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Photo du rédacteurAnne

Saint Georges

Dernière mise à jour : 3 juil.




Saint Georges m'a offert sa clef dans les gorges du Bruyant au matin de ma cérémonie de passage dans l'âge des "young elders" afin (je ne le comprendrai que le moment venu) de pouvoir ouvrir la porte des grands-mères sages.

Grâce à ma grand-mère paternelle d'ailleurs, je porte (en troisième prénom) son nom féminisé, Georgette, qu'elle raccourcissait en "Jo" et qui me ramène vraiment à la terre (voir ci-dessous). Comme mon deuxième prénom (celui de ma grand-mère maternelle) est Geneviève, instinctivement, je me dis que je suis doublement ancrée. Mais, sur le site de Généanet, on trouve une autre explication (qui, à mon sens, n'exclue pas mon intuition mais l'enrichit) : Geneviève est une variante de Genovefa [fille du ciel, dans la langue celtique].

La Terre et le Ciel, c'est encore mieux !



Étymologie :


Étymologie grecque : de "", la terre et "ergon", le travail ou la force. (cf Les Géorgiques de Virgile).




Symbolisme :


Massages spirituels du 1er juillet 2020 :


Alors que je m'interroge (mes recherches sur le Net ont été longues et infructueuses) depuis le 21 juin sur le sens de la comptine qui parle de la clef de saint-Georges, date à laquelle je découvre une pierre qui se présente à moi comme "la clef de saint Georges" et qui s'avérera particulièrement utile lors de ma cérémonie d'intronisation dans le cercle des grand-mères, le cercle de guérison du 1er juillet m'apporte une réponse : alors que je suis sur la table de massage pour recevoir un soin, je vois Saint Georges devant moi, très grand, qui me plonge dans le cœur sa clef et la tourne d'un quart de tour.

Je comprends alors soudainement : la clef de Saint-Georges, c'est la clef de l'ouverture du cœur.

Je ne sais pas si j'aurai un jour la confirmation de cette intuition mais au début de la soirée, je viens à peine d'énoncer mon prénom que le tonnerre frappe un grand coup...

Taranis est donc bien présent ! (voir ci-dessous).

*




Mythologie :


Marianne Mesnil, autrice d'un article intitulé "UN VENT DE FOLIE : Des herbes de la Saint-Georges à celles de la Saint-Jean" (Civilisations Vol. 36, No. 1/2, Ethnologies d'Europe et d'ailleurs (1986), pp. 325-348, consulté le 23 janvier 2022) propose une clef de compréhension supplémentaire :


[...] Les traditions roumaine et bulgare en particulier, nous offre de précieuses informations sur un tel complexe mythico-rituel construit autour de ce thème du "vol du lait".


Les voleuses de lait de la Saint-Georges : Il est en effet une date bien précise où le "vol du lait" s'effectue : c'est la veille de la Saint-Georges (22 avril), appelé en roumain Minecatoare (du verbe a mineca qui signifie "se lever de bon matin"). C'est à cette date, équivalent dans la tradition occidentale, de la veille du 1er avril ("Nuit des sorcières" d'Alsace, ou "Nuit de Walpurgis") que se manifestent ces détourneuses de flux lacté à qui l'on prête le pouvoir de s'approprier le potentiel de fécondité et d'abondance (mana) de la saison qui s'ouvre (tant en ce qui concerne les êtres humains que le bétail ou les fruits de la terre. C'est qu'en effet, le lait est "nourriture primordiale", et à travers ce "vol du lait", il faut donc voir une menace qui concerne le flux vital tout entier, cette sève que l'arrivée de Saint Georges libère tandis que la route à nouveau verdoyante s'ouvre aux déplacements saisonniers des troupeaux et que les sources, jusque-là prisonnières du serpent-dragon, Maître des eaux, peuvent revenir fertiliser les terres que le saint fait sortir de leur engourdissement. De toutes ces pratiques de la Saint-Georges qui foisonnent en une symbolique du "premier verdoyement", conjuguée à une première traite cérémonielle, il en est une qui mérite plus particulièrement attention : celle de la cueillette des simples qui a lieu à cette même époque où se plantent les Mais, où se déguisent et s'aspergent les "hommes de feuilles" et autre "Georges verts". Moins connue que son homologue de la Saint-Jean, cette cueillette de la Saint-Georges n'en est pas moins solidaire d'une période magico-rituelle dont elle marque l'ouverture saisonnière.

La liste est longue des plantes qui, dans les parlers populaires, portent le nom de Saint Georges. C'est qu'en effet, le nom du saint a été repris, avec ses variations plus ou moins locales, pour désigner des plantes qui fleurissent ou sont aptes à être récoltées à ce moment de l'année. [...]

D'une manière générale, on remarquera le caractère mythique de telles espèces qui se superposent à leurs propriétés botaniques : non seulement la date de leur cueillette, le moment de la journée où celle-ci a lieu (à l'aube, ou avant le lever du soleil), leur confèrent des vertus exceptionnelles, mais elles combinent souvent des propriétés botaniques réelles et des vertus imaginaires, pour former un complexe symbolique unitaire. Ou encore, il s'agit d'espèces qui ne peuvent relever que du merveilleux, auxquelles on s'efforce cependant de faire correspondre telle ou telle espèce botanique plus ou moins rare. Cette catégorie "botanico-merveilleuse", dont les frontières, du réel à l'imaginaire, restent floues, recouvre un double champ sémantique qui scinde celui du "vol du lait" en un "champ du larcin" et un "champ du flux lacté".


Les herbes des voleurs : La veille de la Saint-Georges ou son équivalent occidental du 1er mai, était marquée dans toute l'Europe par des croyances liées à l'apparition de trésors. On ne s'étendra pas ici sur ce thème qui a suscité de nombreux contes et légendes. On se souviendra seulement que la découverte des trésors qui a lieu à certains moments privilégiés de "sorties du temps" (M. Eliade), ces mêmes dates où s'ouvrent ciel et terre, se fait au moyen d'une herbe magique qui désigne l'emplacement où il faut les chercher ; ou bien encore cette herbe magique permet d' "ouvrir les serrures" ou de rompre le fer. C'est donc une "herbe des voleurs". Mais les noms qu'on lui donne, et les confusions qui existent à leur propos, nous indiquent la sphère mythique dans laquelle il faut l'aller cueillir : elle est le trésor lui-même, lorsqu'elle s'appelle "herbe de vie" (buruiena vietii) et possède alors la vertu de guérir les blessures et de ressusciter les morts. D'autres fois, on l'appelle "herbe des fers" (iarba fierelor), ou encore "herbe des bêtes sauvages" (iarba fiarelor). Plus que le glissement de voyelle qu'y ont vu les folkloristes, il y a là l'indication d'une superposition de croyances qui font de cette herbe merveilleuse, l'attribut d'un animal de la forêt, tantôt hérisson, tantôt serpent, auquel l'homme peut tendre un piège pour s'emparer par la ruse de cette précieuse source de vie. Son équivalent dans la tradition française est "l'herbe au pic".

Parmi les variétés botaniques auxquelles on a identifier de telles herbes on trouve le "cynanchum vincetoxicum" (?) ou la verveine ("verbena officinalis"). Mais on a parfois aussi assimilé l'herbe du (ou des) fer(s) à l'aconit ("aconitum napellus") tandis que l'herbe des bêtes sauvages, lorsqu'on la distingue de la précédente, est parfois confondue avec l'actée en épi ("actae spicata"), le drosera ou "herbe à la rosée" ("drosera rotundifolia") ou l'hépatique ("hepatica nobilis").

Une autre plante liée à la Saint-Georges comme à la Saint-Jean, est la fougère ("polystichum filix mas"), parfaite illustration de cette catégorie "botanico-merveilleuse" puisque la tradition populaire prête à ce cryptogame la propriété de fleurir durant cette nuit exceptionnelle, et à sa semence de posséder la vertu de rendre invisible. C'est elle que l'allemand nomme "Walpurgis kraut" (plante de Walpurgis). Elle permet aux sorcières comme aux chercheurs de trésors qui l'utilisent, de commettre leurs larcins sans être aperçus.

Il faut encore citer une plante dont la réalité botanique est plus problématique, et à laquelle le roumain donne le nom même par lequel elle désigne cette veille de la Saint-Georges : "Mînecatoare" est une plante à laquelle on prête la vertu de donner force à celui qui en fait usage ou de permettre de "voler l'abondance" des vaches et des champs.

C'est encore le cas de l'herbe qu'on appelle "langue-de-bœuf" (limba boului) dont le caractère mythique st aisé à saisir lorsqu'on connaît le mode de cueillette : il faut la repérer le jour afin de la retrouver la nuit ; on doit alors la déterrer et la boire sur place, ce qui assure une protection contre les maladies durant toute l'année. Elle correspond néanmoins aux variétés botaniques de la buglosse (équivalent de l'appellation roumaine, du point de vue étymologique) ("anchusa italica ou officinalis") et de la bourrache ("borago officinalis") qui portent tous deux, en français, le nom populaire de "langue-de-bœuf".


Les herbes de Saint-Georges et le lait : Si la première série de plantes liées à la Saint-Georges nous a renvoyés au thème du "vol", et plus particulièrement à celui du "larcin merveilleux", celui du "flux lacté" se trouve représenté par une deuxième série de plantes plus "réelles" mais non moins symboliques, également liées à cette date. L'étude déjà citée de Assia Popova met particulièrement en évidence le trait commun qui les unit sous le signe du flux vital : il s'agit en effet de plantes qui sécrètent un suc blanc, auquel on prête la qualité de favoriser la lactation du bétail : telles sont par exemple la "lactaire" (euphorbia hélioscopa L.), en roumain "ierba laptoasa", herbe laiteuse ; le "lait-de-coucou", lathrée écailleuse (lathraea squamaria L.), ou encore "la plante qui fait grossir" (en bulgare) (sedum roseum L.), en roumain "ierba groasa", herbe grosse. D'autres plantes de la Saint-Georges sont également cueillies comme plantes à action "répulsive", dont l'odeur âcre, l'aspect épineux ou encore le caractère merveilleux, sont censés éloigner les voleuses de lait. Ce sont par exemple le verâtre ou l'ellebore blanc ("veratrum album L."), la ronce ("rubus fructicosus L. coesius") ou la fougère déjà mentionnée.


On voit donc à travers ces quelques exemples comment se joue, durant cette "nuit des sorcières", une logique métaphorique où lait et sève se confondent en un même flux vital, dont les uns tentent de s'emparer et dont les autres s'efforcent de favoriser la production à leur profit.

*

*

Michaël Tonon, dans un article intitulé "Taranis, le géant Anguipède et Saint Georges", paru dans les Bulletin[s] de la Société de Mythologie Française n°235 et n°236, juin et septembre 2009, montre la filiation entre les dieux gaulois et leurs avatars chrétiens :

[...]

Survivance chrétienne du Jupiter à l’Anguipède : Saint Georges.

Comme nous allons le voir, le mythe de Saint Georges est la preuve d’une survie chrétienne et occidentale de mythes anciens semblables aux mythes indien et hittite. En effet il ne peut s’agir d’un emprunt oriental ponctuel plus récent, compte tenu du fait que le thème de Saint Georges et le dragon est repris également par beaucoup de saints typiquement français ; de plus, la raison pour laquelle ce saint est invoqué encore dans l’Est de l’Europe, et dans certains villages français, montre une appropriation profonde et commune de la signification du mythe. Par là même, cela prouve que ce mythe existait nativement dans la strate antérieure de la population européenne : Celtes en Europe de l’Ouest et Slaves en Europe de l’Est. Selon nous, les statues du Jupiter à l’Anguipède en sont l’illustration et la preuve en territoire celte. Etudions le mythe de Saint Georges.


L’iconographie de Saint Georges : L’iconographie de Saint Georges est immense, compte tenu de la popularité du saint depuis le Moyen-Âge. Dès cette époque, un modèle canonique fidèle à l’hagiographie, s’est imposé.











Figure n°11 :

Icône russe, XIVième siècle (Musée Russe, Saint Pétersbourg).






Figure n°14 : Icône russe, XVième siècle, Musée du Louvre.


Les caractéristiques générales de l’iconographie sont les suivantes :

  • Sur les représentations les plus anciennes, le monstre est clairement anguipède, avec donc un long postérieur en forme de serpent et un buste d’un autre animal, avec deux petites ailes et quelques fois deux petites pattes antérieures.

  • Saint Georges arrive presque toujours derrière le dragon, il le survole, le dragon tourne la tête pour lui faire face, comme l’Anguipède sur les groupes du Jupiter à l’Anguipède.

  • Saint Georges lui plonge sa lance généralement dans la bouche ou dans le cou. Saint Georges est à cheval et son cheval, généralement blanc, est quasiment tout le temps cabré, les deux postérieurs levés, exactement dans la position de celui de Taranis. Dans le même temps, Georges enfonce sa lance comme Taranis lance sa foudre.

  • Le dragon sort, ou est près d’une grotte, qui est son antre, figurée comme une petite montagne. C’est la montagne bloquée par Vritra en Inde, ou celle d’Illuyanka chez les Hittites. On la voit aussi sur le vase d’Hasanlu.

  • La fille du roi est souvent présente, hiératique et passive, tenant quelques fois en laisse le dragon avec une cordelette, totalement dérisoire et hors de proportion avec la force du monstre. Dans les figures n°11 et 12, la fille du roi a passé négligemment un nœud coulant non serré sur une corne de la bête. On retrouve la notion de la cordelette forcément magique qui neutralise Illuyanka chez les Hittites et dont l’usage requiert un intermédiaire humain.

Les représentations de Saint Georges plus récentes peuvent réserver des surprises : le dragon que combat le Saint Georges vénitien est un tricéphale, et on voit donc resurgir (par hasard ?) un thème en fait très ancien (figure n°13).


La légende : La première trace d’un culte à Saint Georges est localisée dans la basilique de Diaspolis en Israël, datée du IV ième siècle. Il semblerait que ce saint ait suscité l’intérêt des croisés, notamment anglais, traversant la région : Richard Cœur de Lion, qui en sera le propagandiste zélé passera à cette basilique en 1191. Or dès 1222, la fête de Saint Georges sera déclarée d’obligation en Angleterre par le concile d’Oxford, et dans ce pays, il sera inséparable de la croix du même nom qui n’est autre qu’une croix de croisé. C’est précisément de cette période du début du XIIIième siècle que datent la plupart des récits sur le saint, et qu’apparaît aussi le thème du dragon qui n’est pas d’origine dans les récits primitifs grecs (VIième siècle). Il proviendrait de l’intégration d’un thème folklorique médiéval suivant un processus de « folklorisation » de l’hagiographie propre à cette période. Cette remarque est importante pour comprendre comment un saint assez tardif en Occident comme Saint Georges a pu intégrer des thèmes antiques qui avaient survécus jusque là sous forme folklorique.

Le récit de Voragine dans la Légende Dorée a pu bénéficier du fait que cet auteur était implanté à Gênes, ville qui s’est dédiée à Saint Georges.

L’histoire de Saint Georges par Jacques de Voragine forme un diptyque dont les deux parties seraient indépendantes s’il n’y avait pas le lien du personnage principal, Georges. Georges est un militaire, un rude combattant, et un combattant à cheval. C’est d’ailleurs pour cela qu’il sera un saint très courtisé par les ordres de chevalerie médiévaux : Jean le Bon songeait à lui pour le patronage d’un ordre de chevalerie en 1344, mais Edouard III le devancera en plaçant son nouvel ordre de la Jarretière sous le patronage du saint en 1348. Saint Georges est resté le patron des soldats, des chevaliers et de pays comme l’Angleterre, la Géorgie, ou de villes comme Moscou et Gênes. Il n’aurait pas été désavoué par Indra, dieu de la deuxième fonction guerrière.


La Légende Dorée fait de lui un tribun romain de Cappadoce, un militaire donc, qui arrive dans une ville de Libye pour y trouver la contrée désolée par un monstre redoutable.

« Or, dans un vaste étang voisin de cette ville habitait un dragon effroyable qui, maintes fois, avait mis en fuite la foule armée contre lui, et qui, s’approchant parfois des murs de la ville, empoisonnait de son souffle tous ceux qui se trouvaient à sa portée ».

Pour apaiser la fureur du monstre, les habitants lui offrent deux brebis par jour à dévorer, mais bientôt celles-ci se firent rares, et il fallut remplacer une des brebis par un être humain. Mais même la ressource humaine vint à diminuer et il arriva que le roi vit sa fille tirée au sort pour être la prochaine victime du monstre. Le roi se lamente mais sa fille se dirige avec fermeté vers l’étang où réside la bête. Saint Georges passant par là, croise la jeune fille éplorée, et lui demande ce qui se passe. Après son récit, il proclame son intention de la sauver :

« Et pendant qu’ils parlaient ainsi, le dragon souleva sa tête au-dessus de l’étang. La jeune fille, toute tremblante, s’écria : « Fuis, cher seigneur, fuis au plus vite ! ».

Mais Georges, après être remonté sur son cheval et s’être muni du signe de la croix, assaillit bravement le dragon qui s’avançait vers lui et, brandissant sa lance et se recommandant à Dieu, il fit au monstre une blessure qui le renversa sur le sol. Et le saint dit à la jeune fille :

« Mon enfant, ne crains rien, et lance ta ceinture autour du cou du dragon ! » La jeune fille fit ainsi, et le dragon, se redressant, se mit à la suivre comme un petit chien qu’on mènerait en laisse. »

Saint Georges et la fille du roi arrivent alors en ville avec le dragon, provoquant la panique. Le calme revenu, le saint obtient une conversion massive des habitants frappés d’un tel miracle, puis il tue le dragon d’un coup d’épée. La conclusion de l’épisode est la suivante :

« Le roi fit élever, en l’honneur de la sainte Vierge et de saint Georges, une immense église, de laquelle jaillit une source vive dont l’eau guérit toutes les maladies de langueur ».


Mais l’histoire de Georges ne s’arrête pas là. Le deuxième volet rapporte le martyre du saint. Et les liens avec Taranis et sa foudre céleste sont nombreux. Le martyre commence ainsi :

« Alors le préfet, ne pouvant le fléchir, le fit étendre sur un chevalet et ordonna que tous ses membres fussent déchirés, l’un après l’autre, par des ongles de fer ; il lui fit aussi brûler le corps avec des torches ardentes, et fit frotter avec du sel les plaies par où sortaient ses entrailles.[…]Il le fit placer sur une roue qu’entouraient de toutes parts des glaives à deux tranchants ; mais la roue se brisa au premier mouvement, et saint Georges fut retrouvé saint et sauf où on l’avait mis. Dacien le fit alors plonger dans une chaudière de plomb fondu ; mais lui, ayant fait le signe de la croix, il n’éprouva que la sensation d’un bain rafraîchissant ».

Dacien renonce alors à la violence et cherche à le flagorner. Il lui demande gentiment de venir au temple païen où tout le peuple l’attendra pour le voir faire un sacrifice aux idoles. Georges fait semblant de répondre à la douceur par la douceur et lui dit qu’il viendra. Mais, le jour dit :

« Georges, dès qu’il y fut rentré, s’agenouilla et pria le Seigneur de détruire sur-le-champ ce temple avec ces idoles. Et sur-le-champ un feu, tombant du ciel, brûla le temple, les idoles et les prêtres ».

Dacien est fou de rage, d’autant plus que sa propre femme devient chrétienne et qu’il la fait martyriser. Il décide d’en finir :

« Dacien ordonna que Saint Georges fût traîné par toute la ville, puis décapité. […] Ayant fini de prier, saint Georges eut la tête tranchée. Quant à Dacien, comme il quittait le lieu du supplice pour rentrer dans son palais, le feu du ciel tomba sur lui et le consuma avec ses ministres. »


Nous voyons à quel point Georges s’identifie avec Taranis, dont il est une émanation certaine :

  • Il subit à répétition le sacrifice de type Taranis : son corps est brûlé avec des torches tandis que ses entrailles « brûlent » avec du sel. Ensuite il est attaché sur une machine infernale évocatrice de Taranis puisqu’il s’agit d’une roue, symbole de ce dieu au tonnerre, qu’il brise. Enfin, il est encore brûlé dans une chaudière par du plomb fondu, naturellement en vain.

  • L’action du saint se fait au moyen de la foudre, par deux fois. Même si le lanceur est, dans ce récit chrétien, Dieu lui-même, c’est bien le Saint qui en dispose. La première fois, à sa demande, Dieu foudroie le temple païen, ses idoles et ses fidèles. La seconde fois, Dieu venge le Saint en foudroyant le bourreau et ses complices.

  • La parenté de Georges avec Taranis étant posée, on peut regarder de nouveau la première partie du récit, celle du dragon, qui présente beaucoup d’analogie avec le mythe qui transparaît dans les statues du Jupiter à l’Anguipède : Le dragon vient d’un étang, c’est son lieu de résidence. C’est donc potentiellement un monstre « semi-aquatique », avec une queue de poisson ou de serpent, comme l’Anguipède. Il vit dans l’eau fermée d’un étang car il est l’image de celui qui retient l’eau, comme Vritra. Il désole la région en répandant un souffle pestilentiel qui empoisonne tout : c’est précisément l’exhalaison d’une eau stagnante et croupissante, « bloquée » par la Résistance, la Rétention.

  • Georges est explicitement à cheval pour attaquer le dragon, c’est un point clef de son iconographie et c’est ce qui notamment le fit apprécier des chevaliers du Moyen-âge. On y retrouve l’aspect du Jupiter-Taranis à cheval. Dans l’iconographie, il est trait pour trait semblable au Taranis à l’Anguipède : son cheval est cabré sur le dragon qu’il domine, comme Taranis le fait avec l’Anguipède et Georges brandit une lance comme Taranis la foudre. De même chez Zeus, qui « descendit du ciel » sur Typhon à bord d’un char volant tiré par des chevaux ailés.

  • Curieusement Georges ne tue pas le dragon, il le blesse seulement et ne semble pas capable de l’achever. Pour le neutraliser, il doit demander à la jeune fille, comme s’il ne pouvait pas le faire lui-même, de lancer un lien aussi insignifiant soit-il, sur le monstre. Alors soudainement le dragon devient docile et suit la jeune fille. Il pourra alors, et seulement alors, être tué sans qu’il puisse se défendre, par la population qu’il terrorisait. On voit que c’est la magie du lien qui opère et non pas l’éventuelle solidité de la corde. Et ce processus doit être fait par un tiers d’une autre nature que le saint : une femme humaine, par double opposition à l’homme saint (sexe et nature). On retrouve étonnement le très vieux schème hittite du mortel qui sert d’intermédiaire pour envoyer un lien sur le dragon Illuyanka.

  • Dans l’église dressée sur les lieux par le Roi en remerciement, une source a jailli : l’eau s’est libérée consécutivement à la libération de la fille du roi, en écho de la libération des fleuves par Indra. Et cette source guérit la langueur : c’est précisément l’action d’Indra, qui brise l’inertie, la résistance, la passivité, bref cette langueur que l’eau de la source permet aussi de vaincre. On reconnaît aussi dans cette langueur la « langueur druidique » que combat Mog Ruith. La source a été placée sous le double patronage de Saint Georges et de la Vierge, représentante de la déesse-fleuve, comme Ganga en Inde ou probablement Dana / Dea Ana en Gaule.

Ce que Saint Georges nous apprend de Taranis [...]


James George Frazer a compilé à la charnière entre le XIXième et XXième siècle, dans son œuvre majeure « Le Rameau d’Or », un nombre impressionnant de thèmes folkloriques européens et mondiaux. Il a consacré à Saint Georges un chapitre complet, qui est très intéressant pour notre étude. Il montre que Saint Georges, dont la fête est le 23 avril, est au cœur de rites visant à favoriser le printemps, à éviter le gel des cultures et à procurer une bonne santé au bétail que l’on sort des étables à ce moment là ; il s’agit de lui assurer de la bonne herbe verte, de l’eau en abondance, de le protéger des maladies et surtout des prédateurs, ours et loups, qu’il rencontrera sur son chemin. Il s’agit également d’assurer aux vaches un lait abondant. J. G. Frazer met la fête de Saint Georges en relation avec la fête romaine des bergers, les Parilies, qui se tenaient le 21 avril.

En effet, J. G. Frazer montre que Saint Georges est surtout fêté par les éleveurs pour protéger les troupeaux lors de leur sortie de l’étable :

« En Russie, le saint est appelé Yegory ou Yury, et, comme en Estonie, il est patron des loups ainsi que des troupeaux. Bien des légendes montrent les rapports qui existent entre Saint Georges et le loup. Dans la Petite Russie la bête s’appelle « chien de Saint Georges » et on ne mange pas les moutons que les loups ont tués, considérant qu’ils ont été cédés aux bêtes des champs par un ordre divin. La fête de la Saint-Georges, le 23 avril a, en Russie, un caractère à la fois national et religieux […] Ce n’est pas comme vainqueur de dragons ni champion de demoiselles désolées que Saint Georges figure dans ces chants, mais comme patron des fermiers et des pâtres, qui protège de tout mal le bétail ; et on choisit son jour de fête pour mener les troupeaux paître pour la première fois dans les frais pâturages après leur réclusion pendant le long hiver de Russie. ».

La fête du saint correspond donc à une rupture entre deux saisons pour les éleveurs : c’est le moment de sortir le troupeau resté enfermé tout l’hiver, car Saint Georges a le pouvoir de rendre les loups inoffensifs. La légende suivante nous fait entrevoir par quel moyen :

« [pour les pâtres et bouviers de l’Europe orientale] la bête qui tombe le 23 avril est consacrée à Saint Georges, patron des chevaux, du bétail et des loups. Les Estoniens disent que le matin de la Saint Georges les loups deviennent moins dangereux à cause d’un anneau qui leur entoure le museau et d’un licou qui leur encercle le cou-et cela jusqu’à la Saint-Michel. […] Mais même si le printemps est tardif et si le troupeau doit rentrer à l’étable plus affamé qu’il n’en est sorti, bien des fermiers insistent pour faire sortir les pauvres bêtes le jour de la Saint-Georges afin que le saint les protège contre les loups ses créatures ».

C’est grâce à un simple anneau (qui fait il est vrai office de muselière), ou même un licou, c’est-à dire un lien inoffensif qui n’entrave pas la bête que Saint Georges maîtrise le loup, comme le serpent Illuyanka hittite est maîtrisé par un simple cordon qui suffit à le rendre vulnérable pour le dieu de l’Orage, ou comme la fille du roi attache négligemment le dragon avec une cordelette qui le rend doux comme un mouton. C’est le lien qui magiquement paralyse le monstre et lui hôte sa force ou son agressivité.


Mais Saint Georges était-il invoqué uniquement pour retenir les loups ? Bien sûr que non, c’est tout un processus qui est en jeu. D’abord, c’est bien lui qui lance le processus de déblocage de l’eau de l’hiver, le dégel :

« Dans une chanson de la Russie blanche on voit Saint Georges ouvrant le sol, durci par le gel du long hiver, avec ses clefs d’or, probablement les rayons du soleil : Saint Jury, le divin messager Est allé vers Dieu, Là, ayant pris les clefs dorées Il a délivré la bonne terre grasse Puis il répandit la rosée bienfaisante Sur la Russie blanche et le monde entier. En Moravie, on accueille le printemps par un chant dans lequel on demande au Jeudi Vert, c’est-à-dire la veille du Vendredi Saint, ce qu’il a fait des clefs, et il répond : « Je les ai données à Saint Georges. Et Saint Georges s’est levé, il a délivré la terre pour que croisse l’herbe, l’herbe verte». Il est d’usage en Russie blanche, le jour de la Saint-Georges, de conduire les troupeaux dans les champs humides de la rosée du matin, et dans la Petite Russie et en Bulgarie les jeunes gens vont s’y rouler dès le petit matin. »

Saint Georges a récupéré (auprès de Dieu) les clefs d’or, c’est-à-dire les rayons du soleil pour dégeler la terre, faire que l’eau et aussi la rosée deviennent enfin liquides et s’écoulent : d’où la jubilation des jeunes gens de voir apparaître la rosée liquide sous forme de gouttes et non plus de givre. C’est le signe que la saison a basculé, que la végétation va reverdir et que les troupeaux vont pouvoir sortir, d’autant plus que Saint Georges permet également de lutter contre une autre facette du monstre Hiver, le loup. L’image de l’ouverture de la terre par Saint Georges évoque l’image d’Indra coupant Vritra en deux pour que jaillissent les rivières. Les clefs d’Or données à Saint Georges évoquent le soleil ramené par Indra ou Telebinu.

Pour compléter J. G. Frazer, on peut ajouter que Saint Georges est également invoqué contre la grêle (donc de l’eau sous forme de glace) en Grèce, en Macédoine et dans le nord du Péloponnèse, en Roumanie et en Bulgarie. Les Sarakatsani, peuple de pasteurs-nomades aujourd’hui sédentarisés en Epire grecque, et qui autrefois circulaient entre l’Albanie, la Thessalie et la Béotie, avaient adopté Saint Georges comme saint patron : selon eux, le sang d’un agneau tué le jour de la fête du saint est souverain contre les gerçures.

Ainsi, Saint Georges est fêté au printemps pour patronner un rituel lié au changement de saison, comme dans les Purulli hittites d’il y a plus de trois milles ans, et comme Taranis devait le faire en Gaule. Nous pensons que Taranis était invoqué, à travers les groupes statuaires du Jupiter à l’Anguipède, par une population d’agriculteurs-éleveurs, pour vaincre le dragon de l’Hiver (l’Anguipède) qui fige l’eau des fleuves et les liquides de la nature comme la sève des plantes. Il est ainsi de fait le protecteur de la déesse-rivière, première opprimée par le dragon Hiver. Par son combat toujours renouvelé, il permet la renaissance printanière, le bon écoulement de l’eau des fleuves après la débâcle, la pousse de l’herbe et donc la bonne alimentation des troupeaux.

Taranis est à cheval sans doute pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est intrinsèquement le dieu Souverain et le dieu belliqueux, donc le dieu de l’aristocratie équestre gauloise : il est donc normal qu’il se batte à cheval. Saint Georges, chez les slaves, est patron notamment des chevaux. Mais peut-être aussi le cheval (magique) représentait-il le moyen « aérien » d’attaquer l’Anguipède par le haut de la montagne, en volant, comme Persée le fit avec Pégase.


En France également, Saint Georges était invoqué contre les gelées printanières, par exemple en Bourbonnais :

« Dans les pays de vignobles des environs de Montluçon, à Désertines, à Marmignolles, à Humes, saint Georges est tout spécialement invoqué contre les gelées. Avant la messe qui se chante au jour de sa fête, on adjuge au plus offrant et dernier enchéreur, le droit d’offrir « la serviette » à monsieur saint Georges. [Une jeune fille choisie par le gagnant essuie délicatement les pieds du saint et les sabots de son cheval avec ce linge fin tandis qu’il est loué par la foule] Mais si les vignes ont gelé au printemps, personne ne se présente aux enchères de la serviette et pourtant quatre jeunes gens de la paroisse ont descendu le saint pour le porter à la procession. Elle se fait sans enthousiasme ; pas un seul vivat ne se fait entendre ; la foule devient houleuse et quand elle défile devant la statue, chacun lui dit ironiquement : « Fasez li do vère son ouvrège à que m’sieur saint Georges ». Puis, avant d’entrer dans l’église, on approche un grand baquet d’eau et on essuie les pieds de m’sieur saint Georges avec un chiffon de toile grossière et on crie à tue-tête : « Ouessé ben bon pré ly co saint o la laissé jallé noté vignes ».

Cette coutume paysanne si savoureuse de montrer sa mauvaise humeur au saint qui n’a pas bien travaillé témoigne, qu’ici aussi, la lutte contre l’inertie, le gel de l’eau et de la nature est un point capital de son culte. Saint Georges est aussi invoqué contre le gel de la vigne dans l’Allier, et contre le gel en général à Bézier et dans le Gard et deux cas seraient recensés en Anjou.

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Folklore :


Jeu d'enfance (Y joue-t-on seulement encore ?) :


Les enfants s'assoient en cercle tandis que l'un d'entre eux est désigné par le sort pour jouer le rôle du renard. Celui-ci circule dans le dos des enfants assis en portant la clef de saint Georges figurée par un mouchoir afin qu'elle ne fasse pas de bruit en tombant. Tout le monde chante alors la ritournelle suivante pendant laquelle le renard feint de déposer la clef plusieurs fois (avant ou après l'avoir réellement fait tomber) afin de tromper ses camarades :

Je porte, je porte,

la clé de st Georges,

quand j’l’aurai assez portée

je la laisserai tomber

au pied d’un rocher

à ma bien-aimée


Ne regardez pas

le renard qui passe

mais regardez le

quand il est passé

1 2 3 fermez les pt’its pois

4 5 6 ouvrez les saucisses


Variante : [...] quand il est passé

ohé, matelots, regardez derrière votre dos !


Tout le monde regarde si le mouchoir est derrière lui, l'enfant qui le trouve court derrière le renard qui doit s’asseoir avant de se faire toucher par son poursuivant. Si le renard est touché, il se place au centre de la ronde et attend qu’un autre renard prenne sa place.


Que signifie cette clef de Saint-Georges ? De quelle porte s'agit-il ?

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