « serpolet »: médecine et folklore autour d’un phytonyme." (Pallas. Revue d'études antiques, 2017, no 103, pp. 219-227) :

[...] D’autre part il existe des variétés sauvages et des variétés cultivées, dont les différences, minimes au départ, ont pu s’accroître avec les efforts des herboristes. Le serpolet est souvent présenté comme une variété sauvage du thym domestique, d’où l’un de ses noms anglais, wild thyme. Il en résulte que, pour l’étude des noms du serpolet, il faut utiliser les informations transmises sur le serpolet, bien sûr, mais aussi sur le thym et la sarriette, voire l’origan.

Serpillus « serpolet » est un mot latin, malgré la graphie hellénisante serpyllus ; une explication plausible en ferait le diminutif d’un *serpulus « (thym) qui rampe », avec le suffixe d’agent -ulus (pour le sens, on comparera anglais creeping thyme). Thymus « thym » est emprunté au grec θύμoν (Eupolis, ve s. av. J.-C.) ou θύμoς (Dioscoride), qui désigne une variété de sarriette ou de thym, différente de celle qui pousse en Méditerranée occidentale (Bonet, 1993, p. 12).


Isidore de Séville donne deux notices étymologiques sur le thym et le serpolet :

2) Timum appellatum quod flos eius odorem refert. (Isid. Etym. 17, 9, 12)

« Le thym doit son nom au fait que sa fleur dégage une odeur forte. »

3) Erpillos quod apud nos serpillus uocatur pro eo quod radices ipsius longe serpiant, eadem et matris animula propter quod menstrua moueat. (Isid. Etym. 17, 9, 51)

« La plante ἕρπυλλoν (« serpolet »), qui est appelée chez nous serpillus, doit son nom au fait que ses racines serpentent au loin ; la même (est appelée) aussi matris animula parce qu’elle facilite les menstrues. »


La première notice est inexplicable à l’intérieur du latin ; elle s’éclaire en grec où θύμoν « thym » est proche phonétiquement de θύω « brûler en offrande aux dieux », proximité renforcée par l’emploi ancien du thym dans les offrandes aux dieux. (Thymiama (gr. θυμίαμα) « encens, fumigation » est à l’origine d’all. Thymian « thym », slovaque tym (...))


« Pour Philochore d’Athènes (frg. 194) [...], c’est le ‘thym’ (thúmos) qui aurait fourni l’aliment des sacrifices les plus anciens… Pourquoi le ‘thym’, qui désigne en grec une espèce de sarriette [...] si ce n’est parce que son nom, thúmos, le désigne clairement comme l’espèce arbustive la plus apte à produire de la fumée (thumiân), principe et fondement de l’acte sacrificiel » (Détienne, 1972, p. 75).


Pour la seconde notice, la source d’Isidore est inconnue.


Le thym, l’énergie vitale et le sacrifice : Le double lien de θύμoς « thym » avec θύω « brûler en offrande » et θυμός « énergie vitale », implicite dans les notices d’Isidore, fait partie du savoir hérité chez les Modernes. On peut citer, à titre d’exemple, le botaniste suisse Gaspar Bauhin qui mentionne ces étymologies dans son tableau des plantes (Pinax Theatri Botanici) :

(7) Satureia : Θύμβρα forte ἀπὸ τοῦ θύειν ob fragrantiam dicitur ipsa satureia. At satureia aliis a saturando dicta quod cibis loco condimenti addatur. Alii a Satyris nomen traxisse putant eo quod coitus marcescentes stimulat. (Pinax, p. 218)

« Satureia : θύμβρα (peut-être du grec θύειν à cause de son parfum) est un nom de la sarriette. Mais pour d’autres le nom satureia est dérivé de saturare « rassasier » parce qu’on l’ajoute aux mets comme condiment. D’autres pensent qu’elle tire son nom des Satyres, du fait qu’elle stimule ceux qui manquent de tonus dans le coït. »

(8) Thymus : θύμoς ἀπὸ τοῦ θυμoῦ quod iis qui animi deliquium patiuntur adhibeatur ; alii ἀπὸ τῆς θυμ<ι>άσεως καὶ τῆς θυῆς deducunt, quod hoc veteres in sacris quae igne accenso fiebant primum usi sint. (Pinax, p. 219)

« Thymus vient de θυμός parce qu’il est administré à ceux qui souffrent d’un manque d’énergie ; d’autres le dérivent de θυμίασις « fumigation (sacrificielle) » et de θυή « offrande dans le feu » parce que les Anciens l’utilisèrent d’abord pour les rites qu’on accomplissait dans les flammes d’un feu. »

[...]

Mater comme femme – les vertus du thym

Isidore est un compilateur qui n’utilise pas des données de première main ; il est probable, vu l’étymologie qu’il donne, qu’il a trouvé matris animula dans l’œuvre d’un médecin. Mais l’absence d’autres attestations dans le corpus médical latin semble indiquer que l’origine de la lexie est à chercher plutôt dans une tradition populaire tardive, ignorée des mythographes mais recueillie par un médecin à qui elle semblait pertinente.

La première explication qui vient à l’esprit est de voir en mater un équivalent métonymique de matrix ; le thym serait l’animateur de la matrice, son θυμός. Si une telle métonymie n’est guère attestée, elle est en accord avec le rôle du thym en gynécologie9. Les médecins antiques évoquent les bienfaits des infusions de thym ou de serpolet comme tonifiant et régulateur des fonctions corporelles, en particulier pour les femmes :

[...]

« (Le thym), en décoction dans de l’eau réduite au tiers, est bon pour les retards des femmes ou si le fœtus est mort dans l’utérus. »

« Pris dans la nourriture [...] (le thym) provoque les menstrues chez les femmes, fait sortir les restes (de placenta) restés collés à l’utérus et même les fétus mort-nés. »

« Le thym pilé et bu avec du vin accélère l’accouchement. »


Les noms slaves du serpolet et du thym : Plus de 1000 ans après Isidore, la même plante est toujours désignée par la même lexie. Les langues slaves appellent le thym et/ou le serpolet « petite âme maternelle » : [...].

Sachant que l’imaginaire des locuteurs fonctionne indépendamment de l’origine historique des désignations, on peut poser la question : dans ces dénominations, que représente « mère » pour les locuteurs ? Les données suggèrent que trois interprétations étaient en concurrence :

  1. la mère est femme et reproductrice,

  2. la mère est mère de famille et éducatrice, entourée de ses enfants,

  3. la Mère est une divinité protectrice, Déesses Mères, Vierge Marie ou Bogorodica des Orthodoxes.

Jusqu’à l’époque moderne, la médecine populaire a utilisé le thym à des fins thérapeutiques ; dans son enquête sur les traditions médicales des campagnes polonaises, M. Hensłowa a noté le rôle important de la macierzanka (thymum serpyllum) dans la médecine des femmes ; elle est le remède de la matrice par excellence ; elle stimule les règles (macierzanka miesiące pobudza), ce qui rejoint la justification étymologique d’Isidore : propter quod menstrua moueat.


Voir suite de l'article dans la rubrique Symbolisme.

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Botanique :


Dans La Magie des plantes (Éditions Hachette, 1979) Jacques Brosse décrit ainsi le serpolet :


Très proches du thym proprement dit (Thymus vulgaris), le serpolet (Thymus serpyllum), appelé aussi thym bâtard, est une plante herbacée vivace, qui n'est pas exclusivement méditerranéenne, mais se rencontre dans les lieux arides et secs, avec une préférence marquée pour le calcaire, dans presque toute la France, mais surtout dans les régions montagneuses. Il se distingue du thym par ses feuilles plus grandes, ses fleurs d'un rose pourpré réunies en inflorescences terminales globuleuses et surtout par ses tiges allongées et en partie rampantes, qui s'enracinent facilement d'elles-mêmes. le serpolet - dont le nom vient par l'intermédiaire du latin serpullum du grec erpullos, « se traîner », ce qui fait allusion au port de la plante - a des propriétés qui ressemblent beaucoup à celles du thym. On l'utilise encore dans les campagnes sous forme d'huile contre les douleurs sciatiques et névralgiques.

 

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques du Serpolet :


Propriétés Physiques et Chimiques. ― Cette espèce est moins fortement aromatique que le thym commun ; sa saveur est amère, légèrement camphrée, un peu âcre. Elle contient une huile vola tile très fragrante, caustique, qui laisse déposer du camphre. Les fleurs contiennent de la chlorophylle, une matière grasse, de l'huile volatile, du tannin et des sels (Herberger).


Usages médicaux. Le serpolet possède des propriétés analogues à celles du thym, à un degré plus faible cependant. On le dit excitant, tonique et carminatif. Il convient dans la dyspepsie, l'aménorrhée , l'asthme humide, le catarrhe chronique et la gastralgie. Une infusion de serpolet légèrement gommée et édulcorée calme et guérit même les coqueluches (Joset) ; elle convient aussi dans les angines striduleuses, les toux quinteuses, grippales et convulsives ; on l'administre à la dose de 10 à 15 grammes par litre. Son huile essentielle est antispasmodique, excitante et emménagogue ; on la donne à la dose de 6 à 10 gouttes. L'infusion de serpolet passait pour dissiper l'ivresse et la céphalalgie qu'elle cause (Linné) ; on la donnait aussi dans les flux sanguins et muqueux. Les sommités fleuries desséchées entraient dans la poudre de réjouissance de Nicolas de Soleine ; elles font partie aussi du sirop de Désessart vanté contre la toux et la coqueluche. Les bains de serpolet conviennent dans la faiblesse générale. Du reste , les usages externes de cette plante sont ceux de toutes les plantes aromatiques.

 

A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les propriétés thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :


Serpoulet ou serpolet. Serpilium vulgare minus.


VERTUS : C'est un très bon incisif, céphalique, antispasmodique, alexitère, emménagogue et diurétique ; on l'estime dans l'épilepsie, le vertige, ainsi que pour les commencements d'asthme ; extérieurement c'est un résolutif fortifiant, il entre dans l'huile de petits chiens, l'eau générale, et est spécifique dans la coqueluche. (Une pincée par tasse pour les enfants.)

 

Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102,‎ 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :


Pïnpyolë, m. / pépyolë, m. / pîpyolë, m. / = thym-serpolet = Thymus Serpyllum.

En mastication contre les maux de dents ; contre les piqûres de serpent ; le serpolet est antibiotique : contre les infections, on l'utilise en bain, en gargarisme, ou en compresse de tisane ; la tisane prévient le rhume des foins.

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Symbolisme :



Dans le calendrier républicain, le Serpolet était le nom attribué au neuvième jour du mois de prairial.

 

Roberte Hamayon a décrit différents rituels chamaniques dans lesquels le serpolet a des vertus purificatrices certaines :


Le rituel d'animation combine aux invocations des libations et un sacrifice animal. Puis viendra le lavement aqueux proprement dit : les neufs fils devront, d'un faisceau de branches de bouleau trempé dans l'eau de source bouillante aromatisée de serpolet et d'écorce d'épicéa, fustiger le dos nu du chaman, en lui faisant prêter serment de « se rendre, même à pied, chez tout pauvre qui viendrait le chercher, et de ne lui prendre en retour que ce qu'il peut donner, car il lui faut toujours compatir et se soucier des miséreux sans leur marchander son secours, et intercéder en leur faveur auprès des esprits vengeurs pour que ceux-ci les épargnent ; de se rendre, même à dos de taureau, chez tout riche qui l'appellerait, sans exiger non plus trop de sa part pour ses services » ; contraignante injonction en somme, d'être sans cesse à la complète disposition des autres...


(Conférence de Mme Roberte Hamayon. In : École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 85, 1976-1977. 1976. pp. 77-87).

 

Une collecte préalable auprès des membres du clan, si éloignés soient-ils, permet de réunir les ingrédients nécessaires : animaux sacrificiels, alcool de lait et autres denrées, peaux de petits carnassiers, récipients. Le rite s’ouvre au matin dans la yourte d’un vieux, par une purification des accessoires rituels et des assistants (1).


1) Les accessoires sont fumigés à l’aide d’un morceau incandescent d’écorce d’épicéa ; les assistants doivent, au sortir de la yourte, enjamber un feu aromatisé de serpolet ou de bruyère. À ce feu chaque maître de maison purifie la « part » xubi (alcool et récipients) qu’il apportera sur la montagne.


(Roberte Hamayon, Marchandage d’âmes entre vivants et morts.

Systèmes de pensée en Afrique noire, 1978, no 3, p. 151-179).

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, il y a deux entrées : une entrée thym,


Et une entrée Serpolet : Celui qui a mangé du serpolet est à l'abri des animaux sauvages et venimeux ; cette herbe est en outre un remède aux morsures. On dit parfois qu'il ne faut pas demeurer trop longtemps au voisinage de cette plante car elle peut entraîner la folie (Franche-Comté).

Jeter du serpolet dans la tombe encore ouverte d'un mort empêche son âme de venir importuner les vivants : cette plante aurait le pouvoir de maintenir dans l'au-delà les âmes qui ne sont pas au paradis.

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Alain Christol, auteur d'un article intitulé '"Matris animula « serpolet »: médecine et folklore autour d’un phytonyme." (Pallas. Revue d'études antiques, 2017, n°103, pp. 219-227) part de l'étymologie pour retrouver une part du symbolisme antique de cette plante. Ainsi, à partir de l'appellation matris animula donnée par Isidore, il développe les hypothèses suivantes :

Mater comme mère de famille – une légende tchèque

Si les vertus médicales du thym sont bien connues dans les campagnes, les locuteurs semblent avoir interprété mateřídouška et ses équivalents dans un autre cadre, celui des légendes qui font naître les plantes des souffrances humaines ou du corps de défunts. Dans le recueil de contes tchèques recueillis et réécrits par Karel Jaromír Erben, le récit initial (Kytice « Bouquet ») explique pourquoi une plante est appelée mateřídouška « petite âme maternelle » :

« Une mère mourut et fut mise en terre. / Elle laissait des orphelins. Ils venaient chaque matin, / Cherchant leur mère chérie. La mère eut alors pitié de ses chers enfants, / Son âme (duše) revint et prit la forme d’une plante aux petites feuilles, / dont elle couvrit sa tombe.


Les enfants reconnurent leur mère au parfum (poznaly po dechu). Ils la reconnurent et se réjouirent. / Et l’humble plante qui les consolait ils l’appelèrent ‘petite âme maternelle’ (mateřídouškou nazvaly). » (Erben, 1901, p. 23, trad. A. C.)

On a un jeu fondé sur la famille de slave dŭxŭ « souffle », soit en tchèque dech « souffle », duch « esprit », duše « âme » ; l’exhalaison (dech) du serpolet est son parfum, fort et persistant. Serpolet et thym, comme la lavande dans les maisons françaises, étaient utilisés pour parfumer la literie et la désinfecter en chassant les parasites, donnant leur odeur aussi à celle qui s’en servait, la mère de famille. On peut alors se demander si les enfants n’ont pas reconnu leur mère au parfum qu’elle utilisait de son vivant. Ce qui expliquerait pourquoi ils font immédiatement le lien entre le parfum du serpolet et leur mère, point sur lequel le conte reste muet.

Le lien lexical entre « souffle, âme » et « arôme », rencontré pour latin animula et tchèque dech / duše, existe aussi en russe :


« En russe dialectal, dušica (‘petite âme’) désigne des plantes odorantes, en particulier l’origan » (Merkulova, 1967, p. 138).


On évoquera pour finir l’explication métaphorique que proposait Syreniusz (Symon Syreński), botaniste polonais du XVIe siècle : dans les maladies graves où l’âme pourrait quitter le corps, la macierzanka retient l’âme et (re)donne la vie, comme le ferait une mère.


Mater comme mère divine : Une troisième interprétation, qui ferait de mater la mère de Dieu, est attestée en Russie. Dans cette langue, à côté de tim’jan « thym » emprunté à l’allemand, il existe de nombreuses dénominations locales, dont des représentants du thème est-européen *kimbro-. Une désignation relève plus particulièrement du champ lexical qui fait l’objet de cette étude, à savoir bogorodskaja trava, bogorodničnaja travka « herbe de la Mère de Dieu (Bogorodica) » :


« Parmi les herbes de la Mère de Dieu (Bogorodica) la première place est occupée, de toute évidence, par le ‘thym rampant’ (timi’jan polzučij) ou čabrec, Thymus serpyllum L » (Kolosova 2010, p. 98).


Bogorodskaja trava est probablement l’adaptation chrétienne d’un forme comparable à matris animula. Certains rites, inséparables des vertus thérapeutiques et magiques du thym, sont probablement des rites païens christianisés, comme le fait d’orner de thym ou de serpolet les icones de la mère de dieu le jour de la Dormition (Uspenie).

En Grèce, la plante nommée ἑλένιoν serait née des larmes versées par Hélène, abandonnée sur une île (...)

On utilisait aussi le pouvoir désinfectant du serpolet, perçu comme magique, dans la vie courante : lors d’un décès, on bénissait des herbes de la Bogorodica, qui servaient ensuite à purifier la maison16 ; on en faisait aussi des fumigations pour les vaches qui venaient de vêler, pour les pots à lait afin d’éviter que le lait ne tourne. Cette place de la plante dans le rituel a engendré un récit étiologique : le serpolet est né des larmes versées par Marie ; d’où le nom régional plakun :


« Plakun ‘thym’ est dérivé de plakat’ ‘pleurer’ : diverses plantes, dont le thym, seraient nées des larmes versées par la Vierge devant le corps de son fils » (Kolosova, 2010, p. 99).


V. Kolosova (ibid.) cite un poème où est posée la question : « Pourquoi la plante plakun estelle appelée la mère des plantes ? ». Une réponse est donnée : « Des larmes que la Mère a versé sur son fils est née la plante plakun, la mère des plantes. » La plante associée à la Mère devient la mère des plantes, cheminement sémantique qui pourrait éclairer l’anglais mother of thyme.


Mother of thyme – mother of herbs : On retrouve en effet la mère dans un nom anglais du serpolet, mother of thyme, attesté au XVIIe siècle :


Serpolet : m. running time, wild time, creeping time, mother of time, Puliall mountaine, Our Ladies Bedstraw (Cotgrave, 1611).


N. Culpeper, botaniste du XVIIe siècle, distingue le thym (common garden thyme) et le serpolet (wild thyme, mother of thyme). Les vertus médicales qu’il prête au thym sont celles que mentionnent les médecins antiques :


(Thyme) being a notable herb of Venus, provokes the terms, gives safe and speedy delivery to women in travail, and brings away the after-birth (Culpeper, 1880, p. 371).


Un autre nom de plante contient le nom de la mère, motherwort « agripaume (Leonurus cardiaca) », plante dont on pensait qu’elle pouvait apaiser les douleurs de l’enfantement, nouvel exemple des liens entre médecine et onomastique :


‘Mother of Thyme’ was probably derived from the use of the plant in uterine disorders, in the same way that ‘Motherwort’ (Leonurus cardiaca) has received its popular name for use in domestic medicine (Grieve, 1931, online).


À date plus ancienne, dans une formule magique contre le poison (vieil anglais du IXe siècle), le plantain est appelé « mère des herbes », peut-être en raison de son importance dans la pharmacopée antique :


Ond þu, wegbrade, wyrta modor... (Nine Herbs Charms, v. 7)

« And, you, Waybread (Plantain), mother of herbs... »


Il y a eu convergence entre un calque de matris animula, *mother’s thymethyme vaut à la fois θύμoς et θυμός, et une épithète « mère de plantes », qui souligne l’importance d’une plante, peut-être dans ses liens avec une Mère divine, comme en Russie.

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Valérie Bouzon-Langlois, autrice de Paroles de plantes, Comment communiquer avec le règne végétal et rencontrer vos plantes totems ? (Editions Exergue, 2023) partage ses intuitions à propos du Serpolet :


Le Serpolet : Le Filtre intérieur


Son histoire : « Mon histoire commence au Moyen Âge. J'ai un lien très fort avec le minéral, nous travaillons ensemble. Le minéral m'apporte un soutien et moi, je diffuse mon énergie. Sa source d'énergie me permet de proposer plusieurs solutions que je transmets par mes branches. Les hommes ont voulu nous séparer. Seul, je n'ai plus de soutien et je me disperse, rien n'est clair, c'est le brouillard. Avec le minéral, je suis stable et je communique. »


Son message : « Je suis le cerf, le pot et le lait ! Je suis le cerf qui capte les informations grâce à ses bois. Je suis le pot, celui qui recueille les informations. Et je suis le lait qui nourrit votre corps de ce savoir.

Je filtre tout ce qui est, les relations, les projets, les personnes. Il suffit de m'appeler pour filtrer ce qui est bon pour vous. J'agis comme un filtre à l'intérieur de votre corps. Je sépare l'impur du pur, et je trie tout ce qui vous entoure pour ne garder que le meilleur pour vous et qui sera LA solution.

Mais sans le minéral, je me sens perdu, mon énergie n'a plus de direction et ne monter pas la voie. J'ai besoin de l'énergie du minéral pour être stable et pour vous proposer ma force.

Je suis Amour, passion, bien-être. Je redonne de la vigueur en réchauffant, je suis une plante solaire. J'aime transformer les choses. Quand je filtre, je transforme. mes fleurs agissent comme des bouchons, elles vont là où il y a des trous. Je suis là pour vous ! »


Le Serpolet, pour qui et dans quel contexte ? Vous êtes une personne qui reçoit sûrement plusieurs informations ou pensées en même temps. Vous avez du mal à vous concentrer. Votre Esprit se trouve envahi et rempli d'informations et vous ne savez pas comment les traiter. Le Serpolet va vous aider à faire le tri de ce qui est important ou non ou à prioriser l'essentiel pour vous maintenant. Vous pouvez aussi avoir des difficultés avec la séparation sous toutes ses formes. Vous dépendez de quelqu'un ou de quelque chose pour vous accomplir, vous pouvez même être carencé.

Vous vous trouvez dans un contexte de prise de décision difficile. Plusieurs possibilités s'offrent à vous, que ce soit des projets, des voies professionnelles ou personnelles, des idées, vous ne savez pas quoi choisir. la plante va exprimer pour vous votre besoin le plus important aujourd'hui. Vous pouvez même lui demander de lister les réponses, de la plus importante à la moins urgente pour votre bien-être.


Vertus et utilisations : Aider à rester concentré (trop de pensées en même temps). Infuser la plante pendant dix minutes, quinze grammes par litre, boire trois tasses par jour après les repas. Et utiliser le macérat de Serpolet comme masque pour les cheveux, l'huile agira sur le cerveau.

Rééquilibrer la fonction de l'intestin, aider à faire le tri des informations. Infuser la plante pendant dix minutes, quinze grammes par litre., boire trois tasses par jour. Utiliser le macérat de la plante, masser le ventre plusieurs fois par jour, dans le sens des aiguilles d'une montre.

Où agit-il sur le corps ? Les intestins, le cerveau, la rate.


Comment l'invoquer ? Demander au Serpolet de filtrer vos informations et de vous donner LA meilleure solution pour vous. Laisser venir la réponse comme une évidence.


Comment le remercier ? « Laissez-moi me disperser sur vos sols avec le minéral ».


Mots-clés en relation avec le Serpolet : Trier - Informations - Recevoir - Filtre - Symbiose - Ensemble - Plusieurs - Solution - Réponses - Meilleure - Essentiel - Mental - Ressassement - Offre - Disperser - Confus - Déconcentré - Accepter.

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Mythes et légendes

D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


SERPOLET. — Macer Floridus, De Viribus Herbarum, recommande cette herbe contre toute morsure d’animal venimeux ; de sorte que les moissonneurs qui s’endorment à la belle étoile, peuvent être sûrs qu’aucun animal ne viendra les blesser, s’ils ont mangé du serpolet.

 

Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Les paysans se servent de locutions proverbiales qui semblent attribuer aux plantes une sorte d'animisme. D'anciens traités de culture emploient des formules qui rentrent dans cet ordre d'idées : Le Serpolet se réjouit d'être planté ou semé en terre près des fontaines, ruisseaux ou puits ; il demande néanmoins un terroir qui ne soit ni gras ni fumé.

{...] La croyance à l'action des plantes sur les personnes a été vraisemblablement plus répandue qu'elle ne l'est aujourd'hui. En ce qui concerne leur influence sur les gens qui se tiennent longtemps sur elles ou dans leur voisinage, elle a été relevée en Franche-Comté, où l'on dit que la folie peut naître d'un séjour prolongé sur le serpolet.

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