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Les Phonolithes




Étymologie :


Étymol. et Hist. 1807 (Al. Brongniart, Traité élém. de minér., t. 1, p.355) ; 1823 phonolithe (Boiste Hist. nat.). Formé des élém. phon(o)* et -lithe*.


Lire également la définition du nom phonolithe afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Usages traditionnels :


François Picard, auteur de "Nom, objet et usage : le bol qing ponctuant la psalmodie bouddhique." (Colloque international en archéologie musicale, ICTM Study Group on Music-Archæology, Oct 1990, Saint-Germain-en-Laye, France. pp. 381-388) rend compte de l'usage ancestral du phonolithe en musique :


Le Yueshu 樂書 (Livre de la musique) de Chen Yang 陳暘 est le premier, en 1101, à donner explicitement son nom actuel au bol : « Aujourd'hui les bouddhistes appellent le bol de cuivre "qing" ». Le terme qing est un des plus anciens mots chinois. Sa prononciation est sans doute une onomatopée décrivant le son qu'il émet. Le sinogramme qui lui correspond est un idéogramme combinant l'idée de la pierre à celle du son. On l'analyse aussi comme un idéophonogramme combinant la clé de la pierre et la phonétique [qing/sheng/xing] "faire résonner". De l'antiquité à nos jours, il désigne en effet un des plus vieux instruments de musique, le phonolithe, compère symbolique de la cloche. Le phonolithe est lui-même un instrument propre aux rituels pré-bouddhiques, et l'on conçoit bien le glissement de sens de l'un à l'autre instrument.

 

Florine Lambert, dans son mémoire de stage intitulé Le Village scientifique éclaté (Licence professionnelle « Aménagement du Territoire et Urbanisme », Université Jospeh Fourier, Grenoble, 2007) s'intéresse plus particulièrement à l'architecture du Mézenc :


Ce territoire a du, depuis des siècles, s'adapter aux conditions rurales de ces hautes terres. Faute de moyens pour se procurer les matériaux nécessaires, nos ancêtres avaient résolu leurs problèmes d'habitat en utilisant les ressources locales ; c'est pourquoi les fermes du massif possèdent une architecture spécifique et des couvertures de toit typiques des fermes Mézencoles.

[...]

Les toitures, de trois types sur le massif Mézenc-Gerbier, font désormais partie d'un patrimoine et d'un savoir-faire local : Les toitures en lauze, très répandues sur le massif autrefois, sont aujourd'hui encore très présentes ; ces lauzes proviennent des carrières de phonolites, largement répandues sur le secteur Meygal-Mézenc-Gerbier ; pour exemple, le Mont Signon, en Haute-Loire, correspond à une ancienne carrière de lauze dont l'exploitation débuta au Moyen âge pour se terminer trois cents ans plus tard.

Ces lauzes permettent au "lauzeur" de bâtir ces toits résistants.

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Symbolisme :


Roger Nicolas, auteur de « L’architecture rurale sur le plateau du Mézenc (comprenant une carte recensant les toits en lauzes) », (Cahiers de la Haute-Loire, Le Puy-en-Velay,‎ 1980, pp. 131-174) rend compte des avantages et inconvénients de la lauze phonolithique :


[...] Enfin le secteur oriental est réservé aux lauzes. Nous sommes en plein dans le Massif du Meygal, délimité au nord par la Loire, à l'ouest par la Sumène et à l'est par le Lignon. C est de ce massif de nature phonolithique aux formes si variées (pics aigus, montagnes arrondies, plateaux rocailleux) que les habitants extraient les lamelles qui, constituées d'une pâte compacte et homogène composée de cristaux de feldspath et d'amphibole, de couleur bleuâtre, verdâtre, plus ou moins claire, parfois mouchetée ou tigrée, variable suivant la provenance, sont pour les maisons une bonne couverture.

[...]

Lauzes. Les toitures en lauzes résistent à la violence des vents, empêchent la neige de s'amonceler en la faisant fondre au fur et à mesure de sa chute et sont d'une solidité telle que dans un proverbe local on déclare :


« Qui pose lauzes

pour cent ans pose »


Mais la contre-partie réside dans le poids excessif de cette toiture provenant de la forte densité de la roche et de l'épaisseur des plaques utilisées : l'emploi de lauzes entraîne la construction de charpentes très solides. A ce premier inconvénient s'en ajoute parfois un autre : si ces « pierres sonnantes » sont de mauvaise qualité elles présentent des plans de clivage très rapprochés et sont détruites aux premières fortes gelées. C'est la raison pour laquelle les lauzes d'affleurement des carrières ne sont pas utilisées pour la couverture.

Si les tuiles donnent une impression de gaieté et le chaume de pauvreté, les lauzes semblent incliner les habitants vers la tristesse. Elles cadrent admirablement parmi les bois de pins ou d'épicéas ou au milieu des pâturages perdus sur les versants montagneux. Les phonolithes sont également employées dans les villes : Yssingeaux ignore toute autre toiture, ce qui fit dire il y a plus d'un siècle au voyageur Thomas Roscoe :


« The roofs of the houses, covered with basalt, have a curious appearance ».


Les phonolithes tendent à disparaître du faîte des maisons : la tuile étant importée plus facilement qu'antan, le climat se faisant moins rigoureux depuis quelques années, le nombre des « lauzeurs » employés à « lauzer » les habitations ne cessant de diminuer, il en résulte que les carrières où les « lauzerons » extrayaient la lave seront peu à peu vraisemblablement abandonnées, à moins qu'un retour au climat de caractère continental ne s'opère et que les habitants reprennent ce dernier mode de toiture qui paraît le plus conforme aux besoins locaux.

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Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. París, 1981) nous consacre un chapitre entier aux caractéristiques magiques des phonolithes :


CHAPITRE IX : LA MUSIQUE DES PIERRES


On a rencontré des phonolithes (1) ou pierres sonores sur les points les plus divers du globe.

Les Chinois les appelaient pierres chantantes et les taillaient de manière à former une échelle musicale.

En Afrique, elles sont fréquentes au Nigeria, au Dahomey, au Mali, en Guinée, au Soudan, etc., et servent d'instruments de musique ou de gongs destinés à transmettre des messages de village à village (2).

A Kalapché, en Nubie, un voyageur du début du XIXe siècle, Rifïaut, signala une pierre qui résonnait comme une pièce métallique creuse dès qu'on la frappait avec un morceau de fer. « Elle rend, dit-il, un son mélodieux et un peu sourd qui dure à peu près dix à douze minutes et qui, en s'affaiblissant, devient plus doux. »

D'après Pline l'Ancien, les acteurs du théâtre antique portaient sur eux de petits fragments de phonolithes, afin que leur voix, selon le principe de la magie sympathique, porte à distance.

Un des effets les plus singuliers de la résonance des pierres est celui qui se produisait en Egypte dans la statue colossale de Memnon, près de Louqsor. Chaque matin, au lever du soleil, elle émettait un son musical. Les inscriptions latines et grecques qui couvrent les jambes du colosse constatent que les chants célèbres du « fils de l'Aurore » — car tel était le surnom de Memnon — ont été entendus par un grand nombre de témoins parmi lesquels il faut compter l'empereur Adrien et l'impératrice Sabine. Letronne (3) a démontré que le chant de Memnon qui salue sa mère ne fut entendu qu'à partir du moment où la moitié supérieure de la statue se détacha par l'effet d'un tremblement de terre, en l'an 27 avant Jésus-Christ. Il est curieux de remarquer que le colosse perdit ses qualités musicales lorsque Septime Sévère fit remettre en place le tronçon tombé à terre.

Pausanias comparait le son rendu par Memnon à la vibration qui suit la rupture des cordes d'une lyre. D'autres auteurs l'ont rapproché du son de la trompette, du tambour et de bien d'autres instruments encore. L'accent de ce chant avait quelque chose de plaintif, c'est pourquoi une pièce de vers grecs gravés sur la jambe du colosse, et due à un certain Petronianus, y trouve l'expression de la douleur qu'éprouvait Memnon à cause du mauvais traitement que lui avait fait subir Cambyse. La légende attribuait en effet à ce roi de Perse la destruction du colosse.

L'exagération de la fable fait prêter à la statue mutilée les plus merveilleuses facultés. Le sceptique Lucien, qui fut fonctionnaire de Rome en Egypte, fait dire à Eucrate, dans un but de mystification, que Memnon, devant lui, a ouvert la bouche pour prononcer un oracle de sept vers. Cette plaisanterie fut prise au sérieux par les scoliastes qui suivirent, et Himérius répéta sans hésiter qu'il avait entendu Memnon réciter des vers lyriques.

Ce phénomène curieux était dû au granité dur et très dilatable dans lequel la statue avait été taillée. Sous l'action de la rosée du matin qui s'évaporait aux premiers rayons du soleil, la surface inégale de la cassure émettait des vibrations sonores plus ou moins fortes.

Les savants français que Bonaparte emmena dans son expédition d'Egypte, remarquèrent des effets du même ordre en d'autres endroits. Dans les carrières de granité de Syène, ils entendirent souvent, le matin, un craquement sonore. A Karnac, ils constatèrent que des sons distincts provenaient de l'un des monuments de granité demeurés debout au milieu des ruines du temple. Champollion perçut également ce bruit. Un voyageur anglais de la même époque, W. J. Banks, observa plusieurs matinées de suite, dans le portique de Philé, que les pierres produisaient un craquement semblable à celui d'une corde de harpe qui se brise.

D'après le témoignage de Seetzen, un explorateur allemand du début du xixe siècle, des sons étranges étaient produits par la montagne des cloches (Dschebel-Nakus ou El-Nakus) située dans la chaîne du Sinaï, aux environs de Tor, près de la mer Rouge. Ils devaient leur origine aux mouvements des couches sablonneuses qui en recouvraient les pentes. Seetzen, en gravissant cette montagne, entendit très distinctement le son « naître sous ses genoux », ce qui lui fit penser aussitôt que l'éboulement du sable devait en être la cause. II compare ce bruit avec les sons de la harpe éolienne. Pour mieux constater la réalité de sa découverte, Seetzen se laissa glisser sur la pente inclinée, ce qui produisit un son tellement fort que l'intrépide voyageur avoue qu'il en fut effrayé (4).

Des montagnes de sable sonore ont été également signalées en Europe, notamment en Thuringe.

Le célèbre explorateur Alexandre de Humboldt parle en ces termes de pierres musicales situées sur les bords de l'Orénoque : « Le Piedra de Charichana vieja, rocher granitique sur lequel nous couchâmes, est l'un de ceux sur lesquels les voyageurs de l'Orénoque ont entendu, de temps en temps, vers le lever du soleil, des sons souterrains qui ressemblent à des sons d'orgue. Les missionnaires appellent ces pierres laxas de musica (5). C'est de la sorcellerie (cosa de bruxas), disait notre jeune pilote indien qui savait parler castillan (6). » Humboldt regarde ce phénomène comme produit par la différence de température entre l'air contenu dans les crevasses très minces et très profondes qui parcourent ces rochers et l'air extérieur. Il s'ensuit un courant d'air qui fait vibrer les paillettes de mica qui tapissent ces crevasses. Selon le docteur Roulin qui visita lui aussi ces roches de l'Orénoque, ce serait la disposition même des parties constituantes du granité qui amènerait la production du bruit. De ces parties, l'une, le quartz, forme de très larges dalles légèrement convexes ; l'autre le feldspath, tombe en poussière avec le temps. Les dalles ainsi séparées du bloc n'y adhèrent plus bientôt que par un support intérieur assez frêle et elles forment des sons en vibrant au moindre bruit (7).

La même chose a lieu aux environs de la Maladetta dans les Pyrénées. On y entend, au lever du soleil, un craquement sonore dont le timbre approche quelquefois de celui de la cloche et que les habitants appellent les « Matines de la Maladetta (8). »

Selon Pausanias, il y avait à Mégare une pierre tellement sonore qu'elle résonnait comme la corde d'une lyre quand on la touchait légèrement. On expliquait ce phénomène en disant qu'Apollon avait placé sa lyre sur cette pierre pour aider Alcathoüs à élever les murailles de la ville.

Au vieux château de Baden, dans le souterrain où les Francs-Juges tenaient les séances de leur tribunal secret ou Sainte-Vehme, la porte de pierre d'un caveau donne naturellement, lorsqu'on l'ouvre, le contre-ut au grave.

En France, dans le Velay et le Vivarais, pays de roches volcaniques, les phonolithes sont assez communes. On citait autrefois une église du Puy consacrée à la Vierge et construite entièrement avec de telles pierres, disposées en rangs alternativement blancs et noirs.

A Paris même, une singulière pierre sonore fut découverte en 1831 par Elwart, alors professeur d'harmonie au Conservatoire : ce n'est autre que la vasque de la fontaine de la cour d'honneur de l'Institut de France. « Cette vasque, de pierre de Tonnerre, a près de deux mètres de longueur, sur un mètre de hauteur. Sa profondeur est d'un tiers moins grande que ses parois externes. Lorsqu'on frappe avec la paume de la main sur l'un des bords de la pierre évidée, on entend résonner très distinctement, au dire de M. Elwart, l'accord parfait de fa majeur, ainsi échelonné : la, tierce supérieure, formant dixième ; ut, quinte parfaite ; fa tonique, ou son fondamental. L'accord vibre beaucoup mieux, assure l'auteur de cette curieuse observation, lorsque les parois intérieures de la vasque sont humides et qu'il y a deux ou trois centimètres d'eau dans la cavité (9). »

Ces quelques exemples montrent que l'humble minéral participe lui aussi à la mystérieuse et très subtile musique de la Nature qui monte s'unir aux harmonies mystiques de la grandiose et douce symphonie résultant, selon Platon, du mouvement même des astres, et que nul homme n'entend s'il n'est initié ou poète


Notes : 1) Les minéralogistes modernes réservent le nom de phonolithe à une variété de trachyte feldspathique, se présentant sous forme de laves compactes d'un gris verdâtre ou jaunâtre et qui se séparent ordinairement en plaques sonores sous le choc.

2) Raymond Mauny, Pierres sonnantes d'Afrique occidentale in Notes Africaines, juillet 1957, p. 73 et juillet 1958, p. 65.

3) Letronne, La statue vocale de Memnon, Paris, 1833.

4) La relation de ce voyage a été publiée en 1813 dans F. von Zach, Monatlicbe Korrespondenz zur Eefbrderung der Erd- und Himmelskunde, Gotha, 1813, tome XXVI.

5) Pierres de musique.

6) A. de Humboldt et A. Bonpland, Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent, Paris, 1819, tome II, p. 282.

7) Revue Britannique, avril 1830.

8) Bulletin Férussac, Sciences mathématiques, etc., janvier 1829, p. 52.

9) Georges Kastner, La Harpe d'Eole et la Musique cosmique. Etudes sur les rapports des phénomènes sonores de la nature avec la science et l'art, Paris, 1856, p. 3.

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