Étymologie :
Étymol. et Hist. I. A. 1. a) 2e moitié xe s. « partie extrême de la jambe de l'homme » (St Léger, éd. J. Linskill, 165) ; 1550 pied plat (Paré, Œuvres, éd. J. F. Malgaigne, 1, 308) ; b) ca 1240 a sec piet (J. de Thuin, Jules César, 35, 17 ds T.-L.) ; ca 1480 a pié sec la mer passèrent (Mist. Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 42999) ; c) 1579 pieds nus (R. Garnier, La Troade, éd. W. Foerster, II, 101) ; 1937 subst. masc. plur. « sandales » (Tarif-Album-Manufrance, p. 222 ds Quem. DDL t. 16) ; d) 1611 ne pas se moucher du pied (Cotgr.) ; e) 1606 trouver chaussure à son pied « trouver ce qui convient » (Nicot, p. 21) ; f) 1660 avoir le pied dans la fosse (Oudin) ; 1845 avoir le pied dans la tombe (Besch.) ; g) 1808 mettre les pieds dans le plat « ne plus garder de mesure » (Hautel) ; 1903 id. « commettre une grosse bévue » (Nouv. Lar. ill.) ; 2. a) ca 1100 descendre a pied « descendre de cheval » (Roland, éd. J. Bédier, 120) ; ca 1200 il a mis pié a terre « id. » (Chevalier cygne, 184 ds T.-L.) ; b) 1216 metre pié (quelque part) (G. Le Clerc, Fergus, 140, 13, ibid.) ; 1538 mettre le pied (quelque part) (Est.) ; c) 1548 toujours le pié en l'air « changer sans cesse de place, être vif » (Noël Du Fail, Baliverneries, éd. J. Assézat, 174) ; d) 1450-65 partir les pieds devant (La Farce de Maistre Pathelin, éd. Holbroock, 595) ; 1623 sortir les pieds devant (Sorel, Francion, éd. A. Colombey, 310) ; e) 1452 tenir pied ferme « rester fidèle à ses alliés » (Jean De Bueil, Le Jouvencel, éd. L. Lecestre, 2, 113) ; 1587 de pied ferme (F. De Lanoue, 324 ds Littré) ; f) ca 1460 à pied levé « à l'improviste » (G. Chastellain, Chroniques, éd. K. de Lettenhove, II, 184, 9) ; 1549 au pied levé (Est.) ; 1572 prendre qqn au pied levé (19 nov., Lettr. miss. de Henri IV, I, 46 ds Gdf. Compl.) ; g) ca 1480 ne scay de quel pié dancer (Mist. Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 22624) ; 1611 ne pas savoir sur quel pied danser (Cotgr.) ; h) 1611 planté sur le pied gauche « placé dans une mauvaise situation » (ibid.) ; 1962 se lever du pied gauche (Rob.) ; i) 1640 tomber sur ses pieds (Oudin) ; 1685 fig. retomber sur ses pieds (Fur.) ; j) 1869 ne pas se donner de coup de pied « se vanter complaisamment » (Littré) ; 3. a) ca 1100 a pied « en marchant » (Roland, éd. J. Bédier, 2138) ; ca 1160 genz de pié « la piétaille » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 6682) ; 1174-76 metre a pié « réduire dans une situation fâcheuse » (Guernes de Pont Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 6132) ; 1685 mettre qqn à pied « lui faire vendre son équipage » (Fur.) ; 1869 être à pied « être sans travail » (Littré) ; 1898 mettre à pied (un salarié) (Guérin) ; b) ca 1100 en piez « debout » (Roland, éd. J. Bédier, 195) ; 1771 en pied (portrait, statue) (Trév.) ; c) 1551 mettre le pied sur la gorge (Du Villars, Mémoires, II ds Gdf. Compl.) ; d) 1554 sus les pieds (être) « debout, rétabli » (Tahureau, Dial., p. 91 ds La Curne) ; 1685 être sur pied « guéri, rétabli » (Mme de Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, t. 7, 411) ; 1660 mettre sur pied « guérir un malade » (Oudin) ; e) 1668 remettre sur pied « rétablir dans ses affaires » (Molière, L'Avare, II, 6) ; 1687 établir qqn sur un bon pied « lui procurer de grands avantages » (Mmede Maintenon, Lettre à Mr de Villette ds Littré) ; 4. a) 1306 prendre pié « aborder sur la terre ferme » (Joinville, St Louis, éd. N. de Wailly, 142 f) ; 1580 prendre pied « s'établir d'une coutume » (Montaigne, Essais, éd. P. Villey, I, 173) ; b) 1616 lâcher le pied « reculer, s'enfuir » (D'Aubigné, Hist., I, 22 ds Littré) ; 1656-57 lâcher pied « céder, montrer de la faiblesse » (Pascal, Provinciales, éd. Brunschvicg, IV, 261) ; c) 1671 avoir pied (Pomey) ; 5. a) 1527 avoir bon pied, bon œil « se porter bien » (Chevalet, Myst. S. Christ., D II ds Gdf. Compl.) ; b) 1616 avoir le pied marin (D'Aubigné, Hist., II, 293 ds Littré) ; 1671 avoir le pied léger (Pomey) ; 6. ca 1195 pié a pié « pas à pas » (Ambroise, Guerre sainte, 10892 ds T.-L.) ; 1580 pied à pied « peu à peu, graduellement » (1er juin, Lettr. miss. Henri IV, I, 304 ds Gdf. Compl.) ; 7. 1873 à pied de bas (marcher) « sans chaussures » (Gazette Tribunaux, 14 mars, p. 250, 1re col. ds Littré Suppl. 1877). B. 1. Ca 1200 piet (d'un cheval) (Elie de St Gille, 1894 ds T.-L.) ; 1678 « sabot qui protège l'extrémité de la région digitée chez le cheval » (Guillet) ; 2. 1793 faire feu des quatre pieds (Hébert, Le père Duchesne, no 325, 2 in G. Walter, Hébert et le père Duchesne, Lexique de la langue d'Hébert ds Quem. DDL t. 15) ; 3. 1608 faire le pied de grue (M. Régnier, Satyre III, éd. G. Raibaud, p. 32) ; 4. 1585 petits pieds « petits oiseaux qui se mangeaient rôtis » (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 2). II. 1 a) Ca 1140 piet de la tor (Pélerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 611) ; 1155 al pie del munt (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 13749) ; b) 1694 réduire qqn au pied du mur « ôter toute échappatoire à » (Ac.) ; 1718 mettre qqn au pied du mur (ibid.) ; 1898 à pied d'œuvre (DG) ; 2) a) ca 1230 « partie la plus basse d'un arbre » (G. Leclerc, Trois mots, 237 ds T.-L.) ; 1563 cent mille pieds d'arbres « plants » (B. Palissy, Récepte, 116) ; b) 1460-66 fig. elle séchoit sur le pie (Martial d'Auvergne, Arrêts d'amour, éd. J. Rychner, XXIX, 137) ; 1690 sécher sur pied (Fur.) ; 3. ca 1200 pied (d'un meuble) (Poème moral, 389c ds T.-L.) ; id. un hennap d'argent a piet (ds Doc. concern. l'hist. de l'art dans les Flandres..., éd. C. Dehaisnes, I, 44) ; 4. 1685 « largeur d'une base » (Fur.) ; 1690 « penchant qu'on donne à des ouvrages pour les soutenir » (ibid.). III. 1. a) Ca 1100 « unité de mesure » (Roland, éd. J. Bédier, 2400) ; b) 1648 (avoir) un pied de « une couche épaisse de » (Scarron, Virgile travesty, L. IV, p. 307) ; c) id. faire un pied de nez « être mortifié » (Id., ibid., L. III, p. 236) ; 1898 faire un pied de nez à qqn (DG); d) 1808 vouloir être à cent pieds sous terre (Hautel) ; 2. a) 1585 au petit pied « en raccourci, en petit » (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 67) ; b) 1609 il réforme à son pied (M. Regnier, Satyre XI, éd. G. Raibaud, p. 141) ; c) 1611 au pied de la lettre (Cotgr.) ; 1671 prendre la chose un peu trop au pied de la lettre (Pomey) ; d) 1753 sur un pied d'égalité (négocier) (Voltaire, Ann. empr. Leopold ds Littré) ; e) 1754-57 être sur un grand pied « mener grande vie » (St Foix, Ess. Paris, Œuvres, t. IV, 287 ds Pougens ds Littré) ; 1869 vivre sur un grand pied « id. » (Littré) ; 3. 1538 petit pied « instrument de mesure du charpentier » (Est.) ; 1771 « instrument en forme de petite règle » (Trév.) ; 1903 pied à coulisse (Nouv. Lar. ill.) ; 4. 1899 pied « plaisir » (ds Esn.) ; 1926 prendre son pied « éprouver un très vif plaisir à » (Fr. Carco, L'Amour vénal, p.179 ds Cellard-Rey 1980). IV 1. Ca 1380 « syllabe dans le vers français » (Jean Lefevre, Trad. La Vieille, 10 ds T.-L.) ; 2. 1549 « dans le vers grec ou latin, groupe de syllabes constituant la mesure élémentaire du vers » (Du Bellay, Deffense langue francoyse, éd. H. Chamard, 262). Du lat. pedem, acc. de pes, pedis « pied des hommes et des animaux », « pied (mesure) », « pied (métrique), mètre, vers », « tige de fruit, de plante ».
Lire également la définition du nom pied afin d'amorcer la réflexion symbolique.
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Anatomie :
Alain Froment, dans un ouvrage intitulé Anatomie impertinente, Le corps humain et l'évolution (© Éditions Odile Jacob, 2013) balaie des idées devenues fausses :
LA MAIN ET LE PIED : À la différence d'Engels qui en 1878 avait écrit un texte sur « le rôle du travail [c'est-à-dire de la main] dans la transformation du singe en homme », le grand anthropologue et préhistorien André Leroi-Gourhan observait avec finesse que « nous étions préparés à tout admettre, sauf d'avoir débuté par les pieds ». Incidemment, les Anciens avaient fait un lien amusant entre la faculté de marcher et le sens moral puisque les scrupules sont les petits cailloux (scrupula) qui entrent dans la sandale et rendent la marche douloureuse. Le meilleur critère actuel de l'hominisation n'est pas l'outil (que les autres grands primates utilisent), le langage, les comportements sociaux complexes ou la capacité crânienne, c'est l'acquisition de la marche complètement érigée, celle d'Homo erectus.
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Canon : Avant d'être un coléoptère mangeur de patates, le doryphore était un porteur de lance. Une des plus célèbres statues de l'Antiquité, le doryphore de Polyclète, incarne pour la première fois une théorie des proportions, énoncée par le sculpteur dans son traité sur le Canon ou règle des rapports anatomiques, traité que Galien commente en disant que «la beauté du corps est, selon tous les médecins et les philosophes, dans les rapports équilibrés entre ses parties ». La tradition classique, notamment chez l'architecte romain Vitruve, applique le principe grec selon lequel le corps de l'homme est la mesure de toute chose37• On recherche alors le fameux nombre d'or, considéré comme la proportion idéale, agréable à l'œil, dont la valeur est obtenue en divisant la longueur de deux segments a et b de telle sorte que [(a + b)/aJ soit égal au rapport des deux segments [a/b], est de 1,618... Les éléments du corps humain (empan, coudée, pied) ont été utilisés comme unités de mesure dans de nombreuses sociétés, y compris en médecine. [...] et l'on sait à présent pourquoi on dit un pied de nez : fait de deux empans, il vaut un pied. Les bâtisseurs de cathédrales mesuraient les distances avec un instrument nommé « pige », constitué de cinq tiges articulées correspondant à la paume, la palme, l'empan, le pied et la coudée.
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Chatouilles : [...] Le chatouillement est une sensation assez mystérieuse dans la mesure où, sous la plante des pieds. il pourrait interférer avec la marche. Et l'on ne sait pas pourquoi on ne peut pas se chatouiller soi-même.
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Ongles : [...] Comme chacun peut le remarquer, les ongles des pieds poussent plus lentement; c'est peut-être lié à la bipédie, mais ce détail a été peu exploré par les anthropologues.
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Latéralité : [...] Dans le squelette, les os du membre supérieur sont plus longs à droite qu'à gauche, et c'est l'inverse au membre inférieur, bien que les droitiers de la main soient aussi droitiers du pied.
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Variantes : [...] Une légende dit que Charles VIII l'Affable, fils de Louis XI, mort au château d'Amboise en 1498 après s'être cogné la tête dans une porte, aurait eu six doigts de pieds, ce qui serait à l'origine de la mode de la chaussure en « museau de vache ».
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PIED : Avec ses 26 os et sa double courbure plantaire, l'architecture du pied est savante : Léonard de Vinci disait que c'était un modèle d'ingénierie. Son évolution a été capitale pour libérer la main. Par contre, il ne joue plus aucun rôle dans la préhension quoique la dissection révèle des muscles vestigiaux qui prouvent que le gros orteil était autrefois opposable. En perdant cette faculté, le gros orteil a gagné de nombreux avantages 15. Il est indispensable à la marche, en fournissant un appui au déroulement du pied après l'attaque par le talon. Il suffit de lever le gros orteil vers le haut pour constater combien il devient difficile de courir. La marche est un processus complexe car, en un pas, on réalise trois actions sur trois segments : l'absorption du choc par le talon, le soutien du corps par la voûte, puis la propulsion par l'avant-pied. Les autres primates, de même que les nourrissons qui apprennent à marcher, ne s'appuient que sur l'avant-pied, mais ensuite c'est le talon qui supporte l'essentiel du poids du corps. Nous possédons donc un dispositif très renforcé et compacté, au prix de la perte de l'opposabilité du pouce et de la préhensilité des orteils, qui sont raccourcis, alors que les métatarsiens sont allongés. Le gros orteil du fœtus de chimpanzé n'est pas déporté vers le dehors, sa divergence apparaissant plus tard. On fait environ 9 000 pas par jour (8937 selon la moyenne française, 9744 chez les Franciliens, usagers des transports en commun) et l'OMS recommande un minimum de 10000 pas, soit une heure d'exercice, car la marche est bien corrélée à la santé et à la longévité, alors que le jogging engendre des microtraumatismes qui se paient cher une fois l'âge venu.
Voûte : Le pied est homologue de la main avec toutefois un os de moins puisque le carpe a huit os et le tarse sept, dont deux très gros situés à l'aplomb de la cheville. Puisqu'il y a deux os scaphoïdes, un au carpe et l'autre au tarse, ce dernier, dans la nouvelle nomenclature, a été rebaptisé os naviculaire, ce qui signifie la même chose en revenant du grec au latin. Le tarse est, en grec, une claie pour égoutter les fromages qui par extension désigne les rangées de rames le long d'un navire, et finalement l'alignement préfigurant le pied. L'arrière du tarse est constitué d'un os volumineux, le calcanéum, qui forme la saillie du talon, et « roule, vire et tangue» sous un os plus compact faisant poulie avec la fourchette tibio-péronière, l'astragale, ou talus, dont le nom provient d'un jeu d'osselets, ou de dés (tali). Cet os assez humble a été rendu célèbre par le roman éponyme d'Albertine Sarrazin (1937-1967), victime d'une fracture à ce niveau en s'évadant de prison. Le tarse antérieur est fait de cinq os de taille modeste, le cuboïde, le scaphoïde et les trois cunéiformes. C'est sur cette voûte longitudinale, propre à l'espèce humaine, que repose tout le poids du corps; la surface tibio-talaire fait 5 à 9 cm2 et doit être large et stable pour assurer la bipédie, mais les gorges osseuses peu profondes et les ligaments courts exposent cette articulation aux entorses: c'est un héritage de notre passé arboricole. La voûte plantaire joue un rôle important dans la course et contribue, tout comme le tendon d'Achille, à l'élasticité et au stockage puis à la restitution de l'énergie. Elle est très peu marquée chez le nourrisson, c'est à la puberté que se maximise la cambrure, un signe que les cordonniers interprétaient comme le premier signe de virilité, le « nœud d'amour ». On décrit sur le pied un interligne articulaire médio-tarsien dit de Chopart, lui aussi susceptible d'entorses, qui correspond à une très vieille articulation, repérable par sa mobilité chez les premiers amphibiens. Plus en avant, l'interligne métatarso-tarsien porte le nom du chirurgien Lisfranc, car c'est la ligne d'amputation qu'il avait proposée afin que le mutilé puisse marcher sur son moignon. [...]
Courir n'est rien d'autre que sauter d'un pied sur l'autre, avec des phases où le corps, contrairement à la marche, n'est plus en contact avec le sol, et lorsqu'on saute, on se reçoit sur l'avant-pied, et non sur le talon. Mais avec des chaussures de sport, c'est le talon qui sert d'amortisseur, ce qui crée les lésions dans tout le membre inférieur. Mieux vaut donc courir pieds nus car cela permet de s'adapter au terrain là où la semelle rigide de la chaussure interdit toute souplesse, comme le savent les funambules qui ne portent que de très légers chaussons.
Sésamoïdes : L'importance évolutive de ces sésamoïdes est négligée, quoique leur existence soit attestée chez les tétrapodes depuis le Permien, il y a 280 millions d'années. Un rabbin nommé Ushaia en faisait, en 210 avant J.-C., le siège de l'âme et l'appelait l'os de Luz (« ce qui est caché, l'amande, le noyau »). La mystique juive a insisté sur cet os indestructible (« si on le met au feu il ne brûle pas, dans une meule de pierre il n'est pas moulu, et sous les coups d'un marteau il ne vole pas en éclats »), d'où renaîtra le corps « comme d'une graine » à la résurrection. La kabbale n'est pas claire sur sa localisation car, outre le sésamoïde, ce pourrait être un osselet intracrânien séparé, ou bien le sacrum, ou encore une vertèbre cervicale, tenue pour indestructible. Appelée l'os du juif, celle-ci résiste dans la tombe à toute destruction et réinitialise la résurrection du corps selon une légende du Midrash. Pour Tertullien, ce sont les dents qui sont les semences pour la résurrection, mais André Vésale, médecin de Charles Quint, a fait un sort à ces superstitions en les rangeant définitivement dans 1'« anatomie comique ». Les sésamoïdes ne sont pas le produit d'un frottement à l'usage car ils apparaissent tôt chez l'embryon, dès la huitième semaine. À partir du cinquième mois, leur surface articulaire est visible, et ils jouent un rôle central dans la statique du pied et l'amortissement du choc lors de la marche. Malgré leur petitesse, ils peuvent présenter des fractures de fatigue, notamment chez les danseuses de ballet et les athlètes.
Coussinet : Le coussinet plantaire métatarsien, véritable « pneumatique de l'avant-pied », disait l'anatomiste Lelièvre, est à la fois un amortisseur et une pompe sanguine. Sa peau possède plusieurs caractéristiques, comme une épaisseur plus grande dont la surface est dotée de crêtes jouant un rôle antidérapant, et dont la jonction dermoépidermique a une morphologie particulière, permettant la répartition des forces. La couche basale est très active, les systèmes de liaisons intercellulaires par encastrage et attaches microfilamentaires sont renforcés, et il existe une couche cellulaire dite hyaline qui n'existe qu'au niveau des paumes et des plantes; enfin, la couche cornée est ici particulièrement épaisse. Faut-il rappeler que nous sommes bâtis pour marcher pieds nus, ce qu'on ne sait plus faire sur terrain accidenté dans les pays dits développés. La vascularisation de cette peau épaisse est riche. Les glomus neurovasculaires de Masson, qui sont des anastomoses entre veinules et artérioles, peuvent moduler le flux sanguin d'un facteur 100, et se fermer en cas de température extérieure très froide, pour éviter une déperdition calorique trop grande, au risque d'aboutir à des gelures irréversibles.
Comme un pied : Le pied est injustement réputé maladroit et peu intelligent, comme en témoignent bien des expressions familières (bête comme ses pieds, se débrouiller comme un pied). C'est un organe déchu, enfermé dans des chaussures. Galien, pourtant, déclarait avec fulgurance : « Il n'y a pas de partie en tout le corps de moindre considération que le pied ; mais Dieu n'a pas moins travaillé en le faisant qu'en créant le soleil... le cerveau sans le pied serait incomplet. » Il est le siège d'une importante symbolique sacrée : le pied qu'on lave, le pied qui se déchausse à l'entrée d'un lieu sacré. C'est l'endroit du corps le plus sensible aux chatouilles, ce qui prouve qu'il est très innervé. Quant à l'expression « prendre son pied », elle a une origine controversée et, il faut bien le dire, obscure. Le pied est capable de bien des performances. Un Équatorien de la région de Coca avait le gros orteil écarté au point d'être presque opposable, non comme on l'a cru longtemps parce que certains peuples ont un atavisme simien, mais parce qu'il avait passé beaucoup de temps à grimper aux arbres et en avait gardé une déformation préhensile. S'il existe des artistes handicapés qui réussissent à peindre avec leurs pieds, une Chinoise née sans bras arrive à faire de la broderie, y compris à enfiler le fil dans le chas d'une aiguille, avec les pieds.
Traces : Les pieds dégagent une odeur particulièrement forte; riches en glandes comme les paumes, ils laissent au sol une trace olfactive que les aborigènes pouvaient pister. Un bon chien de chasse peut suivre des traces de pieds nus jusqu'à vingt-quatre heures après le passage du marcheur. Il arrive, en coaching d'entreprise, de demander aux employés de marcher sur des braises. C'est une action particulièrement stressante, mais le contact avec la peau est très bref et ne cause pas de brûlures. Plus étonnante est la capacité des Fidjiens à marcher sur des pierres brûlantes sans en souffrir. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, leurs plantes de pied sont molles et spongieuses, et pas du tout cornées, selon Desmond Morris qui les a examinées.
Pied d'artiste : L'importance du pied se mesure de nos jours aux millions d'euros que coûtent l'assurance et les transferts des footballeurs. On distingue d'après les canons de la statuaire antique, le pied égyptien, avec le premier orteil plus long, le pied grec, quand le deuxième orteil est plus long, et le pied carré ou romain quand les trois premiers orteils ont la même longueur. Le pied grec est plus fréquent dans le sexe masculin mais aussi chez les Asiatiques et les Mélanésiens, mais les fabricants de chaussures livrent des modèles standard qui négligent cette variation. Les militaires le savent, le pied du fantassin doit faire l'objet de toutes les attentions, au moins du temps où on imposait aux soldats des marches interminables dans des chaussures peu adaptées. Quelle que soit sa forme, le pied est depuis la nuit des temps une unité de mesure logique et facile. Comme pour les mains, on observe plus de gelures des orteils chez les sujets d'origine africaine exposés au froid que dans les autres populations, et comme les paumes de main, les plantes de pied ne bronzent pas lorsqu'elles sont exposées au soleil. Il y a des dermatoglyphes plantaires et digitaux comme sur les mains, mais il n'y a pas à ma connaissance de chiromancie des pieds.
Cendrillon : Un petit pied étant féminin, un très petit pied sera ultraféminin, comme l'exprime la délicate pantoufle de Cendrillon. L'extrême est le pied de lotus chinois plié et contraint pour ne pas dépasser 8 centimètres de long. Cette coutume de la Chine ancienne, qui a duré mille ans et affecté 1 milliard de femmes, était destinée à marquer une distance sociale par rapport aux classes laborieuses puisque l'épouse ne pouvait plus vaquer aux tâches ménagères ordinaires. Un dicton dit que chaque pied coûtait un baril de larmes, et on estime que les surinfections causaient environ 10 % de mortalité. La prédiction de la perte du cinquième orteil est récurrente lorsqu'on évoque l'homme du futur. En fait, selon le fonctionnement de la sélection naturelle, le petit orteil ne disparaîtrait que s'il donnait un avantage reproductif à ceux qui en seraient dépourvus, ce qui paraît assez douteux. Au contraire, le fait d'avoir cinq doigts aux mains et aux pieds est une très vieille acquisition génétique bien ancrée dans nos gènes homéobox, et il n'y a pas de raison que ce schéma soit modifié sur le long terme. Du reste, le pied de nos ancêtres hominiens montre déjà un cinquième orteil très réduit, mais bien présent. On note simplement que son ongle peut manquer ou que deux des trois phalanges se soudent, mais elles existent toujours dans l'ébauche embryonnaire.
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Symbolisme :
Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,
On sait de la légende de Bouddha que, dès sa naissance, il mesura l'univers, en faisant sept pas dans chacune des directions de l'espace ; de Vishnu, qu'il mesura l'univers en trois pas, dont l'un correspond à la terre, le second au monde intermédiaire, le troisième au Ciel et aussi, dit-on parfois, au lever, au zénith et au coucher du soleil. Aussi vénère-t-on, en Asie orientale, d'innombrables Vishnupada et Bouddhapada, voire, plus rarement des Çivapada. C'et la trace du Dieu, du Bodhisattva dans le monde humain ; on montre aussi la trace des pieds du Christ sur le mont des Oliviers ; de l'Immortel P'ong-tsou au mont Tao-ying ; de Mahomet à La Mecque et dans plusieurs grandes mosquées. la mère de Yong-tseu donna naissance à Heou-tsi, le Prince Millet, pour avoir marché sur une empreinte de pas, qui était celle du Souverain d'en haut. Les pieds de pèlerin se rencontrent autour de nombreux lieux de culte. Il ne s'agit pas, en imprimant l'empreinte de ses pieds, de dire Je suis venu mais d'affirmer ; J'y suis, j'y reste, comme l'atteste parfois une légende, tracée dans le pied et formulant le désir de demeurer en présence de la divinité.
Il est cependant dit du Bouddha et des grands saint bouddhiques qu'ils sont sans traces, hors d'atteinte : nous rejoignons ici le symbolisme universel des vestigia pedis. Ces traces de pieds sont celles que l'on suit à la chasse, et symboliquement à la chasse spirituelle. Mais les empreintes ne sont perceptibles que jusqu'à la Porte du soleil, jusqu'aux limites du cosmos. Au-delà, les traces disparaissent, la Divinité étant originellement et finalement dépourvue de pieds (ophidienne). Du point de vue de la hiérarchie des états spirituels, la trace des états supérieurs se confond ave le pied de l'axe vertical, donc avec l'état central qui est celui de l'Homme véritable de la tradition chinoise (tchen-jen). Hors de cet état central, il n'est donc pas possible de discerner la trace dont il s'agit.
On notera encore, ce qui s'explique aisément, que, dans le mythe de Vaishvanara, les pieds correspondent à la terre, avec laquelle ils établissent le contact de la manifestation corporelle. D'ailleurs, dans les représentations anicôniques du Bouddha, l'empreinte des pieds correspond également à la terre, le trône au monde intermédiaire, et le parasol du Ciel. D'une façon plus terre à terre, le pied symbolise aussi un certain sens des réalités : avoir les pieds sur la terre.
Etant le point d'appui du corps dans la marche, le pied, pour les Dogons, est tout d'abord un symbole d'assise, une expression de la notion du pouvoir, de chefferie, de royauté. Mais il sous-tend aussi l'idée d'origine ; on dit chez les Bambaras que le pied est le premier bourgeonnement du corps de l'embryon. Il désigne également la fin puisque, toujours dans la marche, le mouvement commence par le pied et se termine par le pied. Symbole de pouvoir, mais aussi de départ et d'arrivée, il rejoint le symbolisme de la notion de commandement.
En tant que début du corps, il s'oppose d'autre part à la tête, qui en est la fin. Remarquant que ce début est, selon les mots de D. Zahan, oublié, négligé, malmené, le Bambara enseigne cependant que la tête ne peut rien sans le pied ; ce qui, comme en conclut cet auteur, est une façon de souligner la dépendance de l'homme divin vis-à-vis de l'homme tout court.
Le pied de l'homme laisse son empreinte sur les sentiers - bons ou mauvais - qu'il choisit, en fonction de son libre arbitre. Inversement, le pied porte la marque de la démarche - bonne ou mauvaise - accomplie. Ceci explique les rites de lavement des pieds, qui sont des rites de purification. Au cours de la cérémonie d'initiation des derviches Bektachi, le guide spirituel prononce ces paroles tandis qu'il lave les pieds de l'impétrant : C'est une obligation requise par le Dieu de merci et de compassion que tu sois chaque fois lavé de la souillure laissée par les chemins d'erreur et de rébellion où tu as marché.
Les pieds des anges, écrit le Pseudo-Denys l'Aréopagite, sont l'image de leur vive agilité, et de cet impétueux et éternel mouvement qui les emporte vers les choses divines ; c'est même pour cela que la théologie nous les a représentés avec des ailes aux pieds. Ainsi, Hermès (Mercure) a-t-il des ailes aux chevilles.
Ce que nous appelons les pieds bandés a donné matière à un nombre incalculable de suppositions, les unes plus ou moins exactes, les autres complètement fausses. Sur ce sujet typiquement chinois, il semble plus juste de laisser parler un lettré chinois, Lin Yu tang, qui écrivait les lignes suivantes : La nature et l'origine de la déformation des pieds ont été bien incomprises. Cette coutume représentait, en somme, sous une forme très bien adaptée, un symbole de la réclusion des femmes. Le grand lettré confucéen Chu-Hsi de la dynastie Sung, préconisait aussi cette pratique dans le sud du Fou-Kien comme un moyen de propager la culture chinoise et d'enseigner la différence entre la femme et l'homme. Mais, si le seul but recherché avait été de cloîtrer les femmes, il est probable que les mères n'auraient pas bandé si volontiers les pieds de leurs filles. En fait, cette déformation était avant tout de nature sexuelle. Elle datait sans aucun doute des coirs de rois libertins ; elle plaisait aux hommes en raison du culte pour les pieds et les souliers de femmes, fétiches de l'amour à leurs yeux, et pour la démarche que cette mutilation imposait naturellement à leurs compagnes : quant à celles-ci, elles ne demandaient qu'à se concilier la faveur des hommes.
Les pieds bandés représentent la plus haute subtilité sensuelle des Chinois. en plus de la démarche féminine, l'homme se mit à adorer les petits pieds, à les admirer, à les chanter, et il en fit un fétiche d'amour. Les pantoufles de nuit occupèrent une place importante ans toute la poésie sensuelle. Le culte du Lys d'or appartient sans aucun doute au domaine de la psychopathologie sexuelle. (La Chine et les Chinois, Paris, 1973)
Selon des psychanalystes (Freud, Jung, etc.) le pied aurait aussi une signification phallique et la chaussure serait un symbole féminin ; il appartient au pied de s'y adapter. Le pied serait le symbole infantile du phallus. Parmi les parties les plus attirantes du corps, suivant une enquête américaine, le pied viendrait au cinquième rang, après les yeux, les cheveux, le corps entier et la croupe. Mais ces résultats sont des plus contestables. Le professeur Hesnard observe justement : pour l'homme de sexualité normale, l'attirance érotique pour le corps de la femme désirée est non pas une synthèse banale des parties, mais une structure (Gestalt), c'est-à-dire un ensemble, une totalité, dont chaque élément n'a d'existence, pour l'amoureux, que dans la mesure où sa signification parcellaire concourt à la signification d'ensemble de toute la personne (corporelle et psychique)... La préférence érotique pour le pied obéit à cette structuration de la féminité : il entre en jeu des éléments qui sont liés à la fixation, dans l'expérience vécue du sujet, de certains événements infantiles, qui ont persisté dans l'activité psychique inconsciente, en vertu d'une non-maturation érotique. Restif de la Bretonne avait un fétichisme du pied et une chaussure était pour lui un pissant excitant sexuel. Le pied apparaît, sinon comme le foyer essentiel, du moins comme l'un des pôles de l'attraction sexuelle. Le pied est un symbole érotique, de puissance très inégale, mais particulièrement forte aux deux extrêmes de la société, chez les primitifs et chez les raffinés. [!]
Dans l'évolution psychologique de l'enfant la découverte du pied joue un rôle considérable. Caresser les pieds d'autrui, surtout s'ils sont bien faits, peut devenir une vraie passion chez certains enfants ; et beaucoup d'adultes avouent conserver une survivance de la même impulsion, qui paraît faire éprouver un plaisir intense. L'intérêt que certaines mères éprouvent pour les doigts de pied de leurs enfants, et qu'elles expriment avec une violence passionnée et presque incroyable est fréquent ; c'est là un facteur d'ordre sexuel d'une grande importance. Chez l'homme normalement évolué du point de vue sexuel, la signification phallique du pied aurait tendance à diminuer, sous l'effet d'une objectivation des fonctions propres à chaque organe et à chaque membre du sujet.
Le pied serait aussi un symbole de la force de l'âme, selon Paul Diel, en ce qu'il est le support de la station debout, caractéristique de l'homme. Le pied vulnérable (Achille), le boiteux (Héphaïstos), toute déformation du pied révèlent une faiblesse de l'âme.
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Annick de Souzenelle consacre dans Le Symbolisme du corps humain (Éditions Albin Michel, 1991) un chapitre entier aux pieds :
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Dans Le Temple de l'âme : La Parole divine du corps humain (Éditions Dangles, 1998) Roland Arnold décrypte la symbolique des pieds :
Les membres inférieurs : le contact avec la terre
1. Les pieds : Du latin pes, pedis (pieds), du grec pous et de l’hébreu reguel, le mot « pied » peut signifier également « fête », d’où l’expression populaire : « C’est le pied, prendre son pied », qui confère à ce mot le sens de satisfaction, de fête, d’un moment exceptionnel.
Le mot « pied » peut aussi représenter la puissance ou l’autorité de quelqu’un : le vainqueur antique posait le pied sur la nuque du vaincu. Ainsi, se « jeter aux pieds d’une personne » ou les étreindre, c’est reconnaître sa supériorité, la supplier, la remercier ou l’adorer. De même, « Etre aux pieds de quelqu’un » signifie être soumis.
a) Les supports de l’être : Les pieds représentent les membres inférieurs, qui sont les piliers sur lesquels repose le corps, et grâce auxquels l’homme peut explorer l’espace de ses terres extérieures. Ils sont les symboles des piliers parentaux, les béquilles utiles pour entrer dans la vie, mais seulement pour un certain temps de croissance.
Quand le corps et le mental sont construits (fin de l’adolescence), alors le jeune adulte 30 peut lâcher ses « béquilles » (les parents) pour s’élever vers le Père céleste et vivre sur la terre entière. Les pieds seront aussi les représentants des énergies qui lui permettront de parcourir les terres intérieures dans le labyrinthe mental, à la recherche du rayon de Lumière.
Correspondances des niveaux d’appui et de maturation :
pieds, chevilles : vie fœtale, naissance ;
jambes, genoux : enfance ;
cuisses, hanches : adolescence.
Avec la prise de conscience de l’importance des pieds, l’être humain introduit également la latéralisation et la notion symbolique de la droite et de la gauche. En effet, la localisation du problème, à droite ou à gauche, impliquera un sens différent, en relation avec le père ou la mère : la droite correspond traditionnellement au masculin, au père, au conscient, alors que la gauche a des correspondances avec le féminin, la mère, l’inconscient, le côté ombrageux... qui renvoie au mot latin sinister utilisé pour un mauvais augure.
Le lieu de souffrance indique une invitation à rechercher une compréhension par rapport à l’histoire vécue, aux aspects inconscients de la relation parentale. Les membres inférieurs traduisent les connaissances éducatives reçues de l’entourage parental, avant l’âge adulte. C’est en fonction de ce cadre de valeurs que le jeune humain va s’orienter dans l’espace.
Si ces supports immédiats et tangibles s’écroulent ou se blessent, ils semblent traduire une défaillance ou du moins une difficulté à se tenir debout, primo physiquement, secundo mentalement. Les mentalités infantile et adolescente sont souvent porteuses de perceptions exagérées qui conduisent forcément à des déséquilibres. Il convient, dès lors, de remettre en question la dépendance aux parents, la construction du moi-je, la vie égocentrée, le monde de la possession et la vie à l’extérieur de soi-même.
Quand les pieds souffrent, il est l’heure de s’interroger sur la validité des appuis. Sortir du monde infantile est une étape importante de l’être en évolution et ce n’est jamais vraiment facile, mais c’est forcément indispensable pour pouvoir tenir correctement debout. L’expression la « plante du pied » en est peut-être l’illustration. Le monde végétal s’oriente irrésistiblement vers la lumière, vers le soleil. Ainsi en est-il aussi de l’homme ! L’homme est une plante, un arbre à « planter » dans une terre féconde afin de croître dans de bonnes conditions.
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Dans le pied, il y a un petit os appelé os scaphoïde ou os naviculaire, et dont la signification française est « petit bateaux ou « petit navire ». Il fait naviguer l’homme sur le chemin de la vie d’une manière imagée. Le mental gouverne ce petit bateau dans la mer du quotidien. Ainsi, tout problème au niveau du pied est empli de sens et permet de s’interroger sur la manière de « mener sa barque ». De plus, on ne fracture pas un tibia ou un astragale à droite comme à gauche.
La bonne marche dans la vie est synonyme de connaissance reçue, qui est transmise au départ par l’éducation, et cela d’une manière consciente, mais aussi grâce à un programme dans l’inconscient. Tant que les parents n’ont pas accès à la vérité de ce dernier, il y a projection, et ce programme se déroulera en fonction de leur degré de maturité. Il est à remarquer qu’au niveau de la main il y a également un os naviculaire, orientant la main dans l’espace.
En outre, le pied est aussi le symbole de l’âme. Un défaut à ce niveau révèle une faiblesse de l’âme. Si Achille est vulnérable au talon, c’est en raison de sa propension à la violence et à la colère, qui sont des signes de non-accomplissement. Le pied est lié à la vie intra-utérine de l’individu et à sa naissance, c’est-à-dire à l’âme qui au départ semble vierge, et qui est en réalité déjà fortement influencée par les pulsions inconscientes des âmes parentales (psychologie). L’appui déficient est un signe de cette influence invisible et donne un faux départ dans le cheminement de la vie. Par analogie avec toute plante qui a besoin d’une bonne terre fertile pour croître dans les meilleures conditions, la plante du pied est à bien planter sur la terre.
Durant toute sa vie, l’être humain, le seul mammifère érigé, bipède et doué d’intelligence, cherchera à se positionner en fonction de la pesanteur et par rapport aux autres. C’est pourquoi il se révèle indispensable de planter correctement les deux pieds dans la terre, comme le suggère l’image ci-dessous, trouvée dans un livre ancien d’anatomie.
b) Les racines du corps : Les pieds sont les racines du corps. Nous verrons, dans le chapitre sur les nerfs, que la partie terminale a été appelée la racine nerveuse. Ici, les racines lombaires et sacrées viendront offrir leurs distributions neurologiques jusqu’à la pointe des pieds. Les pieds ont par ailleurs la forme symbolique d’un germe, comme l’oreille et le rein, à l’image de la position fœtale. Ils doivent être à l’écoute du terrain, de la terre, pour puiser toutes les informations utiles afin de pouvoir s’y adapter et s’y épanouir.
En tant que début du corps ou racine, ils s’opposent à la tête qui en est la fin, et inversement. Les racines peuvent être les cheveux, c’est-à-dire la tête, s’opposant aux pieds qui deviennent alors la fin. Cependant, la tête ne peut rien sans les pieds et vice versa.
Le symbolisme de l’accouchement lors de la naissance semble contenir un message d’un autre niveau. En temps normal, l’enfant vient au monde par la tête, comme si la tête était à planter dans la terre. On pourrait supposer, dans cette manière de naître, que la naissance se fait par le mental. Quel programme ! La Création, étant parfaite par nature, utilise souvent le renversement pour indiquer une compréhension à un autre niveau que le premier degré...
Les pieds de l’homme, enfin, laissent leur empreinte sur les sentiers, bons ou mauvais, choisis en fonction de son libre arbitre et de sa responsabilité. Mais les pieds portent aussi la marque de la démarche, bonne ou mauvaise. Ainsi expriment-ils une certaine qualité d’être : le langage populaire parle de pieds ou de chevilles « qui enflent » pour dire toute la vanité et l’orgueil d’une personne.
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3. Les clefs anatomiques de l’homme : La cheville, le pied et la clavicule sont les clefs de l’anatomie de l’homme. Sur le plan ésotérique, posséder la clef (une certaine connaissance) signifie avoir été initié. La clef indique non seulement l’entrée dans une ville, dans un lieu ou une maison, non seulement l’accès à un objet scellé, mais surtout l’accession à un état, à une demeure spirituelle, voire à un degré initiatique. Les récits des contes et des légendes mentionnent souvent trois clefs : elles introduisent successivement dans trois enceintes ou trois chambres secrètes, qui sont autant d’approches du Mystère.
La clef de la cheville est ici le symbole du mystère à percer, de l’énigme de la vie à résoudre, de l’action difficile à entreprendre pour une bonne marche sur la terre. Ne dit-on pas : « marcher droit, sur le bon chemin », « avoir bon pied, bon œil » ? La vie n’est que marche en avant, par étapes qui conduisent à l’illumination et à la découverte d’un arrière-plan du monde terrestre.
Le pied est un germe qui contient le corps en entier. L’acupuncture chinoise l’utilise pour traiter les points réflexes correspondant aux différentes parties du corps.
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Si le pied est symbole de marche, toute lésion ou défaut au niveau de la hanche retentira sur la marche et révélera une faiblesse sur le chemin du Mystère. Boiter, d’un certain point de vue, indique un défaut spirituel.
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Le rein est donc avant tout le filtre du sang et il est en analogie avec le pied qui filtre les informations de la terre, et avec l’oreille qui filtre les informations auditives. Ils ont tous trois la forme d’un germe et d’un fœtus (voir illustrations p. 78). Tous trois, outre leur fonction similaire, peuvent être le lieu d’une mort et d’une renaissance
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Le tronc nerveux de l’arbre neurologique correspond à la moelle épinière (épines) d’où partent les racines nerveuses de chaque côté, qui ont des ramifications (rainures) parfois très longues jusque dans la paume de la main et dans la plante des pieds, comme si ces racines devaient être plantées pour s’enraciner dans la terre. La base de la moelle épinière donne naissance aux racines sacrées.
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Parmi les nombres célèbres des pythagoriciens apparaît un rapport particulier qui gouverne les êtres vivants dans leur ensemble. Ce nombre, qui s’exprime sous la forme d’une proportion, régit l’équilibre architectural du corps de l’homme : il s’agit du Nombre d’or – ou section dorée – qui partage l’homme de la tête au nombril et du nombril aux pieds.
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Michel Odoul, auteur de Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi (Nouvelle Édition revue et corrigée Albin Michel, 2002) nous donne sa vision du pied, empreinte de la philosophie chinoise :
Le pied : Il s’agit de notre point d’appui sur le sol, la partie sur laquelle tout notre corps repose et se repose pour les déplacements, les mouvements. C’est lui qui nous permet de « pousser » vers l’avant, et par conséquent d’avancer, mais aussi de bloquer nos appuis et par conséquent de camper sur nos positions. Le pied représente dont le monde des positions, l’extrémité manifestée de notre relation au monde extérieur. Il symbolise nos attitudes, nos positions affirmées et reconnues, le rôle officiel que nous jouons. Ne met-on pas le pied dans la porte pour la bloquer ? Il représente nos critères de vie, voire nos idéaux. Il s’agit de la clef symbolique de nos appuis « relationnels », ce qui explique l’importance du rite de lavage des pieds dans toute les traditions. Cela purifiait notre relation au monde, voire au divin. C'est enfin un symbole de liberté, car il permet le mouvement. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si l'on bandait les pieds des petites filles en Chine. Sous le couvert d'une signification érotique et esthétique, cela permettait en fait d'enfermer, d'emprisonner la femme dans un mode relationnel de dépendance face à l'homme, en limitant son potentiel de mobilité. Le même phénomène existe d'ailleurs dans nos sociétés occidentales où les femmes « devaient » porter des talons aiguilles pour correspondre à un certain schéma. Comme par hasard, on a pu constater que, au fur et à mesure de la « libération » de la femme, la hauteur des talons de ses chaussures diminuait. Aujourd'hui, de plus en plus de femmes, surtout dans les jeunes générations, ne portent plus que des chaussures à talons plats.
Les maux de pied : Ils expriment les tensions que nous ressentons par rapport à nos positions face au monde. Ils signifient que nos attitudes habituelles, que les positions que nous prenons ou que nous avons manquent de fiabilité, de stabilité ou de sécurité. Ne dit-on pas d'ailleurs de quelqu'un qui n'est pas tranquille, qui a peur ou qui n'ose pas affirmer ses opinions ou ses positions, qu'il « est dans ses petits souliers » ou, plus trivialement, de quelqu'un qui se retient ou qui est mal dans ses positions du moment, qu'il « se sent à l'étroit dans ses baskets » ? Ne dit-on pas enfin de quelqu'un qui ne sait quelle attitude prendre par rapport à une situation (relationnelle), qu'il ne sait sur quel pied danser ?
Lorsque la tension se manifeste dans le pied droit, elle est en relation avec le Yin (mère) et lorsqu'elle a lieu dans le pied gauche, elle est en relation avec le Yang (père). Je pense ici particulièrement à Judith. Cette enfant âgée de 9 ans me fut amenée en consultation par sa mère car elle souffrait d'une neuro-algodystrophie de la cheville et du pied gauche et le corps médical lui avait prédit qu'elle « finirait » dans un fauteuil roulant. Cette affection osseuse, particulièrement profonde et reconnue d'origine « somatique », est parfois tellement douloureuse qu'elle peut conduire certaines personnes au suicide. Que se passait-il pour Judith? Elle venait de perdre son père, décédé brutalement. Ce père, pourtant si important, détruisait, dans les derniers temps de sa vie, son image aux yeux de Judith car il « cherchait à régler » certains problèmes dans l'alcool. Face à cela, Judith commença, quinze jours avant la mort de son père, à ressentir des douleurs dans sa cheville gauche. Son père finit par choisir de « partir» complètement et Judith ne sut plus où elle en était ni sur quoi s'appuyer. Plus de père sur qui se « reposer », plus de représentation de la force, d'autant plus que son image avait commencé à se désagréger. Judith fit la même chose avec sa cheville et son pied gauche qui commencèrent à se déminéraliser. Nous fîmes un travail de dédramatisation puis de reconstruction de la mémoire émotionnelle, ainsi qu'un travail important de rééquilibrage de ses énergies. Devant l'urgence et l'importance de la manifestation, je la confiais parallèlement à un ami médecin homéopathe qui lui établit un traitement reminéralisant de fond ainsi qu'à une amie qui l'aida par un travail d'orthobionomie. Au bout de quinze jours, Judith avait posé ses béquilles et retournait à l'école, à la grande surprise du médecin de contrôle qui eut la « psychologie » de l'accuser de simulation, car il était impossible sinon qu'elle puisse remarcher! Il me fallut deux séances supplémentaires pour stopper la récidive qui démarrait suite à une telle attitude « négative » venant à nouveau d'une personne censée représenter «l'autorité» (symbolique paternelle).
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Patricia Verhaeghe, autrice d'un article intitulé "Le Corps, architecture du temple divin" (Revue Le Son bleu n°2 et 3, juin/septembre 2007) nous permet d'avoir une vision résumée du symbolisme du pied :
Les Mystères ont pour seule fonction d’amener tout chercheur de Vérité à révéler les secrets qu’ils contiennent. Décider de percer le sens sacré du corps humain – grand livre de la Vie – revient à percer la Porte des Mystères, autrement dit à dévoiler le sens caché de notre être et par conséquent sa finalité. Or, pour ouvrir cette porte, il nous faut plonger au plus intime de nous-même à la rencontre de Celui en qui nous avons l’être, le mouvement et la vie. Nous découvrons l’œuvre potentiellement divine du Grand Organisateur – Rayon 7 - et la révéler consiste à enlever le voile.
Le corps symbole du temple divin : Le corps est l’instrument de notre âme et le Temple de notre Esprit. La Parole Divine est en effet au centre de notre corps.
Le corps, en tant que livre de chair, nous offre un enseignement d’une très grande richesse. En effet, le langage anatomique relève d’une science secrète en ce sens qu’il est révélateur des secrets de la vie occultés. Il s’agit de retrouver cette Parole sacrée enfermée au plus profond de nous-même par l’intermédiaire des symboles anatomiques. La seule finalité de notre vie étant l’accomplissement du Soi. Notre chair devient alors parlante.
Anatomie symbolique : Il y aurait beaucoup à dire sur les différents organes composant notre corps ainsi que sur les organes des sens mais il faut bien poser un cadre. Je me limiterai donc à une étude succincte des différentes parties de notre anatomie squelettique.
Les pieds : Nos pieds représentent :
nos racines permettant notre enracinement. Mais sur quoi nous enracinons-nous ? Sur quelle terre nous appuyons-nous ? Ne parle-ton pas de la plante des pieds ?
le lien également avec notre passé à travers l’arbre familial.
enfin, nos pieds portent la marque de notre démarche qu’elle soit physique, psychique ou spirituelle.
Annick de Souzenelle résume sa démarche dans un article intitulé "Le corps, lieu de notre accomplissement spirituel" (Revue 3e Millénaire, 25 novembre 2017) :
Car si nous étudions vraiment les textes et si nous étudions aussi les expériences et les mythes, nous allons voir que durant toute l’errance, nous acquérons – c’est l’assimilation du bol alimentaire – beaucoup plus de connaissances que nous ne le pensons. Elles sont là, mais elles n’arrivent pas encore au niveau du cortex. Prenez par exemple Œdipe, qui va voir la Pythie de Delphes pour lui demander : « Qui suis-je ? » Voilà l’interrogation essentielle, alors qu’il est dans l’errance. Mais, plus tard, quand il arrive devant la Sphinge, à ce moment-là, la connaissance arrive. Il est là dans la grande puissance d’un face à face avec lui-même que symbolise la Sphinge. C’est pourquoi lorsqu’elle lui dit : « Quel est l’animal qui est sur quatre pattes le matin, sur deux pieds à midi, sur trois pieds le soir ? », il sait que c’est l’Homme. Non pas l’Homme qui marche sur quatre pattes parce qu’il est un petit bébé, mais parce que nous sommes identifié à notre monde animal intérieur.
La verticalisation, se mettre sur ses deux pieds – le midi de notre être – demande justement de prendre une distance par rapport à la matrice d’eau, de la voir et d’entrer en elle par le baptême.
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Le site La Vague de Vie propose un fascicule intitulé "Le symbolisme des organes du corps humain" (malheureusement non sourcé) dans lequel on peut lire la notice suivante :
PIEDS : Cette partie de la jambe qui permet de prendre appui sur le sol, de soutenir le corps et de marcher agit comme une prise de terre. Le pied s’appuie sur le sol, sans s’y enfoncer ni s’enraciner. Il symbolise le Principe de la Réalité et révèle, notamment, le degré de pragmatisme et de participation à la vie extérieure, rattachant à l’ici bien concret. Il peut être associé à l’un des piliers parentaux. Cette partie du corps, souvent la plus négligée, rend les services les plus humbles et les plus astreignants. On dit en métaphysique que c’est la seule partie du corps qui comprend vraiment. Au premier chef, les pieds marquent le point de départ sur la voie de la croissance et de l’évolution, figurant la totalité des énergies à accomplir. Ils assument les fonctions les plus serviles, agissant comme les Serviteurs des serviteurs, manifestants ce que la tête, le Chef, choisit et décide. Ils révèlent le désir d’évoluer par la compréhension des Lois de la Vie. On les associe à l’entendement, à l’intelligence rationnelle, aux forces telluriques, à la joie intime, à la qualité d’un parcours de vie, à l’adéquation à la Terre, au pouvoir, à la force de l’âme, au départ comme à l’arrivée (aboutissement).
Le pied permet de pousser vers l’avant, donc d’avancer, de bloquer ses appuis, de se camper sur ses positions. Il est associé aux attitudes, aux positions affirmées et reconnues, au rôle officiel que l’on joue, aux critères de vie, aux idéaux, aux appuis relationnels, au sens de la liberté (permettant le mouvement), à ses positions face au monde.
En Inde, on considère les pieds comme la partie la plus sacrée du corps. Les pieds révèlent la manière dont on fait son chemin dans la vie, déterminent le prochain pas à faire pour progresser, le degré du goût de vivre, la capacité d’avancer, la conduite psychique, le sort de l’âme (son degré de force ou de faiblesse). Ils forment les assises de l’être humain, exprimant le côté féminin et ombrageux de l’Arbre de la Connaissance des Opposés apparents. Ils démontrent comment on fait pour mettre ses idées en marche ou en application pour assurer son progrès ou son accomplissement. Dans certains cas, les pieds peuvent évoquer des invitations à sortir, la libération du passé, des orientations nouvelles, la perception tactile, le rayonnement magnétique, la clarification d’une phase de sa vie. Ils expriment largement la volonté intime et les sentiments profonds.
En rêve, les pieds peuvent éclairer le degré de stabilité de ses fondements et son sens de la compréhension. Car ils peuvent indiquer si on fait preuve de bon sens et de sens pratique ou si on sait garder les pieds sur terre. On les associe à la mobilité, à l’indépendance, à la liberté et au progrès. Ils peuvent renseigner sur le fait qu’on avance dans la bonne direction ou qu’on sait prévoir la prochaine étape à franchir.
Le devant du pied évoque ce avec quoi on avance dans la vie; ce qui aide à passer à l’action; comment on se comporte pour atteindre ses objectifs ; ce qu’on fait de ses acquis; quelle direction on prend dans la vie. Le milieu du pied éclaire le passage entre ses acquis et ce qu’on en fait. Pour le talon, voir à ce mot. Les pieds tournés vers l’intérieur expriment le désir de demeurer un éternel enfant, le refus de grandir, une nature plutôt introvertie. On associe la pointe des pieds au désir de rehausser sa grâce ou son prestige dans une circonstance précise. Elle peut indiquer qu’on comprend les moindres détails de sa vie. Elle peut exprimer sa réserve ou son hésitation à s’aventurer sur un sentier. Poser le pied sur la nuque du vaincu revient à exprimer son degré de puissance ou d’autorité sur lui.
La marche démontre comment un être explore ses terres extérieures. Les empreintes de pas identifient la Terre qui supporte l’homme dans son évolution, une trace vivante sur le sol qui éclaire le but que l’on poursuit dans sa quête spirituelle. S’il s’agit de ses propres empreintes, c’est une annonce de réussite qui permet de lancer sans crainte un projet ou de le pousser plus loin. S’il s’agit d’empreintes d’autres personnes, on est appelé à la prudence, car il se peut qu’on soit l’objet d’une surveillance attentive. A moins qu’il s’agisse de l’indice qu’un Maître a tracé la Voie !
Les affections des pieds démontrent une peur d’avancer dans la vie ou une peur de l’avenir. Impression de piétiner sur place ou de tourner en rond. On ne trouve pas le bon pas à faire. On a le sentiment d’être limité dans la vie. On se retient de progresser. On ressent qu’on stagne. On se sent arrêté dans ce qu’on fait. On croit avancer pour n’aller nulle part. On ne se trouve plus de but. Les problèmes à l’arche du pied décrivent un manque de soutien. On recherche trop le support des autres, on ne compte pas assez sur soi-même. Le fait de se traîner les piedsétablit une connotation avec la timidité, la gêne, le manque de ressort, le manque de motivation. Le pied d’athlète fait ressortir l’esprit de performance, de concurrence, de rivalité. On cherche à défendre des images ou on cherche à impressionner. On est contrarié dans ses désirs d’avancer dans la vie. On est mécontent parce que les événements ne prennent pas la tournure qu’on souhaitait. On ne se sent pas à la hauteur des attentes. On se place la barre trop haute. On transporte avec soi un sentiment de rejet ou d’abandon paternel. On aimerait renier ses origines, souvent monté par sa mère contre son père. Le pied bot illustre un refus de poser le pied dans la vie. On désirerait continuer à vivre dans un monde imaginaire peuplé de merveilles, plutôt que de vivre dans la réalité concrète qui instruit. On cherche constamment à fuir ses responsabilités et on refuse d’apprendre à travers ses expériences.
L’état des pieds est fort instructif. Le pied creux réfère à une personne repliée sur elle-même par besoin de sécurité et de protection. Personne pressée, hyperactive, elle ne prend pas le temps de poser le pied. Mue par la peur, elle reste toujours sur le qui-vive. Les pieds enflés signifient qu’on se retient d’aller de l’avant. On se sent arrêté ou limité dans ses progrès. On ne réussit pas à accomplir ses vrais rêves ou ses objectifs réels. Quant au pied plat, il évoque un affaissement de ses valeurs d’appui consécutif à un manque de soutien de ses parents dans son enfance. Il dénote surtout l’absence du père. On a désormais besoin de regagner sa confiance en soi, car on cherche constamment à être rassuré ou sécurisé par rapport à ce qu’on entreprend ou veut réaliser. On a du mal à lâcher prise à tout ce qui représente sa sécurité, fût-elle fictive.
PIED (Plante du) : La partie qui établit un contact avec la Terre-Mère.
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TALONS : La partie postérieure du pied de l’homme qui prend partiellement appui sur le sol évoque le choix de marcher sur du solide pour mieux avancer dans la vie. Le talon apparaît comme le fondement de l’être humain, la seule créature terrestre caractérisée par la station debout. Mais, blessé au talon, soit atteint dans ses acquis, son fondement, sa structure, sa sécurité, il s’effondre. Le talon réfère souvent au point d’origine (d’où on vient) et à son bagage d’expériences. Il rappelle que l’homme est fils de la Terre et qu’il doit s’y enraciner solidement. Ésotériquement, le talon identifie l’endroit vulnérable, qu’on ne soupçonne pas tel, qu’il faut renforcer et protéger. Il désigne souvent le sexe, cet organe particulièrement sacré, qui peut pervertir la conscience. En psychologie, le talon évoque diversement sa réputation, son intimité, ses intérêts personnels. Les Hébreux réservaient cette partie d’un animal pour la dédier à Dieu, en interdisant la consommation aux hommes. La Vierge qui écrase le serpent du talon : génération du Fils du salut, rénovation du monde.
Les affections au niveau du talon font surgir une propension à la violence, à la colère. Faiblesse de l’âme ou défaut spirituel. Énergies dispersées dans l’hostilité et l’agressivité. Passions apparemment nobles, mais révélant une quête purement égoïste et matérialiste. Fils de la terre, plutôt que Fils de Dieu. Point de vulnérabilité insoupçonnée. Manque de force créatrice et de protection. Sentiment de ne rien avoir sous les pieds. On se contente de ce qu’on a, certain de ne pas pouvoir se donner plus. Insécurité financière. Dépendance financière pour ses besoins primaires. On n’aime pas la tâche qu’on exécute, mais on ne sait pas comment en changer. Famille décimée. Résignation à son sort.
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Mythologie :
Françoise Héritier-Augé, dans un article intitulé "Moitiés d'hommes, pieds déchaussés et sauteurs à cloche-pied." (Terrain. Anthropologie & sciences humaines, 1992, no 18, pp. 5-14) s'interroge sur un motif récurrent dans les mythes européens :
[...] Celui qui n'a qu'une sandale : Le prototype en est Jason, qui réalise un oracle prédisant à Pélias de se méfier d'un homme qui ne porterait qu'une sandale. Jason arrive à un festin, après avoir omis de chausser ou perdu, les récits varient, sa sandale gauche. Seul son pied droit est chaussé. Son père, roi de Iolcos, a été chassé de son trône par Pélias et Jason a été élevé par le centaure Chiron. Pélias pour le tenir écarté du trône que, devenu jeune homme, il revendique, l'envoie chercher la Toison d'Or. Un jour de sacrifice, ou de fête, Jason revient, le pied gauche nu, accomplissant ainsi l'oracle qui effrayait Pélias.
Selon l'hypothèse classique de Salomon Reinach, il s'agit là d'une forme de rite d'investiture par la sandale. Jason, en se présentant le pied gauche nu, signifie par là qu'il a été dépouillé de ses droits et réclame la sandale, c'est-à-dire en fait le pouvoir, du spoliateur. Mais le pouvoir politique est-il réellement représenté par la sandale ?
Il existe bien d'autres occasions dans le monde antique, où des hommes vont avec un pied nu : des guerriers et chasseurs qui ne prennent qu'une chaussure pour aller au combat ou à la chasse. Les dieux ont le pied droit nu et les mortels le gauche, tandis que dans les représentations chrétiennes, Dieu et Jésus-Christ sont représentés les deux pieds nus.
Les textes présentent des légionnaires comme portant dans l'ancien temps une jambière à la jambe droite seulement, tandis que les gladiateurs samnites portaient une cnémide à la jambe gauche. Salomon Reinach s'étonne de cette différence selon que l'on est gladiateur ou légionnaire et voit là la mise en évidence de « besoins différents » sur la nature desquels il ne se prononce pas.
Dans d'autres exemples connus, et sans raison particulière pour l'explication proposée, on dira que les Etoliens ne chaussent qu'une seule sandale « à cause de leur caractère belliqueux », explication dont les contemporains devaient saisir le sens sans avoir besoin de le dire, ou que la tenue des chefs qui chassent le sanglier de Calydon, avec le pied gauche nu, correspond à une « coutume qui rend léger à la chasse et qui est d'un usage général chez les Etoliens », au caractère belliqueux comme nous venons de le voir. L'explication prosaïque, reprise maintes fois depuis l'Antiquité, est qu'il est plus facile de courir si la jambe gauche est nue, parce que le pied agrippe ainsi plus solidement la terre. Si Aristote estime que l'inverse rendrait la course plus aisée, il semble en tout cas certain qu'aucun de nos auteurs ne se soit avisé d'en faire lui-même l'expérience. Car qu'il s'agisse du pied droit ou du gauche, n'avoir qu'un pied chaussé n'est pas ce qui rend le plus habile à la course. La même explication est donnée par Thucydide qui commente la sortie désespérée de leur ville que font les Platéens en 428, tous n'ayant que le pied droit chaussé : il s'agirait d'après Thucydide de se donner ainsi plus de facilités pour traverser des vasières.
Nécessité pratique vs nécessité rituelle : Si l'on examine l'ensemble des cas connus, historiques ou ethnographiques, où des individus se doivent d'avoir un pied nu, il apparaît qu'il ne peut s'agir ni d'une fantaisie ni d'une nécessité pratique, mais bien d'un rite souvent d'ordre funéraire (y compris par anticipation) mais aussi agraire ou de fécondité.
Didon montant sur le bûcher dépose une chaussure, délace la ceinture de sa robe et dénoue ses cheveux. Médée fait de même : nuda pedem, nudos humeris, infusa capillos... et conjure, ainsi faite, les divinités chthoniennes et des ténèbres.
De nombreux monuments présentent des héros ou des dieux au pied gauche chaussé, tel le Dionysos de la Villa des Mystères, divinité des mystères infernaux.
En Allemagne, les enfants au pied nu ne deviendront pas adultes, comme le bétail tombe malade s'il passe sur un chemin où a marché un homme chaussé d'une seule chaussure. Prend son sens ici l'idée de cet excès de force virile concentrée dans un seul membre, selon l'hypothèse centrale de Deonna, dont l'extrême chaleur n'est pas supportable par les faibles ou les inférieurs : les enfants, les animaux, mais aussi le conjoint (c'est-à-dire dans ce cas, la conjointe puisque le passant déchaussé est un homme), ou les vieillards ayant dépassé l'âge actif de la maturité. Conjoint et vieux parents peuvent en mourir.
Chaleur intense de la virilité condensée dans un seul membre, qui peut être selon les cas positive ou négative. Négative en Allemagne, selon les croyances rapportées, elle est positive au Pérou où, lors de la fête de l'agriculture, les hommes mettent en pièces un bœuf que conduit un jeune garçon qui n'a qu'une chaussure.
Raisons rituelles donc, de différentes natures. Les hommes de l'Antiquité grecque qui ne portaient qu'une sandale, qu'une jambière ou qu'une cnémide, allaient au-devant de la mort, ou se vouaient aux puissances infernales ou officiaient, tel Jason, des rites chthoniens.
Mais pourquoi un seul pied ? Pourquoi cependant s'agit-il d'un seul pied (sauf pour le dieu chrétien qui représente la totalité) avec cette différence droit/gauche qui oppose les dieux aux mortels, comme elle oppose dans un autre registre les hommes aux femmes ? Cette opposition qui distingue les hommes des dieux distingue aussi malheur et félicité : dextro pede, se lever du pied droit et le chausser en premier, est gage de bonheur et l'expression signifie « féliciter », tandis que la gauche renvoie à l'idée de mauvais présage, de mort et de malheur.
57Les exercices à cloche-pied, ou en équilibre instable, dont il existe pour l'Antiquité de nombreux documents figurés, avec des représentations de figures unilatérales très particulières, fortement sexuées, peuvent apporter une réponse. Il nous faut peut-être souligner ici, que, bien que la chose ne soit pas toujours clairement exprimée, la figure unilatérale masculine, vue du côté droit, n'a pas le sexe clivé en deux sur sa longueur. La moitié d'homme possède un pénis entier.
Il existe donc de nombreux documents figurés d'êtres en équilibre instable, une jambe repliée et relevée. Le pied est relevé et non posé sur un support.
Dans les exercices de palestre, un bras dans le dos, une jambe repliée, il faut maintenir en équilibre une balle sur la cuisse. Dans les banquets, on s'amuse à faire tenir coupes et plats en équilibre, sans rien renverser du contenu, sur la jambe relevée, une plante de pied retournée, sur le corps en arc de cercle, ou même sur le sexe érigé.
Le jeu du kottabos est pratiqué en Grande-Grèce, en Etrurie, en Grèce, jusqu'au iiie siècle. Au sommet d'une haute tige de métal se tient une statuette en équilibre en chiasme (jambe gauche, bras droit levés), qui tient le manès, un disque inférieur que fera résonner en tombant un disque supérieur posé seulement sur la pointe de la tige. Il s'agit pour le joueur de faire tomber ce disque en projetant de loin sur lui le contenu d'une coupe.
Tous ces jeux, comme ceux de l'askôliasmos (lors des vendanges, se tenir à cloche-pied sur une outre gonflée d'air), le jeu de l'Empuse (démon à une seule jambe) à Tarente, se sont progressivement vidés de leur contenu rituel, lié à la fertilité et à la croissance des végétaux. L'askôliasmo est une mise en scène des Dionysia attiques, l'outre étant la peau du bouc sacrifié au dieu. Au Siam, le roi Bancal devait lors de semailles se tenir toute la journée sur le pied gauche ; s'il posait son pied droit par terre, il ébranlait le trône et faisait rater les semailles. Dans bien des rites agraires, on trouve un personnage avec un pied nu, ou devant se tenir sur un seul pied, nu ou non. Pour Deonna, il s'agit en conséquence d'une attitude rituelle de prière aux dieux, pour assurer la fertilité de la terre et la fécondité humaine.
Pourquoi ce rite d'équilibre sur un pied aurait cette fonction ? Vraisemblablement dans la suite logique des thèmes exposés précédemment, parce que se concentre dans un seul membre, qui n'ébranle pas la terre, une force génésique accrue et intensifiée.
Sur un pied en équilibre, pied nu, la moitié d'homme : On en revient alors à la question : si le rite d'équilibre sur un pied, ou le pied déchaussé, a cette fonction, quel rapport y a-t-il avec les représentations unilatérales d'un côté droit masculin ?
Dans des travaux de Przyluski et un ouvrage de Herbert, on trouve mention de Ajaikapad, la force sexuelle génératrice. Or Ajaikapad est aussi celui qui n'a qu'un seul pied, ce à quoi l'exégète ajoute : celui qui ne fait qu'un acte unique, qui n'est capable que d'une seule action, à savoir procréer.
Prend tout son sens alors l'hypothèse de Deonna : la réduction à l'unité (soit la figure asymétrique), tout comme son contraire, la multiplication des membres, symbolise et connote l'intensification de la force, mais pas de n'importe quelle force : la force créatrice ou procréatrice.
Une monnaie de Sinope (Revue archéologique II, 98, 1910), du temps de Sévère-Alexandre, représente une jambe humaine droite surmontée d'une tête de taureau. Un culte est rendu à cette forme monstrueuse, comme en témoigne la présence d'un autel porteur d'une flamme. Nous trouvons là le condensé de plusieurs représentations : la figure asymétrique, la quintessence virile du taureau, la présence implicite de la semence dans le réservoir de la tête, car la jambe et le pied unique, symbole de fécondité, sont directement reliés à ce réservoir de force procréatrice, la réduction à l'unité soulignant l'intensification de cette force virile procréatrice. Cette image va droit à l'essentiel, en conjuguant trois symboles : la jambe droite, le crâne et le taureau.
Dans cette optique, rien d'étonnant à ce que les figures unilatérales soient des figures masculines vues du côté droit. L'unilatéralité, ici, n'est rien d'autre que la représentation figurée de l'asymétrie fondamentale : la différence des sexes. Mais il nous faut alors convenir que Needham se trompe quand il postule que cette représentation particulière quasi universelle, n'obéirait pas à des contraintes fortes de type physique, mais uniquement à des opérations d'ordre intellectuel et symbolique, comme la nécessité pour l'esprit humain de postuler l'existence de formes non symétriques. Ce n'est pas l'interprétation opérée par la dichotomie verticale d'un corps humain qui donne une base somatique à une pure idée, c'est à l'inverse l'existence du primat de la puissance sexuelle masculine, qui est au fondement de cette représentation particulière, condensé de valeurs symboliques.
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Selon Elisabeth Bik, autrice d'un article intitulé "Le forgeron lacustre,« an inconsistent legend »?." (Cahiers de civilisation médiévale, 1992, vol. 35, no 137, pp. 3-25)
Comment expliquer la claudication du forgeron mythique ? Considérons d'abord ce problème sous l'angle du symbolisme (pré-freudien !) du pied, qui nous met en contact avec la terre, c'est-à-dire avec la fécondité, la génération, mais aussi avec les esprits. Le pied difforme, blessé ou vulnérable (Œdipe, Achille, Bellérophon), le pied (gauche) déchaussé (Jason, Persée, Didon) ou, par contre, chaussé d'une manière spéciale (de chaussures de bronze, par exemple), caractérise les «êtres de passage», ceux qui, comme l'expose Raymond Christinger, participent à la fois du monde des morts, c'est-à-dire des esprits, et de celui des vivants, ou qui franchissent plus ou moins régulièrement la frontière entre les deux, comme les dieux, les magiciens et certains héros14. Puis, nombre de divinités chthoniennes qui présentent une anomalie aux pieds ou qui ont le bas du corps en forme de serpent ou de poisson possèdent le pouvoir de donner la vie, d'« accoucher » dans tous les sens du mot. De même, les dieux du tonnerre, toujours liés au feu et à la forge, sont normalement boiteux ou unijambistes. Leur outil principal, la foudre, est symbolisé par la hache (originellement en pierre) qui libère les pluies fertilisantes, ou par le marteau, emblème de la justice et de la vengeance, mais qui représente également les forces créatrices : le marteau aux coups mortels de Thor était employé dans les cérémonies de mariage, parce qu'il assurait la fécondité. Il pourrait en être de même du mystérieux objet, double hache ou double marteau, au moyen duquel, sur certains vases grecs, Héphaistos semble heurter la tête de Zeus afin de l'aider à enfanter Athéna.
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D'autre part, l'infirmité du forgeron, qui marque son altérité sacrée, peut être interprétée comme la rançon qu'il avait à payer à la Terre, son épouse, pour l'acquisition de son art mystérieux. Considérant la claudication de l'artisan divin comme l'indice d'une mutilation reçue au cours d'une « initiation de magicien », Delcourt cite des exemples d'autres mythologies : Odinn, le dieu magicien borgne ; les dieux manchots (par conséquent gauchers) Tyr et Nuadu ; le dieu polytechnicien Lug, inspectant son armée de Thuata Dé Danann en fermant un œil et en dansant sur un pied 16. En effet, danser sur un pied, c'est-à-dire frapper la terre-enclume de son pied-marteau, facilite le passage dans l'Autre Monde de la magie. La claudication du forgeron devient ainsi symbole d'une science supérieure, ce à quoi semblent se référer aussi les noms de certains nains : Rédspakr (« De-sage-conseil »), Fjôlsvidr (« Très-sage »), Alviss (« Omniscient »). Il ne paraît pas impossible que des noms de ce genre renvoient, comme le pense Motz, au savoir ésotérique des « spécialistes du sacré » officiant dans les cérémonies religieuses nordiques avant l'introduction du christianisme.
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Littérature :
Je veux, humiliant mon front et mes genoux,
Prosterné devant toi comme on est quand on prie,
Sous le ciel de tes yeux qui font ma rêverie,
Baiser pieusement tes pieds petits et doux.
J'étancherai, gardant tout mon désir pour vous,
La grande soif d'aimer qui n'est jamais tarie,
Ô petits pieds, trésor dont la beauté marie
La rose triomphale et claire au lys jaloux.
Vous avez des frissons subtils comme les ailes ;
Non moins immaculés que les mains et plus frêles,
A peine vous posez sur notre sol impur.
Peureux, lorsque ma lèvre amoureuse vous touche,
Je crois sentir trembler, au souffle de ma bouche,
Des oiseaux retenus captifs loin de l'azur.
Albert Mérat, "Le Pied" in L'Idole, 1869.
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