Étymologie :
SÉBESTIER, subst. masc.,
Étymol. et Hist. Sébestier, subst. masc., attest. 1553 (P. Belon, Observations, II, 35 ds R. Philol. fr. t. 43, p. 202) ; de sébeste, suff. -ier*.
SÉBESTE, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1553 (P. Belon, Observ. de plusieurs singularitez, éd. Bruxelles, 1555, fo 72 vods Fonds Barbier). Forme régr. de sebestin « id. » 1256 (Aldebrandin de Sienne, Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, p. 51, 12) encore att. ds Cotgr. 1611 et 1660, Oudin Fr.-Esp. (cf. le m. fr. sebesten « id. » 1548, Bastim. de receptes, f o36 r ods Gdf. − 1598, Joub., Pharmacop., p. 345, ibid.), empr. au lat. médiév. sebesten « id. » av. 1250 ds Latham, de l'ar. sibistan « id. » (Devic).
Autres noms : Cordia Myxa = Cordia sebestena - Bois-savon - Mapou rouge (Martinique) - Prunier d'Assyrie - Sapistan - Sébestan -
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Botanique :
Selon Claire Newton, Thomas Whitbread, Damien Agut-Labordère et al. auteurs d'un article intitulé "L’agriculture oasienne à l’époque perse dans le sud de l’oasis de Kharga (Égypte, Ve-IVe s. AEC)." (In : Revue d’ethnoécologie, 2013, no 4) :
Le Sébestier comprend deux espèces potentiellement identifiables en Égypte pour cette époque ; Cordia sinensis, natif d'Égypte, actuellement dans les oasis et le Gebel Elba (Boulos 2000, p. 270), et Cordia myxa, domestique, introduite en Égypte et originaire d'Asie tropicale. La grande taille des noyaux trouvés ici correspond plutôt à Cordia myxa. Les deux espèces ont des fruits comestibles, utilisés pour sucrer aliments et boissons, et en médecine. Les fleurs de Cordia myxa et les feuilles de Cordia sinensis sont également comestibles (Arbonnier 2000, p. 201 ; Keimer 1953). Ces dernières peuvent être pâturées (Sidiyene 1996, p. 58). Leur attestation en Égypte ancienne date des Ve et XVIIIe dynasties (Abousir, Thèbes) pour Cordia sinensis, du Moyen Empire à l'époque copte pour Cordia myxa (Vartavan, Asensi Arnoros 1997, p. 84-85). Des noyaux de Cordia sp. ont été trouvés dans la nécropole de Douch (Barakat et Baum, 1992).
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Vertus médicinales :
Jean Louis Alibert, auteur de Nouveaux élémens de thérapeutique et de matière médicale : suivis d'un nouvel essai sur l'art de formuler. (Vol. 2. Crapart, 1804) rend compte l'usage thérapeutique du sébestier à son époque :
SÉBESTES. Sebesten : Aëtius et Actuarius parlent de ces fruits, dont les anciens Grecs ne font pourtant aucune mention.
Histoire naturelle. L'arbre qui produit les Sébestes est très commun en Egypte et au Malabar. C'est le Cordia Mixà de LINNÉUS (famille des Borraginées de JUSSIEU). Le Sébestier a été particulièrement observé par Augustin Lippi, et, avant lui, par Prosper Alpin.
Propriétés physiques. Les fruits du Sébestier sont des drupes analogues par leur volume, à de petits pruneaux d'une forme ronde et oblongue, rugueuses, aiguës à leur sommet, d'une couleur noirâtre, d'une saveur visqueuse et un peu douce, contenant un noyau triquètre et comprimé. Ces fruits ne sont d'ailleurs remarquables par aucune odeur particulière.
Propriétés chimiques. La chimie ne s'est pas plus utilement occupée des fruits du Sébestier que des fruits du Jujubier.
Propriétés médicinales. On dit que les Sébestes ont des propriétés médicinales inférieures à celles des jujubes . On en fait usage pour combattre les toux opiniâtres, les rhumes, qui se manifestent chez les personnes âgées. Certains praticiens pensent même que ces fruits ont une qualité laxative, et quelquefois diurétique, etc.
Mode d'administration. On se sert des Sébestes pour faire des tisanes ; on met bouillir quinze ou seize de ces fruits, avec une égale quantité de jujubes, dans deux kilogrammes (quatre livres) d'eau commune ; et on y ajoute trente deux grammes (une once) de racine de chiendent ratissé. On prolonge la décoction jusqu'à ce que la liqueur soit réduite à un quart. On peut aussi associer les Sébestes à la réglisse, à l'orge mondé, et autres substances d'une propriété plus ou moins analogue.
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Usages traditionnels :
Kevin Yvars, dans son Etude sur L’utilisation traditionnelle des plantes en pays Dagara. (D.U. en ethnobotanique appliquée, Université de Lille, 2019) recense les usages du Sébestier dans le village de Nakar, au sud-ouest du Burkina-Faso :
Usage médicinal : Feuilles calcinées et réduites en cendres sur lesquelles de l’eau est versé puis filtrée. L’obtention d’une patte est mélangée à du tabac, Nicotiana tabacum, pour être chiquée et soulager les maux de dents.
Artisanal :
Les branches secondaires très fibreuses sont écorcées pour permettre la confection de ficelles, cordages et nattes.
La pulpe des fruits, très adhésive est utilisée pour confectionner une glu légère.
Elevage : Les fruits entrent dans l’alimentation des porcs.
Culinaire :
Feuilles consommées cuites
Les feuilles servent traditionnellement d’emballage alimentaire pour les beignets d’haricot niébé, Vigna unguiculata.
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Symbolisme :
Roland Portères, auteur d'un article intitulé "Le caractère magique originel des haies vives et de leurs constituants (Europe et Afrique occidentale)." (In : Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 12, n°4-5, Avril-mai 1965. pp. 133-152) rappelle le caractère magique des Cordia :
Cordia abyssinica R. Br. : Ce petit arbre qui atteint 7-8 m de hauteur se trouve généralement aux environs des villages, de la Guinée à l'Abyssinie et au Nyassaland. C'est presque partout une ancienne plante cultivée ou entretenue probablement seulement pour des raisons magiques.
Au Fouta-Djallon elle entre dans la composition des haies.
Il est certain qu'elle fût autrefois un arbre sacré, car le bois est partout employé dans la fabrication de tambours ou de lattes pour xylophones. Des rites sacrificiels, de choix d'arbre « parlant », d'abatage et de débit, ont lieu, comme nous l'avons observé aux environs de Mamou (R.P. 1958). Magiquement, le caractère sacré va se retrouver dans l'instrument qui communique, qui parle et comprend.
Dans l'Ouest-Africain, surtout fréquent au Fouta-Djallon, il paraît être de très ancienne introduction, à l'égal de Cordia Myxa, en provenance de l'Est.
Cordia Myxa L. : Cet arbuste n'existe pas à l'état sauvage dans l'Ouest-Africain ni en quelque autre point de l'Afrique. Il est originaire d'Asie mineure, de Palestine.
Cette espèce a été disséminée par l'Homme depuis des temps très reculés dans l'Ouest-Africain.
Auguste Chevalier a noté autrefois qu'on la trouvait sur l'emplacement des villages détruits à l'époque de Samory et que cette essence devait avoir été cultivée jadis dans le Soudan de la Boucle du Niger (Bull. Soc. Acclim., 1912, p. 92).
Nous avons souvent rencontré ce Cordia dans les haies de Haute-Guinée et dès villages forestiers du Nord-Ouest de la Côte d'Ivoire. Dans ces mêmes villages et surtout dans tout le Soudan occidental, on le trouve planté comme « arbre à palabre », mais seulement dans les vieux villages encore actuels ou bien abandonnés, du Sénégal au Nord du Ghana. Il est toujours présent dans les bosquets sacrés du Haut-Sénégal, Niger.
C'est le Sébestan des anciens Egyptiens qui le cultivaient. Il existe encore en Egypte, naturalisé un peu partout. Les Egyptiens en faisaient venir aussi le bois de Palestine. Ce bois était réservé à la fabrication des sarcophages.
Prost (Flore Palestine) rappelle que son bois était utilisé en Asie pour produire le feu par friction.
C'est le Coccymétra de Théophiraste, à quoi il comparait l'arbre sacré « Persea » des Egyptiens. On a pensé que ce dernier pouvait être Mimusops Kummel Bruce, ou Balanites aegyptiaca Del., ou d'autres, en excluant évidemment le Pêcher (« Malum persicum ») et, de même, les espèces du genre américain Persea de Linné.
Myxia est encore le nom à Chypre (N. C. Sampson, Kew Bull. Add. Ser. XII, p. 36).
L'arbre est connu généralement dans la littérature, comme Sapistan, Sébestan, Prunier d'Assyrie.
Cordia platythyrsa Baker : L'importance magique du genre Cordia est encore montrée avec cette espèce forestière, commune de la Guinée au Gabon, non trouvée en haies mais cependant plantée dans les villages Baoulé et Agni de Côte d'Ivoire, en quelques villages d'autres points de ce territoire, et en Haute-Guinée (arbres à palabre) (A. Chevalier, Expl. Bot. A.O.F., 1920, p. 448 ; A. Aubréville. FI. Forest, Côte d'Ivoire ; obs. R. P. 1958-1961). Partout, le bois est utilisé pour faire des tambours et des chaises sculptées (autrefois pourvues de signification magique). Au Cameroun, les clefs de Xylophone sont de ce bois (Milbraed, ap. Dalziel, p. 425). L. Hédin (Forêt et Bois du Cameroun, 1930, p. 170) donne son emploi en tam-tam monoxyle avec des billots de 1 m dans la région forestière côtière où il abonde près des villages (essence protégée) au Cameroun.
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R. Pageard, dans un article intitulé "Plantes à brûler chez les Bambara". (In : Journal de la Société des Africanistes, 1967, tome 37, fascicule 1. pp. 87- 130) évoque le symbolisme du Sébastier chez les Bambara :
Ndeke ou Ndege. Nom scientifique : Cordia myxa, selon Aubréville.
Fumigation : Ce ficus est l'arbre de l'éducation et de l'apprentissage (ka dege : enseigner, apprendre). Ses feuilles sont brûlées dans la cour et à la fin des cérémonies pour demander au génie de l'air le sens de la bonne éducation.
Autres emplois : Le fruit du ndege sert à faire de la colle. Le ndege est également utilisé dans la confection des « lions » du Kore (voir sur ce dernier point D. Zahan « Sociétés d'initiation bambara », p. 150-152.)
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