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Le Traquet




Étymologie :


  • TRAQUET, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1538 [date éd.] « pièce d'un moulin » (Mistere du Viel Testament, t. 2, p. 344 [var. éd. G.] : ma langue va comme ung traquet) ; 1564 (Rabelais, Cinquième livre, éd. Marty-Laveaux, t. 3, p. 125 : traquets de moulin) ; 2. 1555 ornith. (Belon, Hist. de la nature des Oiseaux, VII, 18, p. 360). Prob. d'un rad. onomat. trak- évoquant un bruit sec (FEW, t. 13, 2, p. 189a).


Lire également la définition du nom traquet afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Œnanthe œnanthe - Bèche fiér - Blanc cou - Chac chac (Luxembourg) - Cul blanc - Maréchal (Normandie) - Mousse è brouwyre (Wallon) - Traquet motteux -

Œnanthe xanthoprymna · Traquet à queue rousse - Traquet kurde -

Saxicola rubetra - Bèche fiér - Chic-chac - Chif-chaf - Chiw-chaw - Machâ - Machèt - Machot - Majot -  Masjot - Massjot - Mousse è brouwyre (Wallon) - Traquet tarier - Tarier des prés -

Saxicola rubicola - Tarier pâtre - Traquet pâtre - Traquet rubicole - Triketrake (Namur) - Wichâ - Wichetrake - Wichoke (Wallon) -

 

Selon Daniel Giraudon, auteur de "Ornithonymes et breton populaire. Des cris, des couleurs, des mœurs et des genres". (La Bretagne Linguistique, 2004, no 13, pp. 105-127) :


Sans aller chercher d’autres comparaisons, le populaire s’est contenté de certaines onomatopées pour nommer quelques oiseaux. La répétition entêtée monosyllabique (ou bisyllabique) d’un même chant en a sûrement été la cause principale. [...]

Le traquet, traquet pâtre ou traquet terrier, a comme en français été remarqué par son cri dur et répété (strakadennoù) : trek-trek : il est donc devenu en breton : ar strakig. (1) [...]

De surcroît, le milieu fréquenté par l’oiseau a pu jouer son rôle dans sa dénomination. C’est vrai pour la justement nommée en français, hirondelle des cheminées et en breton chiminalig, ou encore le strakig-lann, le traquet pâtre, remarqué dans les ajoncs (lann).


Note : 1) Bistrak dans de très nombreuses localités, taki-lann à Ouessant où on le distingue du traquet motteux, taki-rougn (note J.-Y. Monnat).

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Cet oiseau passe pour un messager de malheur en Angleterre (notamment en Écosse), où l'on prétend que ses œufs sont couvés par les crapauds : entendre son cri est de très mauvais augure. Le rencontrer peut être l'annonce de sa propre mort, notamment si l'oiseau est perché sur une pierre.

Aux États-Unis, voir un traquet marchant sur l'herbe porte bonheur.

Selon une superstition corse, le nid de cet oiseau passereau contient une pierre de diverses couleurs qui rend invisible celui qui la porte.

 

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Contes et légendes :


Dans "Les chamanistes du Bouddha vivant." (In : Études mongoles et sibériennes, cahier 17, 1986. Les chamanistes du Bouddha vivant. pp. 3-207),  Sandagsürengijn Badamxatan et Marie-Dominique Even rapportent le conte suivant, appartenant à la culture orale darxad :


Le milan et le traquet.

Il y a bien longtemps, le milan et le traquet partirent au loin pour étudier les cinq langues : alors que le petit traquet, intelligent et plein d'ardeur à l'étude, apprenait à siffler comme les hommes pour appeler les chevaux, à hennir comme les chevaux, à chanter comme la flûte et sur un ton grave, le milan passait son temps à dormir et n'apprenait rien. Un jour à son réveil, il entendit le cri d'un poulain qui venait de naître : il apprit à l'imiter et s’en revint. C'est pourquoi le traquet est capable de chanter et de parler en plusieurs langues alors que le milan ne connaît rien d'autre que le cri du poulain.

 




Littérature :


Jean-Loup Trassard, Traquet motteux ou L'agronome sifflotant (Essais, Collection Corps neuf, Éditions Le Temps qu'il fait, 2010)

 

Christian Authier, dans un article intitulé "« Le Traquet kurde » de Jean Rolin" (Blog Culture 31, 30 juin 2023) nous invite à découvrir cet ouvrage :


Dans Le Traquet kurde, publié en 2018, l’auteur de L’Organisation se lance à la recherche de cet oiseau rare qui « ayant hiverné dans divers pays riverains de la mer Rouge ou du golfe Persique, se reproduit à partir du mois d’avril dans une zone montagneuse courant du sud-est de la Turquie à l’ouest de l’Iran, laquelle correspond assez exactement à la zone de peuplement kurde. » Bizarrement, en mai 2015, un spécimen mâle fut observé au sommet du puy de Dôme, bien loin de ses territoires de prédilection.

L’événement suscita la curiosité des spécialistes, parmi lesquels Rolin relevant que, peu avant cette visite inopinée, une milice kurde repoussa un assaut de l’État islamique contre la ville de Kobané, sur la frontière entre la Syrie et la Turquie : « si fortuite que soit cette coïncidence, il est probable que sans le regain de sympathie pour la cause kurde suscitée par les événements de Kobané, le caractère également kurde du traquet égaré au sommet du puy de Dôme n’aurait pas éveillé le même intérêt. »


Drôles d’oiseaux : Voici donc Jean Rolin sur la piste du petit oiseau qu’il poursuit aussi bien dans des livres savants que dans les zones kurdes d’Irak ou de Turquie. Traité d’ornithologie, de géopolitique, d’histoire et de littérature, Le Traquet kurde renferme mille merveilles et offre aux lecteurs des rencontres avec des personnages que l’on n’oublie pas. On comprend au fil des pages que la connaissance et l’observation des oiseaux ne sont pas toujours étrangères à la guerre, à l’espionnage, à la diplomatie, voire au meurtre. Dans la famille de ces drôles d’oiseaux (aventuriers, officiers, conseillers de princes…), la figure de René de Naurois brille d’un éclat particulier. Ornithologue et prêtre, il aida des Juifs à trouver refuge à l’étranger sous l’Occupation avant de rejoindre Londres puis de débarquer en Normandie avec le commando Kieffer en qualité d’aumônier.

Le Traquet kurde est une promenade érudite, insolite, délicate, cocasse, sensible, où l’objet de la quête compte moins que le voyage qu’elle justifie. La tragédie n’est jamais loin. Sous le regard des oiseaux, les Kurdes comme les chrétiens d’Orient s’efforcent depuis longtemps de survivre face à des ennemis implacables. Par la limpidité de sa langue, par son rythme et sa musicalité, Rolin nous emmène là où il veut. C’est un guide discret, au regard perçant, dont le flegme britannique dissimule une fantaisie échappée du monde de Tintin. Sous sa plume, l’apparente banalité se métamorphose en poésie. Durant la Grande Guerre, sur les lignes de front, des hommes observaient des oiseaux (et la réciproque était sans doute vraie), nous dit Jean Rolin. C’est peut-être la leçon à retenir du Traquet kurde : même dans le chaos du monde, la beauté subsiste et résiste.

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